(Syfia Grands Lacs /Rwanda) A choisir entre rester prostituées et devenir balayeuses, des femmes, réunies en association à Muhanga au sud du Rwanda n’hésitent pas à quitter le plus vieux métier du monde où elles risquent leur vie, n’ont pas de revenus fixes et perdent le respect d’elles-mêmes. Témoignages.

Tous les jours, bon nombre de jeunes femmes de Muhanga, province du Sud du Rwanda, se lèvent tôt le matin pour se rendre à leur travail quotidien : le nettoyage des rues et différents coins sales de la ville. Ce sont des membres de l’association « Tubusezerere », (Abandonnons la prostitution), composée d’anciennes prostituées qui ont renoncé à ce vieux métier dont les revenus sont aléatoires. « Nous avons décidé d’abandonner la prostitution pour travailler dur et gagner notre vie dignement », témoigne Jeannette, 36 ans, vêtue d’une salopette kaki, de bottes et gants noirs, et très fière de balayer le tronçon de la grand route Kigali-Butare. « Dans ces travaux manuels, nous gagnons peu, mais du moins nous sommes sûres de notre gain et de notre santé. Mais dans la prostitution, les clients nous maltraitaient, nous battaient et souvent refusaient de nous payer », renchérit-elle.
Le département des affaires sociales du district Muhanga a réuni dans l’association, il y a deux ans, plus de 220 anciennes professionnelles du sexe dont une cinquantaine est affectée au nettoyage de la ville. Les autres s’occupent d’autres petits projets comme la vente de légumes et fruits au marché de Gitarama et l’agriculture. Les nettoyeuses reçoivent 21 000 Frw (37 $) par mois, un salaire proche de celui d’un enseignant débutant à l’école primaire.

Difficile réintégration dans sa société
« Même après avoir quitté la prostitution, il y a des hommes qui viennent me draguer croyant que j’y reste », témoigne une de ces femmes. Pour bon nombre de membres de Tubusezerere, quitter ce métier n’est pas une décision facile, car une prostituée est connue comme telle par tout le monde. Aussi, celles qui ont pu le faire mettent en garde celles qui le pratiquent encore. « La prostitution est un métier mortel. S’y engager, c’est se tuer soi-même. Souvent nous sommes emprisonnées, nous attrapons le VIH. Il y a des risques d’entrer dans les bagarres avec des rivaux et des hommes. Pour gagner plus d’argent, je prenais des drogues pour pouvoir tenir deux ou trois hommes pendant la nuit. C’est la mort », met en garde Monique, ancienne prostituée. Avis partagé par sa collègue bien connue sous le sobriquet de Kiliwanzenze, aujourd’hui vendeuse de pagnes: « J’ai fait ce métier pendant plus de 18 ans au Rwanda comme en RDC. Mais je n’ai trouvé ni argent, ni mari. J’ai une cicatrice sur la bouche là où mes rivales m’ont frappée avec une bouteille vide quand nous étions en bagarre dans un bar en Rdc. C’est depuis que j’ai quitté que je parviens à gagner un peu d’argent et épargner. »
Certains clients proposent beaucoup d’argent à condition de faire des rapports sexuels non protégés. « Plutôt que de perdre de l’argent, nombreuses femmes de joie acceptent sans souci d’attraper le VIH/Sida », témoigne l’une des membres de Tubusezerere. « Le fait que la majorité des prostituées n’ont pas d’emploi limite leur marge de négociation et augmente leur vulnérabilité », explique-t-elle. Le taux de prévalence actuel du VIH/SIDA chez les prostituées est estimé à 56%. La pauvreté reste la principale cause qui pousse les jeunes femmes à vendre leurs corps. Celles qui en ont fait une expérience amère ne cherchent qu’à regagner le respect et l’estime de soi. « Toutes veulent fonder une famille et avoir une vie bien rangée, avoir un mari et des enfants, estime Jacqueline, une ancienne prostituée. Avec très peu d’argent, nous pouvons démarrer de petits commerces ». « Du moment que ma famille arrive à survivre avec ce que je gagne ici, conclut-elle, je préfère me fatiguer physiquement que risquer ma vie. »

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Posté par rwandaises.com