Les élections de 2010 devaient servir de remèdes à la crise militaro politique qui a frappé le pays depuis 2002, mais les derniers évènements suscitent plus d’inquiétudes qu’ils ne sont de nature à apporter l’apaisement.

La communauté internationale a été appelée à jouer un rôle d’appui au processus électoral de sortie de crise ; mais, il ressort des derniers évènements qu’elle avait visiblement déjà choisi son vainqueur, au mépris du respect des institutions ivoiriennes ainsi que des règles prévues par le Code électoral et la Constitution de Côte d’Ivoire.

Si l’aboutissement du processus électoral en Côte d’Ivoire tel que prononcé par le Conseil constitutionnel ivoirien n’est peut-être pas exempt de tout reproche, la réaction de la communauté internationale, de nature à créer le désordre, le trouble, le chaos et l’affrontement en Côte d’Ivoire, est encore plus méprisable. Pire, cette réaction de l’ONU et de la communauté internationale, loin d’être propice au maintien de la paix et de la sécurité dans cette région, manque de conformité avec la charte des Nations Unies dont l’ONU se doit, pourtant, de donner l’exemple d’un respect scrupuleux.

La réaction de l’ONU et de la communauté internationale, loin d’être propice au maintien de la paix et de la sécurité dans cette région, manque de conformité avec la charte des Nations Unies dont l’ONU se doit, pourtant, de donner l’exemple d’un respect scrupuleux    

Les déclarations litigieuses des plus hauts responsables des Nations Unies et de certains pays membres permanents du Conseil de sécurité portent une atteinte flagrante à la souveraineté de ce pays.

Elles montrent bien que les discours vertueux du monde occidental en ce qui concerne la démocratie et l’Etat de droit en Afrique, et plus précisément ceux de rassemblement, de paix, de bonne conduite et, généralement, de respect des règles tenus dans le cadre du processus ivoirien de sortie de crise ne sont qu’un leurre lorsque leur application sur le terrain n’est pas en harmonie avec les souhaits intimes des grandes puissances. Dans ces conditions, elles n’hésitent plus à ôter la parure de l’impartialité pour laisser transparaître la tenue du choix partisan ; invoquant en cela, et à coup de déclarations médiatiques, les mêmes reproches qu’elles se gardent bien, en revanche, de formuler à l’encontre du camp qui leur est favorable.

L’ONU, l’Union Européenne, l’Union Africaine, la CEDEAO, les Etats-Unis d’Amérique et la France ne pourront participer au choix du président de la république ivoirienne que le jour où leurs représentants seront titulaires en Côte d’Ivoire d’une carte d’électeur régulière les autorisant à prendre part au scrutin    

En d’autres termes, la victoire acceptée de M. Ouattara (ancien Directeur Général adjoint du FMI) aux présidentielles ivoiriennes n’est pas moins contestable que celle déniée par la communauté internationale à M. Gbagbo, à qui il est officieusement reproché d’être plus sensible aux intérêts de son pays qu’à la politique défendue par les puissances occidentales.

De fait, la communauté internationale rejette aujourd’hui l’impartialité du Conseil constitutionnel ivoirien dont la présidence est assurée par un proche de M. Gbagbo, alors qu’elle soutient le verdict rendu dans des conditions douteuses (à l’occasion d’une réunion organisée par les partisans de M. Ouattara dans un hôtel d’Abidjan où réside M. Ouattara) par une Commission Electorale Indépendante (la mal-nommée) divisée, faute de consensus ; et dont les membres sont issus dans leur majorité du camp de M. Ouattara. C’est, notamment, le cas du président ainsi que du porte-parole de cette commission.

Les déclarations inopportunes et, pour le moins, irrespectueuses de la CI et de ses institutions républicaines, diffusées sur la scène internationale à l’effet d’installer à la présidence de la république de CI un candidat reconnu battu en application des règles définissant le mode d’acquisition du pouvoir dans ce pays, sont à condamner avec fermeté.

L’ONU, l’Union Européenne, l’Union Africaine, la CEDEAO, les Etats-Unis d’Amérique et la France ne pourront participer au choix du président de la république ivoirienne que le jour où leurs représentants seront titulaires en Côte d’Ivoire d’une carte d’électeur régulière les autorisant à prendre part au scrutin. En attendant, ils ne peuvent agir dans ce pays comme s’ils avaient plus de droits que les ivoiriens. Ce n’est pas différent de ce qui se passe ailleurs dans le monde, et la CI entend bien faire respecter cet équilibre.

Sur le fond, si M. Gbagbo est accusé d’avoir fait supprimer des centaines de milliers de voix, M. Ouattara, quant à lui, est accusé par son adversaire de s’être livré, dans les zones du nord sous occupation rebelle, à des bourrages d’urnes, des empêchements de vote, des contraintes de vote, des séquestrations, et d’autres griefs encore. Tout le problème était donc de savoir comment résoudre de façon juste, équitable et sans omission aucune ces questions qui relèvent, toutes, du contentieux électoral ivoirien et quelle institution avait compétence pour en juger ? Le juge ivoirien du contentieux électoral ? Ou bien la communauté internationale ?

En France, par exemple, les juges chargés de régler le contentieux électoral sont le Conseil constitutionnel français (dont les membres ont tous été désignés par la droite au pouvoir sans que cela ne crée le doute et la suspicion sur leur sagesse et leur indépendance) et le Conseil d’Etat français. Ce n’est pas l’ONU, l’Union Européenne, l’Union Africaine, la CEDEAO, les Etats-Unis d’Amérique, etc.

Si, tel que le soulignent ces détracteurs, M. Gbagbo n’est peut-être pas un président sans reproche, on peut néanmoins lui reconnaître l’avantage d’avoir respecté les règles du jeu en formulant ses griefs dans la forme et les délais prescrits par les dispositions applicables, et en s’abstenant de se déclarer lui-même vainqueur, qui plus est, en dehors des canaux officiels de l’Etat ivoirien (conseil constitutionnel). C’est tout le contraire de son adversaire, M. Ouattara, qui a eu une approche totalement différente, préférant faire le jeu de la communauté internationale plutôt que de se conformer aux règles électorales de son propre pays.

Enfin, si M. Gbagbo a été proclamé vainqueur à la suite de la décision rendue par le Conseil constitutionnel ivoirien, il est évident qu’il ne peut être tenu pour coupable d’avoir fait usage des moyens légaux dont il disposait pour présenter ses griefs.

Bien au contraire, et rien ne dispensait M. Ouattara d’en faire autant !!! Ça aurait sans doute été une belle occasion, pour toutes les personnes qui en doutent, de jauger le degré d’impartialité de cette juridiction dont de nombreux membres ont quand même été désignés plusieurs années avant le scrutin.

Pour finir, si, malgré tous les arguments qui militent en faveur d’un triple devoir de réserve, de prudence et de courtoisie, la communauté internationale a choisi, d’une façon étonnamment rapide, de prononcer sa reconnaissance à M. Alassane Ouattara, le candidat déclaré battu par l’institution ivoirienne compétente pour proclamer les résultats définitifs, elle conserve toute la latitude d’organiser son investiture à Paris, à Washington, à New-York, à Bruxelles, à Addis-Abeba, ou à Abuja, et d’y implanter ses bureaux de fonction.

BLANCHARD Guy
Juriste spécialisé en droit international et en droit public

 

http://www.grioo.com/ar,cote_d_ivoire_lettre_ouverte_a_la_communaute_internationale,20218.html

Posté par rwandanews