Les choses vont vite. Très vite même dans la région des Grands Lacs. Après la normalisation des relations diplomatiques avec Kigali, Paris vient de désigner son nouvel ambassadeur à Kigali. Et mardi, Paris accueille un sommet des pays membres de la Communauté économique des pays des Grands Lacs, CEPGL. Un forcing diplomatique qui ne laisse pas indifférents les observateurs avertis de l’Afrique des Grands Lacs.

Mardi 15 décembre, Paris accueillira, sauf changement de dernières minutes, un sommet ministériel des pays membres de la Communauté économique des pays des Grands Lacs, CEPGL. Il s’agit particulièrement du Rwanda, du Burundi et de la République démocratique du Congo. L’on ne serait pas du surpris que l’Ouganda qui n’est pas du tout membre de cette communauté en fasse partie, tant pour des raisons géographiques qu’économiques.

Cette initiative intervient juste après que Kigali et Paris eurent normalisé leurs rapports après trois ans de brouille. Les choses sont allées très vite, car à peine nommés, les ambassadeurs des deux pays doivent se mettre rapidement au travail et prouver de leur efficacité diplomatique.

Il y a là un forcing diplomatique qui suscite de nombreux points d’interrogations. En effet, le rétablissement des relations diplomatiques entre Paris et Kigali met l’existence de la CEPGL en danger. Cette normalisation des rapports intervient presqu’au même moment où le Rwanda fait officiellement son entrée dans le Commonwealth. Comment ce pays va-t-il s’y prendre lorsque l’on sait qu’avec le Burundi, ils appartiennent tous les deux à l’East african Commitee avec l’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie. Cette multiple appartenance de deux membres actifs et fondateurs de la CEPGL à cette communauté de l’Afrique de l’Est consacre, d’une façon ou d’une autre, la mort de la CEPGL.

DEMARCHE SOLITAIRE OU COLLECTIVE ?

Cette démarche de la France soulève une autre interrogation. Celle de savoir si elle est solitaire ou collective au nom de l’Union européenne.

A ce que l’on sache, dans ce genre d’exercice, les pays de l’ Union européenne évoluent toujours en ordre rangé. Or, c’est cette même Union européenne, avec la Belgique en tête, qui a beaucoup pesé dans le cadre de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, CIRGL, pour obtenir la relance des activités de la CEPGL. Un montant de 50 millions de dollars USD a même été disponibilisé pour ce affaire. Car, selon la philosophie arrêtée et dans le cadre de la lutte contre l’insécurité, les conflits armés dans les Grands Lacs, des projets économiques intégrateurs apporteraient un souffle nouveau aux pays de la région.

Cet optimisme s’explique par la création des emplois, le renforcement du commerce transfrontalier, le combat contre la pauvreté, faisant ainsi éloigner le spectre des conflits armés. C’est dans cette optique que s’est tenue récemment à Goma la réunion des experts des trois pays qui se sont appesantis sur la paix, la sécurité, la stabilité et le développement de la CEPGL.

En prenant cette nouvelle initiative, la France entend-elle effectuer un come back dans la sous-région là où seule la Belgique a le monopole des opérations diplomatiques et économiques ? Ce qui est vrai, seule ou avec l’Union européenne, la France est en train de mener un forcing diplomatique qui ne passera pas du tout inaperçu. Il s’agit là d’un signal fort de la France que la coopération régionale est un facteur de paix, comme l’ a souligné dernièrement l’ ambassadeur de France en RDC, Pierre Jacquemot, lors de la visite qu’il a effectuée au sein du journal Le Potentiel.

PLAN POUR LES GRANDS LACS

Aussi, la question est celle de savoir comment la France envisage justement cette coopération. L’on se souviendra qu’à une certaine époque, des commentaires pertinents ont été enregistrés aux lendemains de la déclaration du président français sur la région des Grands Lacs.

Il a même été question de l’existence d’un «Plan Sarkozy» sur le « partage » des richesses congolaises avec les voisins de la RDC, sur fond de la création d’un « marché commun sous-régional qui n’exclurait pas l’Ouganda. Le «Plan Sarkozy» avait suscité de nombreux commentaires que lors de son passage à Kinshasa, le chef de l’Etat français avait tenu à lever toute équivoque.

Mais à Paris, il sera incontestablement question du développement de la région des Grands Lacs. Qui dit développement fait allusion à des projets économiques, au commerce transfrontalier, et au bout du tunnel, à la «création d’un marché commun». C’est dans ce contexte que dans les coulisses, on n’exclut pas la participation de l’Ouganda à cette réunion pour des raisons géographiques et économiques.

A Paris, aura-t-on le courage de reconnaître cette évidence et de parler franchement ? Un marché commun dans le contexte des Grands Lacs sera tourné vers l’Afrique de l’ Est où existe d’autres organisations sous-régionales. Serait-ce alors une façon d’ouvrir des opportunités à l’intégration économique sous-régionale ?

En créant la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, l’on avait répondu en partie à cette interrogation. Ce qui explique ce fait que 10 « Plans d’action et Protocoles» ont été retenus et le «Groupe des Amis des Grands Lacs» qui comprend les Pays-Bas, la Belgique, le Canada, le Japon, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, a promis d’apporter des ressources financières pour la réalisation de ces programmes. Ils ont pour objectifs de renforcer la paix, la sécurité, la stabilité, l’intégration économique régionale et le développement de la région.

D’où cette question fondamentale de savoir si la réunion de Paris s’inscrit-elle dans ce contexte du « Marché commun des Grands Lacs » conformément à la vision de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs ? Il serait vraiment judicieux qu’une réponse soit réservée à cette interrogation pour ne pas inonder les pays africains de cette partie du contient d’une montagne de projets de développement.

Par Freddy Monsa Iyaka Duku

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Posté par rwandanews.fr