Pierre Péan, lu à Bujumbura

L’auteur, enquêteur et polémiste, vient de sortir son dernier livre Carnages, après Le Monde selon K où il réglait les comptes avec Kouchner, l’ancien ministre français des affaires étrangères pour son ouverture diplomatique avec Paul Kagame, le Président rwandais. Il ne ménage pas du reste ceux qui ne partagent pas son point de vue, notamment Colette Braeckman, du journal belge Le Soir et de Saint Exupéry, du quotidien français Le Figaro ainsi que les spécialistes de la région comme Jean-Pierre Chrétien, qu’il considère globalement comme proches des milieux tutsi. Ce gros pavé de plus de 500 pages avec les annexes est centré sur Kagamé  et la région des Grands Lacs, du début à la fin.  On dirait un livre commandité pour disculper le rôle du gouvernement français dans le Génocide des Tutsi rwandais, dont on peut se poser la question, en le lisant, s’il a bien eu lieu en 1994.

Parce que Pierre Péan insiste plus sur le massacre des Hutus en RD Congo et minimise le rôle de celui que l’on considère pourtant comme le cerveau du génocide, -de l’apocalypse – comme il le disait lui-même, le colonel Bagosora, actuellement jugé auTPIR à Arusha. Mais le livre n’est pas sans intérêt car l’auteur a manifestement eu accès à des informations confidentielles qui éclairent le lecteur sur la guerre des clans politiques franco-français dans cette tragédie humaine du XXème siècle. Et ce qu’il appelle également  les guerres secrètes des grandes puissances où la France essaie de contrer la mainmise de l’influence anglo-saxonne sur l’Afrique noire.

Les agresseurs tutsis transformés en victimes, parce que la thèse centrale de ce livre est  que le génocide n’a pas été préparé par l’appareil de l’Etat rwandais au plus haut niveau mais déclenché par la fureur populaire instantanée à l’annonce de l’avion abattu le soir du 06 avril 1994. Ce que l’ont tenait pour une affabulation dans les années 80-90,  c’est-à-dire  le rêve de Museveni-Kagame de créer un empire hima en Afrique des Grands Lacs devient alors pour lui une théorie plausible et minutieusement préparée. Elle est abondamment explicitée sans être convaincante avec des alliances qui impliqueraient Israël et les Etats-Unis  dont l’intention ultime est de morceler le Soudan, dans ce qu’il appelle La Sainte Alliance contre Khartoum.

L’autre thèse intéressante concerne la volonté du pouvoir de Kigali de s’approprier définitivement le Kivu et le maintien du pillage du Congo par le Rwanda et l’Ouganda aidés en cela par des groupes mafieux et de nombreuses multinationales. En attendant que la Chine se mette à son tour en travers des visées de l’Occident dans cette région des Grands Lacs convoitée pour ses immenses richesses minières et agricoles. En épilogue, l’auteur conclut lui-même que « La France est impuissante et a perdu du pied en Afrique de l’Est et en Afrique centrale ». Comme si la France pouvait lutter à armes égales contre l’hyper-puissance des Etats-Unis, de la Grande Bretagne et d’Israël. Manifestement, le combat serait bien inégal et l’auteur a raison de suggérer « de gérer tant bien que mal de ce qui reste de ses anciens acquis  (AREVA, Bolloré, Bouygues et Total) dans l’ex-pré-carré ». Ce qui n’est tout de même pas rien.

Le livre de Pierre  Péan donne une forte impression  que c’est une opération  de blanchiment, comme les livres précédents, pour nier avec force la préparation minutieuse du génocide rwandais qui se tramait depuis des années, alors que les observateurs de la région  et les services de renseignements occidentaux le savaient fort bien. Car si le génocide de 1994 fut le plus meurtrier et le plus médiatisé au niveau mondial, il ne fut hélas pas le premier du genre car il y en a eu d’autres en 1959, 1963 et 1973.

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Prime Nyamoyahttp://blog.lesoir.be/colette-braeckman/2011/02/23/pierre-pean-lu-a-bujumbura/

Posté par rwandaises.com