Le commun des mortels ne sait pas, que comme l’UNESCO, le PAM ou l’AIEA, le Fonds Monétaire international et la Banque Mondiale, font en principe partie des institutions spécialisées du système des Nations Unies. Cette ignorance découle du fait que la division radicale du monde en blocs idéologiques antagonistes, bien symbolisée par l’expression Iron curtain(rideau de fer) que l’on doit au premier ministre britannique Churchill après l’érection du mur de Berlin en 1947, a longtemps entretenu une publicité négative et une vision sectaire autour de ces institutions. Il importe par conséquent de rétablir la vérité historique sur les origines de ce qu’il est convenu d’appeler « les institutions de Breton Wood », part allusion au lieu de leur création. Certes, ceux qui regardent ces institutions avec suspicion et méfiance, n’ont pas entièrement tort, si l’on se réfère à l’agencement et à la gestion des pouvoirs en leur sein d’une part, et à leur niveau d’influence souvent sélective dans la conduite de l’économie et de la finance mondiales d’autre part. Pourtant, l’évolution récente commande des révisions, des remises en cause, des retournements des idées reçues de part et d’autre. Même si le contrôle de l’organisation demeure sous le diktat des nations riches, des atténuations importantes interviennent de façon explicite ou implicite, et concrétisent de nouveaux rapports des forces. A – Des origines historiques La vérité c’est qu’au sortir de la guerre de 1939-1945, la scène internationale est dans un piteux état, sans cadre juridique approprié pour la relance de la coopération entre les Etats nations, et sans normes juridiques cardinales de référence. Les puissances victorieuses après avoir négocié ardument à Postdam et surtout Yalta, sont parvenues à un accord pour la mise en place d’un mécanisme de sécurité collective à travers une nouvelle organisation internationale appelée ONU (Organisation des nations Unies). L’ONU est conçue en effet avec en mémoire l’expérience catastrophique de la défunte société des nations (SDN) crée par le traité de Versailles, et envoyée dans la tombe par les folles ambitions d’Adolphe Hitler. Mais la coopération diplomatique et politique n’est ni la coopération financière ni la coopération commerciale dans un monde irrémédiablement marchant et spéculatif. Voilà comment une grande conférence internationale sera convoquée à Breton Wood, une petite localité américaine, pour arrêter les bases et les contours juridiques et techniques à la fois des institutions financières et des institutions commerciales. A ce propos, les idées de deux brillants économistes, l’Anglais Watt et l’Américain Keynes, domineront la réflexion. Au bout du compte, les participants se mettront d’accord sur deux institutions majeures : Une institution de régulation et de stabilisation des politiques monétaires qui prendra le nom de Fonds Monétaire international, et une institution d’assistance et d’ajustement financier qui fonctionnera qui sera une banque de prêts aux Etats appelée Banque Mondiale. Quand au domaine commercial, une autre conférence réunie à la Havane s’en chargera. L’Organisation Internationale du Commerce y sera conçue en 1948, mais malheureusement elle ne verra jamais le jour, faute par le Sénat des Etats Unis d’approuver le traité. C’est seulement la partie IV de ce traité concernant les tarifs douaniers et le commerce, qui sera mise en œuvre, d’où le GATT (General Agreement on tarification and trade) qui a servi à gérer les échanges mondiaux pendant plus d’un demi-siècle jusqu’à la création effective de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) suite aux négociations de l’Uruguay Round menées en son sein. Comment sont donc conçus le FMI et la Banque Mondiale et d’où vient le problème de leur impopularité première de même que les accusations de sectarisme et de manipulation ? D’abord, contrairement aux idées trop simplistes, les deux tiers de la planète baignent encore dans l’obscurité de l’oppression, du colonialisme, de la misère et de l’arriération dans tous les sens du terme, au moment de la constitution de ces prestigieuses et redoutables institutions. On parle argent et transactions financières et ceux qui en sont capables sont d’abord les nations capitalistes riches et industrialisées. Par ailleurs, à cause des antagonismes idéologiques évoquées tantôt, les pays dits socialistes emmenées par Moscou et Pékin ne cautionnent pas une entreprise à leur yeux quasi criminelle. C’est tout simplement conséquent et c’est la rançon de la confrontation des modèles et des philosophies de développement. B – Evolutions et mutations Les institutions de Breton Wood vont être structurées sur une conception de gestion organique et technique qui privilégie la pondération des pouvoirs. Qui paye plus commande plus et parle plus fort. Normal donc que les Etats Unis se taillent la part du lion. Ce n’est pas tout, Il faut veiller aussi à asseoir le contrôle administratif de l’argent. Les puissances capitalistes vont alors se répartir les rôles : Le FMI, qui en réalité ne fera que superviser les politiques monétaires, pourra être géré par un européen, tandis que la Banque Mondiale, coffre fort de la planète, ne saurait être gérée par quelqu’un d’autre qu’un Américain. Dès l’irruption massive des nouveaux Etats sur la scène internationale à partir de 1960, fruit de la décolonisation formelle, les rapports des forces et les alliances sont bousculées. La question d’un nouveau arrangement des concepts et des positions prends