« Pour le peu d’avenir que me réserve mon futur, ce Molière est un merveilleux encouragement », avait déclaré Laurent Terzieff en recevant sa récompense, fin avril, à l’âge de 74 ans. Grande figure du théâtre, l’acteur et metteur en scène Laurent Terzieff est décédé vendredi soir à l’âge de 75 ans à l’hôpital de la Salpêtrière, « de complications pulmonaires » après avoir été « souffrant pendant plusieurs semaines », a annoncé samedi à l’AFP son agent. Les détails de ses obsèques n’étaient pas encore fixés, a précisé ce dernier.
Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a rendu hommage à un « artiste passionné, exigeant, travailleur infatigable et inspiré » qui laissera une « empreinte inoubliable » au théâtre comme au cinéma. « Laurent Terzieff a été une grande lumière qui a traversé le théâtre. C’était un frère, un pèlerin du théâtre. Il a cultivé comme personne le théâtre de fraternité », a déclaré à l’AFP l’acteur Fabrice Luchini, qui jouait à ses côtés et sous sa direction, dans la pièce « Molly » de Brian Friel en 2005 au théâtre de la Gaîté-Montparnasse. « Il aurait pu être une star. Il a préféré la découverte d’auteurs », a-t-il estimé. « Il était complètement désintéressé, loin des prix et des hochets. Laurent Terzieff était un exemple et un immense talent », a renchéri Robert Hossein. « Le théâtre perd une personnalité extrêmement estimable » a-t-il dit à l’AFP.
Un autodidacte du théâtre
Véritable légende du théâtre français, cet acteur incandescent au visage émacié avait été sacré meilleur comédien en avril aux Molière pour deux rôles différents dans les deux familles du théâtre, « L’Habilleur », qui lui a valu aussi le Molière du théâtre privé et « Philoctète », dans le secteur subventionné. « J’ai toujours oeuvré pour une mixité entre un certain théâtre privé et l’aide publique dont je dispose », avait-il rappelé en recevant sa récompense. Indépendant, exigeant et discret, cet autodidacte du théâtre avait révélé des auteurs tels que Andreiev, Mrozek, Milosz et les anglo-saxons James Saunders, Murray Schisgal, Edward Albee.
Né le 27 juin 1935 à Toulouse (Haute-Garonne) d’une mère céramiste et d’un père sculpteur d’origine russe, Laurent Terzieff, de son vrai nom Laurent Tchemerzine, avait décidé de se consacrer au théâtre après avoir vu, adolescent, « La Sonate des spectres » de Strindberg mise en scène par Roger Blin, dont il sera le fils spirituel. Il avait appris le métier « sur le tas » comme machiniste, souffleur, figurant, doublure, avant de débuter en 1952, grâce à Jean-Marie Serreau, autre mentor, dans « Tous contre tous » d’Adamov.
Le théâtre comme sacerdoce
Baptisé en 1958 « la nouvelle gueule d’ange du cinéma français » après le film « Les tricheurs » de Marcel Carné, il sera dirigé par les plus grands, Luis Bunuel dans « La voie lactée » (1969), Henri-Georges Clouzot dans « La prisonnière » (1968) ou encore Pasolini dans « Médée » (1969) sans faire véritablement carrière au grand écran. En 2008, il campait un vieux gangster usé au côté de Jean-Pierre Kalfon et Jean Rochefort dans « J’ai toujours rêvé d’être un gangster » de Samuel Benchetrit.
Laurent Terzieff avait choisi le théâtre comme un sacerdoce. En 1961, il avait fondé la compagnie qui porte son nom, et qui sera hébergée dans les petits théâtres privés : Lutèce, La Bruyère, Lucernaire. Acteur au jeu hors mode et d’une très grande sensibilité, il avait notamment triomphé dans « Tête d’Or » chez Barrault et reçu de nombreuses récompenses : prix Gérard Philipe en 1964, Grand prix national du théâtre en 1984, et plusieurs Molière, pour deux pièces qui ont été de vifs succès publics : « Ce que voit Fox » (1988) et « Temps contre Temps » (1993). En 2002, Laurent Terzieff avait perdu sa compagne et partenaire de théâtre, Pascale de Boysson. Quelques mois plus tard, il était remonté seul en scène pour « Florilège », un spectacle poétique.
http://www.lepoint.fr/societe/laurent-terzieff-est-mort-03-07-2010-1210629_23.php?xtor=EPR-6-[Newsletter-Quotidienne]-20100703
Posté par rwandaises.com