A quelques mois des élections présidentielles prévues pour août prochain, le président Kagame, qui se présente pour un deuxième mandat, pourrait se contenter de miser sur les nombreux succès engrangés au cours des dernières années : les félicitations du rapport « Doing Business » de la Banque Mondiale, la normalisation des relations avec Kinshasa, qui s’est traduite par l’échange d’ambassadeurs et par des opérations militaires conjointes et le rétablissement des relations diplomatiques avec la France, avec, en point d’orgue, la récente visite à Kigali du président Sarkozy et surtout les remarquables progrès accomplis par le Rwanda sur la voie du développement.
Cependant, au lieu de la satisfaction et de l’optimisme, une certaine tension règne à Kigali en ces débuts de campagne électorale. Arrivée à Kigali le 16 janvier en provenance des Pays Bas, Mme Victoire Ingabire Umuhoza, présidente des Forces démocratiques unifiées et qui compte se présenter au suffrage des électeurs, a été plusieurs fois interpellée par la police et le vice président de son parti, dénoncé par une juridiction gaçaça pour avoir été présent au moment du génocide, a été incarcéré. A deux reprises, le 19 février et le 4 mars, des attentats à la grenade ont secoué Kigali, faisant 3 morts et plusieurs dizaines de blessés. Ces attentats ont suscité des interprétations diverses : selon l’opposition en exil, ils auraient été organisés par le régime lui-même, afin de pouvoir accuser les opposants d’être les complices des miliciens extrémistes hutus. Le Comité pour la protection des journalistes a reproché au président Kagame d’avoir affirmé que les journalistes qui critiquaient le régime faisaient le jeu des auteurs des attentats. A Kigali par contre, les autorités ont d’abord dénoncé des rebelles hutus infiltrés, puis mis en cause le général Faustin Kayumba Nyamwasa, qui venait de faire défection, l’accusant de vouloir déstabiliser le pays.
Les deux hypothèses sont aussi surprenantes l’une que l’autre: Kigali, une ville placée sous haute surveillance, est l’une des capitales les plus sûres d’Afrique et ce calme est mis en avant pour attirer les touristes et les investisseurs étrangers. Aux yeux du régime, porter atteinte à la crédibilité de l’opposition par des attentats téléguidés ternit cette cette réputation de sécurité et on voit mal ce que le pays pourrait y gagner à long terme.
Par ailleurs, on comprend mal pourquoi le général Kayumba, un vétéran de l’armée, qui appartient au noyau fondateur du FPR, aurait eu recours à des grenades jetées en pleine ville, alors qu’au sein des forces de défense du Rwanda il dispose de nombreux partisans aguerris.
Kayumba Nyamwasa en effet est une personnalité de poids : appartenant à un clan dont était issue la monarchie rwandaise, il combattit dans les rangs du FPR depuis l’Ouganda et est apparenté à plusieurs officiers de haut rang.
Après avoir été à la tête de l’armée, il choisit de poursuivre ses études en Grande Bretagne et, en 2003, il prit la direction des services de sécurité.
Lorsque des divergences l’opposèrent à Kagame, (entre autres parce que Kayumba possédait d’importants troupeaux de vaches dans le Mutara alors que les autorités voulaient réduire l’élevage extensif au profit de la stabulation et de rendements plus élevés) lehttp://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2010/03/15/rwanda-grenades-et-defections-des-tensions-imprevues/ président, tenant compte du prestige de Kayumba et des appuis dont le général disposait en Grande Bretagne, choisit de l’écarter et le nomma ambassadeur en Inde.
Entretemps, le juge français Bruguière avait inscrit Kayumba sur la liste des neuf responsables rwandais accusés d’avoir abattu l’avion du président Habyarimana.
En février dernier, ayant regagné le Rwanda pour assister aux funérailles de sa mère et participer à une réunion d’ambassadeurs, Kayumba fut interrogé par les services de sécurité au sujet « d’activités criminelles ». Il choisit alors de quitter le pays via l’Ouganda pour la Tanzanie puis l’Afrique du Sud où il retrouva un autre officier dissident, Patrick Karegeya, ancien chef des renseignements extérieurs. Ces deux officiers seraient proches de Joseph Sebarenzi, ancien président de l’Assemblée nationale et survivant du génocide, qui a rejoint les exilés monarchistes aux Etats Unis
Par ailleurs, Déo Mushaydi, un autre opposant qui fut longtemps réfugié en Belgique, a été arrêté par les services de sécurité burundais et livré à Kigali. Fondateur d’un parti d’opposition, le Pacte de défense du peuple, PDP, Mushayidi peut difficilement être qualifié de « génocidaire » : Tutsi d’origine, ayant perdu sa famille en 1994, il avait gagné la Tanzanie voici un an dans l’intention de préparer un retour politique au Rwanda. Son « crime » était peut-être de préconiser un « dialogue inter rwandais ».
A delà des cas individuels précités, un autre malaise est perceptible à Kigali, celui des francophones, toutes ethnies confondues, qui se sentent marginalisés et dont les enfants sont désormais obligés de poursuivre leurs études en anglais…
Ces sujets de tension sont d’autant plus insolites que la “cote” du Rwanda auprès des Occidentaux est celle d’un “premier de classe” à tel point que l’Union européenne ne juge même pas nécessaire d’envoyer des observateurs suivre les prochaines élections…


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Posté par rwandaises.com