La paix au Kivu est toujours hypothétique. Pour Crisis Group, qui en fait mention dans un rapport paru le 16 novembre 2010 concomitamment à Nairobi et Bruxelles, le rapprochement entre les armées de la RDC et du Rwanda dans la traque des FDLR n’a pas résolu le problème. Le constat d’échec est patent. Il faut, recommande Crisis Group, réorienter la stratégie en associant d’autres acteurs de la sous-région.
La paix dans la partie Est de la RDC, on en parle tous les jours. Mais, elle n’est jamais réelle malgré toutes les tentatives mises en oeuvre autant en RDC qu’au niveau de la sous-région des Grands Lacs.
La toute dernière stratégie, fortement médiatisée de part et d’autre du lac Kivu, a été le rapprochement entre le Rwanda et la RDC pour pourchasser les fugitifs des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), considérés à maints égards comme source première de déstabilisation de la sous-région. « Umoja wetu » est l’une de ces opérations déployées conjointement par les forces armées de la RDC et du Rwanda pour traquer et neutraliser les FDLR.
Malgré toutes ces tentatives, la paix au Kivu est toujours du domaine du virtuel. C’est ce que vient de confirmer Crisis Group dans un rapport rendu public le mardi 16 novembre 2010, sous le titre : « Pas de stabilité au Kivu malgré le rapprochement avec le Rwanda ». Ce rapport jette un véritable pavé dans la mare et relance le débat sur le sujet. Ses conclusions balaient d’un revers de la main tout ce qui a été annoncé comme résultat positif jusqu’à ce jour.
Crisis Group estime que ces opérations militaires se sont avérées inadaptées quant au retour d’une paix durable au Kivu. « Le plan de résolution du conflit au Kivu consistant à privilégier la solution militaire s’avère être un échec », indique l’ONG dans sa synthèse.
« Deux années après le début du rapprochement entre le président congolais Joseph Kabila et son homologue rwandais Paul Kagame, les soldats gouvernementaux sont encore aux prises avec des miliciens pour le contrôle des terres et des zones minières », constate Crisis group avant de relever un paradoxe : « Bien qu’aucune de deux parties n’ait réellement les capacités de prendre un ascendant définitif, elles ont toutes deux les ressources suffisantes pour prolonger la lutte. Dans le même temps, les civils subissent des violences extrêmes et la situation humanitaire se détériore ».
Cependant, indique le rapport, les tensions ethniques se sont aggravées à l’annonce des plans de rapatriement de dizaines de milliers de réfugiés congolais qui ont fui au Rwanda durant les années 1990.
Crisis Group n’a pas non plus épargné le Conseil de sécurité. Selon l’ONG, « Le Conseil de Sécurité des Nations unies a observé la situation se dégrader à l’Est du Congo sans s’opposer aux décisions de Kagame et Kabila ».
BRISER LA GLACE
Fin connaisseur de la sous-région, Crisis Group se dit convaincu qu’ « une stratégie basée sur des engagements présidentiels tenus secrets ne permettra pas de ramener la paix au Kivu ». Son avis est que l’« approche actuelle » visant à asseoir une paix durable dans la sous-région, particulièrement dans la partie Est de la RDC, « doit être réévaluée et élargie afin d’impliquer toutes les communautés locales et préparer l’avenir de la région en instaurant un dialogue transparent, notamment avec les pays voisins ».
Pour Crisis Group, il faut changer de thérapie, crever l’abcès et revoir les mécanismes à mettre en oeuvre en y associant plus d’acteurs. La recherche des solutions susceptibles de ramener la paix au Kivu ne doit plus être un sujet tabou que l’on ne peut aborder en public.
En occultant son deal avec le Rwanda, pense Crisis Group, la RDC a entretenu le suspense au point d’hypothéquer les chances de réussite des opérations menées sur le terrain. Et, avec la psychose qui s’en est suivie, l’échec a été au rendez-vous. Crisis Group est donc convaincu que la paix au Kivu ne viendra nullement d’un quelconque rapprochement entre Kinshasa et Kigali. La solution ne se trouve pas dans des conciliabules mal ficelés et négociés en secret sur base des considérations qui ne prennent pas en compte les paramètres les plus pertinents de terrain.
L’ONG britannique affirme que « les limites de l’approche politico-militaire actuelle sont atteintes ». Elle se justifie : « Malgré trois opérations successives menées par l’armée congolaise, la situation humanitaire se détériore au Kivu et les actes d’extrême violence se multiplient ».
Compte tenu de l’urgence, Crisis Group note dans son rapport que « si l’approche actuelle n’est pas révisée et élargie pour y inclure toutes les communautés de manière transparente et si un nouvel élan international n’est pas insufflé, la population continuera à porter le poids de l’échec des tentatives visant à établir la souveraineté de l’Etat aux Kivu ».
Chaque acteur, pense-t-il, doit s’impliquer dans ce nouveau décor pour que la paix devienne réalité dans le Kivu.
VOIES DE SORTIE
Cris Group recommande de « suspendre les opérations militaires offensives au Kivu en attendant le déploiement de bataillons formés par les Etats-Unis, la Chine, la Belgique, l’Afrique du Sud et l’Angola ».
Il demande au gouvernement congolais et au CNDP de « mettre en oeuvre l’accord du 23 mars, notamment en renouvelant le mandat du Comité National de Sécurité (CNS) qui a expiré en mai 2010, de sorte que les partenaires internationaux puissent soutenir et suivre les activités du CNS ».
Aux gouvernements congolais, rwandais et ougandais et au Haut Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies (UNHCR), Crisis Group recommande de « superviser et assurer un environnement stable pour le retour des réfugiés au Kivu ».
Mais, il attend plus particulièrement du gouvernement de la RDC, le renforcement des capacités des institutions afin de « favoriser la réconciliation intercommunautaire et la gestion des différends »
Cependant, fait observer Crisis Group, aucune de ces initiatives ne saurait aboutir sans l’implication directe des chefs d’Etat de la sous-région. Ainsi, à l’attention des Présidents congolais, rwandais, ougandais et burundais, il estime qu’il y a urgence d’« organiser un sommet extraordinaire de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL) ».
Est-ce que Crisis Group va parvenir à faire entendre sa voix ? C’est la grande question. Toujours est-il que, dans son rapport, Crisis Group a eu le courage de nommer le mal qui ronge l’Est de la RDC et proposé des pistes à explorer, par voie de synergie sous-régionale, pour une paix durable au Kivu.
Kabila et Kagame ne peuvent pas porter à eux seuls la responsabilité de cet échec. Les tireurs des ficelles et toutes les intelligences qui ont travaillé pour des opérations conjointes RDC-Rwanda sont connus. L’échec est donc partagé. Et si on voudrait que demain les choses marchent, il faut plus de transparence.
Les deux pays en sont arrivés là par le fait de l’Occident qui a privilégié le rapprochement entre le Rwanda et la RDC pour la stabilité de la partie Est de la RDC.
Ainsi, comme en 1960, Crisis Group propose l’internationalisation du conflit de la RDC pour une paix véritable au Kivu. Cinquante ans après, l’histoire se répète.
http://fr.allafrica.com/stories/201011190552.html
Posté par rwandanews