Une campagne publicitaire de RFI, Radio France Internationale, est en cours depuis le 9 novembre 2010 dans la région parisienne. La chaîne entend, dit-elle, « réaffirmer l’expertise unique de RFI en termes d’information internationale. » (1)

Sur quatre affiches dont les photos différent, revient le même slogan : « L’info naît ici », annonce une bulle de bande dessinée désignant un sol ou une personne, complétée par un bandeau au-dessous : « RFI et l’info devient mondiale ». Or, ces affiches ne sont-elles pas la négation même de l’expertise alléguée non seulement « en termes d’information internationale » mais en termes d’information tout court ?
Une métaphore erronée ou fallacieuse
Il ne suffit pas d’appeler l’information par son diminutif « l’info » pour que cette familiarité signifie obligatoirement qu’on en a une connaissance intime. RFI offre ici une représentation erronée sinon fallacieuse de « la relation d’information ».
La métaphore contenue dans la bulle, « L’info naît ici », est un amalgame qui établit une assimilation infondée entre une naissance et la relation d’information. Une naissance est un processus biologique qui, sauf interruption volontaire ou naturelle de grossesse, impose l’existence d’un nouvel être vivant, qu’on l’ait désiré ou non.
Rien n’est plus éloigné du mécanisme de la relation d’information. Une information n’ impose jamais sa présence, c’est-à-dire sa diffusion à un émetteur. Au contraire, c’est l’émetteur qui décide ou non de la diffuser, en fonction de ses intérêts, selon le principe fondamental qui régit la relation d’information : nul être sain ne livre volontairement une information susceptible de lui nuire. Pour rester dans le registre biologique impropre choisi par RFI, l’émetteur procède… à des IVG chaque fois que l’information peut nuire à ses intérêts, c’est-à-dire qu’il la garde secrète pour ne livrer que celle qui les sert ou du moins ne leur nuit pas.
Non une ellipse mais une mise hors-contexte
En outre, les deux phrases du slogan « C’est ici que naît l’info. RFI et l’info devient mondiale » comprennent en apparence une ellipse, c’est-à-dire l’omission d’éléments jugés inutiles à la compréhension. Or, à y regarder de près, ces éléments omis sont indispensables sous peine de malentendu. Entre l’instant où une information « naît », comme dit RFI, c’est-à-dire « est disponible », et celui où elle peut être diffusée à plus ou moins grande échelle, il existe un sas, un moment crucial qui est omis : celui de la réflexion et de la prise de décision de publication ou non. À en croire le slogan, il y aurait une relation de cause à effet exprimé par la conjonction de coordination d’addition « et », selon une séquence chronologique ininterrompue entre l’instant où « l’info naît » « et » celui où, par la médiation de RFI, elle « devient mondiale ». Rien n’est plus illusoire. RFI ne se limite pas à n’être qu’une caisse de résonance ou un amplificateur pour les informations disponibles : comme tout émetteur, elle opère un tri entre celles qu’elle décide de diffuser et celles qu’elle entend garder secrètes.
Cette omission d’un élément nécessaire à la compréhension ne s’appelle pas une ellipse mais une mise hors-contexte qui a pour fonction la désorientation du récepteur.
Un choix de leurres d’appel humanitaire
La preuve en est donnée par RFI elle-même. La chaîne a choisi quatre photos pour illustrer les exemples d’informations qu’elle diffuse. À l’exception de l’une d’elles montrant un groupe de chefs d’État présentés comme membres du G20, faute de voir les visages, les trois autres mettent en scène un enfant noir armé, des pieds noirs dans des sandales sur une terre craquelée, une femme voilée. Ainsi trois photos sur quatre sont des leurres d’appel humanitaire stéréotypés, constitués des procédés auxiliaires qui les rendent efficaces.
1- L’exhibition du malheur d’autrui par métonymie qui montre une partie pour le tout ou l’effet pour la cause, stimule le réflexe de voyeurisme : un enfant noir armé renvoie aux enfants soldats, la terre craquelée foulée par des pieds noirs dans de misérables sandales est la conséquence de la sécheresse et de la misère qu’elle entraîne, le gros plan sur la meurtrière ménagée dans le voile qui masque un visage de jeune femme, est la manifestation de la servitude imposée aux femmes par l’islamisme.
2- Comme dans tout leurre d’appel humanitaire, la mise hors-contexte interdit toute compréhension de l’image.
3- Est ainsi plus facilement activé le réflexe de compassion, sinon d’assistance à personne en danger. Et la distribution manichéenne des rôles qui place ces personnes dans le camp des victimes, doit déclencher la condamnation immédiate de leurs bourreaux.
4- Or si RFI a choisi ces photos et pas d’autres, c’est, bien entendu, pour être associée au camp des victimes et susciter les réflexes d’approbation et d’admiration que suscite tout sauveteur. Pour devenir mondiale, selon le slogan de la chaîne, l’info ne s’est pas contentée de « naître », RFI a décidé de la diffuser parce qu’elle servait ses intérêts, à une réserve près.
Une ambiguïté volontaire ?
Dans le très gros plan, en effet, retenu pour présenter une femme voilée, une métonymie appelle interprétation : les yeux bleus de la jeune femme appartiennent davantage aux ethnies européennes qu’aux ethnies de religion islamiste. On est donc en présence d’un symbole de l’islamisme européen. Qu’en déduire ? On hésite car, par suite de mise hors-contexte, on est en présence d’une ambiguité volontaire : est-ce une promotion ou une dénonciation de l’asservissement islamiste des femmes qui s’étendrait en Europe ? Or, peut-on sur un tel sujet, mettant en jeu la dignité de la femme, rester dans l’ambiguïté sans approuver implicitement cet instrument d’asservissement des femmes ? Il est des sujets, comme ceux relatifs à la dignité humaine, où l’abstention est une prise de parti au détriment du plus faible.
La représentation simpliste que donne RFI de la relation d’information est ainsi contredite par ses propres leurres. Le choix de diffuser une information ne peut être assimilé à une naissance. On reconnaît ici l’envers de la médaille du traitement de l’information que le monde journalistique s’attache à oblitérer en mettant en avant son endroit : la vérification et le recoupement de l’information. Or, qui ignore qu’une information vérifiée n’est pas pour autant automatiquement diffusée ? RFI montre elle-même que l’information diffusée est le résultat d’un choix. Ainsi, dans cette campagne, la chaîne veut-elle apparaître en vigie de la misère du monde. Seulement, l’expérience le montre, le leurre d’appel humanitaire ne sert pas à grand chose pour combattre cette misère ; il permet davantage à ceux qui en usent, de donner d’eux-mêmes une image vertueuse qui ouvre sur de belles carrières. N’est-ce pas ce que vise RFI ? Paul Villach
(1) RFI, « RFI, nouvelle campagne de publicité en Île-de France », lundi 08 novembre 2010.
Posté par rwandanews