Décédé le 8 juin 2020 officiellement suite à un arrêt cardiaque, le président burundais, Pierre Nkurunziza aura marqué les esprits par son style excentrique. La mort est la seule surprise qui est arrivée. Par ORTB





Sa décision de se retirer du pouvoir après 15 années de gouvernance autoritaire est l’arbre qui cache la forêt des multiples facettes d’un contre-modèle incarné dans une Afrique à l’ère de la démocratie.

On pouvait tout prévoir pour Pierre Nkurunziza sauf une mort brutale à quelques semaines  de la fin de son troisième mandat à la tête du Burundi. L’organisation de la transition de façon normale actée par l’élection d’un nouveau président en attente de prestation de serment augurait en effet pour l’ex-chef rebelle une vie d’ancien président. D’ailleurs, lui-même l’avait si bien préparée.

« Guide suprême du patriotisme »

En quittant la présidence, il devrait hériter de la fonction de « Guide suprême du patriotisme ». La loi instituant ce poste taillée sur mesure par Pierre Nkurunziza et pour lui-même prévoit qu’il soit consulté sur « des questions relatives à la sauvegarde de l’indépendance nationale, à la consolidation du patriotisme et à l’unité nationale ». La fonction est loin d’être honorifique au regard de la consistance des avantages y afférents (une villa de « très haut standing », une allocation d’environ 500 000 dollars US…). Mais Pierre Nkurunziza n’occupera pas finalement ce poste. Sauf s’il devrait conserver le titre même mort. Ce qui n’est pas exclu. Étant déjà élevé au rang de « Guide suprême éternel » de son parti politique.

Ces deux éléments du culte de la personnalité autour de Nkurunziza ne sont qu’un aspect des excès ayant caractérisé la présidence de ce dirigeant controversé qui mélangeait politique, religion et football.

Excès 

Les frasques à l’actif du professeur d’éducation physique devenu chef d’Etat sont sans limite. En mai, à quelques jours de l’élection présidentielle que remportera son dauphin Évariste Ndayishimiye, le régime de Pierre Nkurunziza a expulsé le représentant de l’OMS et trois autres experts de l’organisation qui travaillaient sur la pandémie du Covid-19 dans le pays. Le pouvoir était alors dans un déni, défiant le coronavirus au motif d’une « grâce divine » qui protégerait le pays. Aucune mesure de restriction n’a de fait été mise en place pour contrer la pandémie au Burundi où le football et tous les autres sports n’ont pas été suspendus. Une exception mondiale. C’est tout logiquement que des rumeurs laissent croire que le président a été emporté par le coronavirus. Si cela s’avérait, une telle ironie serait une des meilleures leçons de ce virus. 

Le président burundais était aussi footballeur. Et avec lui sur le terrain, les règles du ballon rond changent en sa seule faveur comme le révélait RFI en 2018.

Bilan mitigé

Mais ces excès passent pour des faits divers à côté de la répression contre les opposants qui a marqué le règne de celui qui a accédé au pouvoir au terme d’une période trouble du Burundi meurtri par la guerre ethnique tout comme le Rwanda son voisin. Le quadragénaire porté à la présidence en 2005 après une vie de maquisard devait pacifier, réconcilier et démocratiser son pays sortant des années de conflit.

Ses premières années furent celles de l’espoir avec ses actions sociales : gratuité de l’école et de l’accouchement, constructions des écoles… 15 ans après, le passage de Pierre Nkurunziza à la tête du Burundi, dont un dernier mandat de trop remporté en 2015 en violation de la limitation légale à deux, laisse un bilan mitigé. Peut-être est-ce un gâchis.

On espérait mieux d’un chef d’Etat qui avait l’avantage d’être jeune. Pas étonnant que sa disparition n’entraîne pas de vague d’hommages sur Internet ; des internautes ont même osé saluer sa disparition regrettant seulement que la mort ne lui ait pas laissé le temps de répondre de ses actes. Une enquête était ouverte depuis 2017 par la CPI au Burundi sur des présumés crimes contre l’humanité.

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