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Des troupes de l’Onuci quittent leur quartier général, dimanche à Abidjan, pour une mission de patrouille.L’organisation internationale a opposé dimanche une fin de non-recevoir à l’ex-président Laurent Gbagbo qui exige le départ des Casques bleus.
La communauté internationale se trouve lentement aspirée dans l’imbroglio ivoirien. Le gouvernement de Laurent Gbagbo, en exigeant samedi le départ immédiat de la Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) et de «Licorne», la force française d’appui, a poussé les Casques bleus d’une position d’arbitre engagé à celle d’acteur. Le rejet immédiat de cette demande et les mises en garde du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, qui reconnaît Alassane Ouattara comme le président élu, ne suffiront pas.
L’ONU, comme toute la Côte d’Ivoire, se trouve maintenant dans une situation inédite. Hamadoun Touré, le porte-parole de l’Onuci le reconnaît. «Nous sommes destinés à nous interposer dans un conflit et à protéger des populations civiles contre des milices. Nous ne sommes pas censés avoir une confrontation avec une armée régulière», explique-t-il, assurant que l’ONU «fera tout pour éviter les confrontations» tout en continuant «à exercer son mandat». Une source internationale dit cependant redouter des dérapages «plus ou moins organisés» dans les prochains jours pour bloquer la mission. Les esprits sont échauffés. Déjà, dans la nuit de samedi, une patrouille de Casques bleus a échangé des tirs avec des forces ivoiriennes dans des circonstances troubles. Dimanche, les soldats de la paix continuaient leurs missions dans les rues d’Abidjan, de plus en plus désertes. «Nos hommes sont victimes de petits blocages, de harcèlement mais sans gravité», affirmait Hamadoun Touré.
La fin de l’ultimatum lancé par le clan Gbagbo, qui exige le départ immédiat de l’ONU, pourrait aggraver les choses. C’est ce lundi que le Conseil de sécurité de l’ONU doit décider de la prolongation de la mission de l’Onuci, qui s’achève en principe le 31 décembre. La majorité des membres reconnaissant Alassane Ouattara comme président légitime, le vote d’une prolongation ne devrait être qu’une formalité. Guillaume Soro, le premier ministre de Ouattara, a pour sa part demandé un renforcement des capacités et du mandat de l’ONU. Comme celle de Laurent Gbagbo, cette option devrait être rejetée.
Rhétorique anticoloniale
Le mandat est déjà fort. Les Casques bleus, placés sous chapitre VII de la Charte de l’ONU, ont le droit «d’engager jusqu’à la force létale contre une personne ou un groupe qui entravent les mouvements». L’Onuci dispose de 10.000 soldats dans tout le pays, auxquels s’ajoute la force «Licorne». Cette force de frappe, composée de 950 militaires français dispose d’un statut particulier et n’obéit qu’aux ordres de Paris. «De toute façon, le problème ne vient pas du mandat mais des troupes. Hors «Licorne», elles ne sont pas assez aguerries pour envisager une confrontation», souligne un analyste.
Dans le camp de Laurent Gbagbo, on se prépare au maintien des Casques bleus en Côte d’Ivoire, sans trop dévoiler ses intentions. «Si les troupes de l’Onuci restent, nous les considérerons comme une force d’occupation et de recolonisation», indiquait hier Pascal Affi Nguessan, ancien premier ministre, tout en assurant vouloir «éviter les violences». Selon lui, l’ONU n’est qu’une part d’un complot. «La France et les États-Unis défendent leurs intérêts et pour cela ils veulent imposer leur président Alassane Ouattara à la Côte d’Ivoire. Nous ne négocierons pas notre souveraineté.»
Pour sortir de cette impasse et éviter de donner prise à cette rhétorique anticoloniale toujours porteuse, l’ONU et l’Union européenne pourraient s’effacer derrière la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Cette organisation sous-régionale a déjà suspendu la Côte d’Ivoire et a exigé, dans une lettre signée par le président du Nigeria, Goodluck Jonathan, le départ «immédiat» de Laurent Gbagbo. Mais cet ultimatum, comme les autres, n’a pour l’instant reçu aucun écho. La Cédéao pourrait dorénavant passer à une phase plus offensive et se porter en renfort de l’Onuci. Goodluck Jonathan, qui dirige également la Cédéao, reste pour l’instant très discret.
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Posté par rwandanews