L’enquête sur l’origine du génocide rwandais menée par deux juges français, Marc Trévidic et Nathalie Poux, a avancé d’un grand pas jeudi soir, avec la mise en examen de six militaires, dont deux membres de l’exécutif actuel du président Paul Kagame.

Depuis dix ans, la justice française enquête sur le génocide rwandais. Jeudi, l’enquête menée sur les événements d’avril 1994, à l’origine des massacres entre les différentes composantes de la population, a connu un coup d’accélérateur. Revenus du Rwanda avec des centaines de nouveaux documents et comptes-rendus d’auditions, les deux juges français, Marc Trévidic et Nathalie Poux, ont notifié au Burundi, terrain « neutre » volontairement choisi après un accord, la mise en examen de six militaires, poursuivis pour « complicité d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste ».

Les juges les soupçonnent d’avoir fomenté l’attentat contre l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, en avril 1994, abattu par des missiles à son atterrissage à Kigali. Onze autres personnes avaient été tuées, dont le chef d’Etat burundais Cyprien Ntaryamira et quatre membres d’équipage français. Cet événement a été le point de départ d’un double génocide, dont le nombre de victimes officiel s’élève à 800.000 tués, issus des deux « ethnies », hutu et tutsi (*). Les enquêteurs savent que l’attentat a été commis par des membres du Front patriotique rwandais (FPR), le parti de l’actuel président rwandais Paul Kagame.

Climat de détente entre Paris et Kigali

Jeudi, les juges français se sont directement attaqués à l’entourage du chef d’Etat. Parmi les suspects se trouvent James Kabarebe et Charles Kayonga, respectivement ministre de la Défense et chef d’état-major. Auditionnés à plusieurs reprises par les juges entre le 5 et le 15 décembre, ils ont contesté toute responsabilité.

Paradoxalement, leur implication écarterait la menace qui pèse sur le président Paul Kagame lui-même. Ce dernier ne serait pas le commanditaire de l’attentat, même s’il a profité de l’événement pour prendre d’assaut le pouvoir. Les mandats d’arrêt de 2006 l’impliquaient pourtant directement. Leur émission avait d’ailleurs provoqué une rupture des relations diplomatiques entre Paris et Kigali. Quatre ans plus tard, en février dernier, Nicolas Sarkozy reconnaissait des « erreurs » de la France, d’ailleurs suspectée d’avoir eu un des premiers rôles dans l’escalade des violences au Rwanda entre 1990 et 1995.

Faux témoignages?

L’apaisement des relations entre Paris et Kigali s’est également accéléré du fait du départ du juge français Jean-Louis Bruguière, auquel Marc Trévidic a succédé en 2007. Lors de son enquête, Bruguière accusait Kagame d’avoir planifié et mis en œuvre l’attentat d’avril 1994. Il s’appuyait alors sur deux témoins rwandais. Deux personnes réinterrogées par Trévidic qui se sont rétractées depuis: l’un dit avoir menti et l’autre a admis ne pas avoir été un témoin direct des faits.

Alors qu’un nouveau rapport balistique de l’attentat devrait apporter de nouveaux éléments en février prochain, un rendez-vous judiciaire, prévu dans les prochains mois au Burundi, réunira les juges, les six militaires incriminés et leurs avocats. Une audience attendue qui pourrait aboutir sur un procès historique.

(*) Trois groupes ethniques, définis clairement -même s’ils avaient, chacun, une histoire plus ancienne- par les colons allemands puis belges au 19e siècle, habitent le Rwanda et le Burundi: les Tutsis, les Hutus et les Twas. Alors qu’ils s’affrontent pour le pouvoir depuis l’indépendance des deux pays, le génocide opposant Hutus et Tutsis en 1994 a provoqué un traumatisme durable. La majorité des premiers se sont réfugiés en République démocratique du Congo (ex-Zaïre) tandis que les seconds ont repris les rênes du pouvoir. Depuis 2003, et l’entérinement d’une nouvelle constitution, le président Paul Kagame s’est toutefois attaché à « détruire les fondements de l’ethnisme » dans la société rwandaise. Mais selon ses détracteurs, cette volonté cache la domination politique des tutsis au sein de l’Etat.

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Eric Kalisa
Ph.D. Candidate (A.B.D),
Degree of doctor of philosophy
University of Toronto
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eric.kalisa@utoronto.ca, kalisa_eric@yahoo.ca
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