lentement mais sûrement corps. Lorsque se produit la révolution pétrolière en 1973 et que les monarchies du Golfe se retrouvent inondées de pétrodollars, les choses changent de nature et les relations financières internationales s’en trouvent complètement bouleversées. Le principe capitaliste selon lequel le pouvoir appartient à celui qui paye, doit s’appliquer. La première évolution arrive par la création des DTS, droits de tirages spéciaux qui représentent en réalité un panier de monnaies servant de référence pour les cotations. Les différentes crises du dollar et les contestations face aux caprices des Etats Unis (celle du Général De Gaulle en 1971 notamment), trouvent ici une relative réponse. Il n’empêche que l’on crée alors le fameux comité des vingt, un groupe chargé de réfléchir sur des réformes profondes de l’institution. C – La manipulation qui vient des pays pauvres Ce n’est pas le FMI qui s’est donnée elle-même des prérogatives exorbitantes et ce ne sont pas toujours les nations riches qui ont décidé des plans taxés d’inhumains de restructuration. La prépondérance de la mauvaise gouvernance et les errements de gestion budgétaire des pays, a vite crée les conditions d’un nouveau impérialisme basé sur l’urgence du sauvetage financier des banqueroutes publiques. Plus grave, prenant appui sur les injonctions supposées ou réels des institutions de Breton Wood, quelques pays en quête de justificatifs pour expliquer leur faillite, ont vite fait d’incriminer le FMI et la Banque Mondiale. Ce qui est plus choquant, c’est lorsque pour des raisons internes obscures, des institutions nationales et sous régionales, se sont mises à utiliser le FMI pour régler des comptes très loin des préoccupations économiques et financières. Cette évolution est devenue plus prononcée à partir du moment où la philosophie de croissance et du développement du FMI, a donné la priorité à l’expansion du secteur privé. De leur tour massif de K street à Washington, les seigneurs du Fonds et de la Banque Mondiale distillent dorénavant des instructions sur des situations qu’ils ne maîtrisent pas toujours bien. En réalité, il suffit que des données inconsistantes soient livrées à Washington comme on livre le poison au diable pour que des recommandations en forme de parole d’évangile, soient imposées dans les contextes nationaux. A ce propos le cas du Groupe Commercial Bank au Cameroun constitue le dernier exemple en date qui mérite que l’on médite profondément sur les manipulations de toute nature versées au compte du FMI. Des données contestables ont été acheminées aux experts du Fonds pour aggraver un état des lieux qui ne méritait par la qualification de faillite et d’impasse annoncée. Bien évidemment, qui n’entend qu’un seul son de cloche ne peut avoir qu’une position sectaire et une pensée unique. Il a fallu des trésors d’énergie pour essayer de rétablir la vérité. Lorsqu’un organe sous régional sensé contribuer à l’expansion et la réussite des entreprisses financières privées prend la place d’un dénonciateur et d’un colporteur de fausses nouvelles, le préjudice tant en aval qu’en amont peut ruiner plusieurs économies. C’est exactement ce que la CBC traverse dans un silence politique et diplomatique le plus total. Les pays généralement considérés comme étant en situation de faiblesse ou de pauvreté, retrouvent à travers une situation comme celle là, les mêmes privilèges de manipulation que les nations riches et puissantes. Cette situation devrait ouvrir un autre champ de réflexion sur les conditionnalités d’une crédibilisation efficiente des institutions régionales et sous régionales dans la valorisation des potentialités privées. Que faire notamment lorsque des paramètres personnels et politiques apparaissent dans l’expression de l’expertise des institutions de contrôle et de supervision ? Les expériences malheureuses qui s’accumulent dans la sous région d’Afrique Centrale à cause des décisions contestées et regrettables de la COBAC, devraient sonner l’alerte et réveiller les consciences sur l’exigence de réformes structurelles radicales. Il est de toute façon clair que la COBAC ne pourra pas réussir à forger pour le Groupe Commercial Bank, un destin similaire à celui imposé à Amity bank. Il est des proies que même le plus affamé et le plus redoutable des prédateurs ne peut pas disposer sans courir le risque d’être lui-même annihilé. Le recours au FMI comme à un monstre froid qui tue sans pitié, est une dernière manœuvre qui éclaire d’une lumière effrayante, la capacité de manipulation qu’ont acquise les intelligences négatives qui prolifèrent dorénavant dans la périphérie du monde. Au-delà de toutes les attentes et de tous les calculs, les institutions de Breton Wood qui gardent les souvenirs des émeutes cruelles dénonçant leur intrusion directe et indirecte dans les économies à travers le monde, ne prendraient certainement pas aussi facilement le risque de suivre des planifications politiciennes qui mettent en danger des patrimoines privées constitués au prix d’efforts indicibles, et agacent l’ordre public. Si hier les manipulations jouaient des antagonismes idéologiques et de la relative obscurité du monde, le contexte actuel d’explosion des technologies de l’information et de la valorisation des droits et des libertés de toute nature, ouvre la voie à des procès retentissants, contre tout le monde, de la COBAC au FMI et jusqu’aux plus puissantes des nations riches./. © Le Messager : SHANDA TONME
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