Décidément, entre le Rwanda et l’ONU, ce n’est pas encore le grand amour. Kigali est sorti de ses gonds à la suite d’un rapport des Nations unies dévoilé par la presse et qui évoque clairement un génocide commis par les hommes de Paul Kagamé et ses affidés de l’AFDL sur des Hutus qui s’étaient réfugiés en RD Congo. Ces actes de génocide datent de la période 1996-1998. En diplomatie, le choix des mots qu’on emploie pour désigner une situation est très important. Ils donnent une indication sur la prise de position de celui qui les utilise.

Pour ce cas-ci, le mot génocide dont on accuse les troupes de Kagamé est chargé de sens. Il a été utilisé la première fois en 1944 par le juriste Raphaël Lemkin pour désigner l’extermination systématique des juifs par les nazis. Depuis, l’humanité nous en a servi bien d’autres, aussi abjects et insupportables les uns que les autres : en Yougoslavie, au Kosovo et ailleurs. Kagamé que l’on accuse, à mots à peine couverts, de génocide au Congo démocratique, s’est pourtant taillé une réputation de sauveur en mettant fin au génocide des Tutsi. Comment est-ce possible qu’aujourd’hui ce héros national puisse être mis à l’index ?

Il connaît la loi internationale sur la question et le tribunal international d’Arusha continuait de juger, il y a peu, des responsables de ce pogrom que toute l’humanité a condamnés. Des crimes imprescriptibles selon le droit international, donc lourds de conséquences pour leurs auteurs. On comprend donc pourquoi le président rwandais est monté sur ses grands chevaux et a tenté d’empêcher la publication du rapport. Peine perdue puisque qu’il est désormais dans le domaine public. Reste maintenant pour Kigali à faire du chantage à propos des mesures que l’ONU viendrait à prendre suite à ces révélations qui, il faut le reconnaître, troublent la sérénité des responsables rwandais et surtout celle de Paul Kagamé fraîchement réélu presqu’en solitaire lors de la dernière élection présidentielle. Il en a les moyens.

La menace de se retirer des missions de paix des Nations unies si l’ONU donnait une suite à ce rapport est à prendre au sérieux. Tout dépendra de la volonté des Nations unies d’aller au bout de cette affaire. Car, elle-même n’est pas totalement irréprochable sur le génocide rwandais. Kagamé et ses hommes l’ont accusée d’indifférence ou plutôt de non assistance à une communauté en danger quand débutaient les massacres.

L’histoire nous dira si ces raisons ont été suffisantes pour étouffer ce rapport. Ce sera alors une grande victoire pour le président rwandais. Mais tout arrangement ne doit pas pour autant cacher la vérité. Pour l’histoire, il est important que les faits soient établis sur les pages sombres de la RD Congo. Pour le reste, il appartient à la justice des hommes de prendre ses responsabilités au moment opportun.

Abdoulaye TAO

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Posté par rwandaises.com