A Tanger comme ailleurs au Maroc, tout s’est arrêté lorsque le roi Mohamed 6 a a prononcé son discours, très vite qualifié d’ historique. Les organisateurs de la rencontre des élues africaines ont momentanément interrompu leurs activités pour commenter avec enthousiasme les promesses royales et lors de la fin du discours des applaudissements spontanés ont éclaté : « le roi  a dit exactement ce que je souhaitais entendre » assure notre accompagnateur Fouad, particulièrement sensible à l’importance accordée à la régionalisation tandis que son voisin Hassan assure que le renforcement du rôle du Premier Ministre « ramènera la roi à un rôle de représentation, il sera comme la reine d’Angleterre… »Par contre, aux yeux de jeunes Marocains revenus de France, qui envahissent le hall de l’hôtel de leurs grands rires, l’ampleur des réformes promises par le roi, et en particulier la réforme de la Constitution, seraient plutôt des aveux de faiblesse : « il est sur la défensive, il recule et il anticipe pour ne pas être pris de court par la lame de fond qui s’annonce… »

Même si sur le plan intérieur le forum des femmes élues d’Afrique ne rapportera probablement rien aux autorités marocaines, sinon quelques critiques au vu des efforts et des sommes déployées, il est certain que cette réunion, à Tanger, de plusieurs centaines d’élues venues de tout le continent représente une avancée diplomatique non négligeable. L’assemblée des femmes  s’est d’ailleurs prêtée au jeu du pays hôte : non seulement l’hospitalité du Maroc et en particulier celle du roi a été soulignée et a fait l’objet df’une motion de remerciement mais surtout, les participantes, à l’unanimité ont demandé  au souverain marocain de décider de la réintégration de son pays au sein de l’Union africaine, dont le Maroc est d’ailleurs un membre fondateur. C’est le litige avec l’Algérie à propos du Sahara Occidental et la position adoptée à ce sujet par l’Union africaine qui avait poussé  le royaume à quitter l’organisation régionale.

Depuis lors,  non content de faire du Sahara occidental une grande cause nationale, le Maroc n’a cessé, de diverses manières, de renforcer ses liens avec l’Afrique sub saharienne et le soutien apporté  depuis le début  au CGLUA (cités et gouvernements locaux unis d’Afrique) a été  à la fois la preuve et l’instrument de cet engagement continental.

Cette fois encore, en aidant les femmes élues dans tout le continent africain à s’organiser de manière structurelle (un bureau a été choisi, une présidente=marocaine= placée à la tête du réseau) la diplomatie marocaine a frappé fort et s’est montrée disposée à occuper des places soudain libérées. En effet, Mme Ben Ali avait voulu faire de la Tunisie la  capitale des femmes du monde arabe, tandis que le naufrage de la Libye rend orphelins les rêves panafricanistes du colonel Kaddhafi. En même temps que le roi essaie de canaliser la montée des revendications populaires, la diplomatie chérifienne veille, pour sa part, à encourager le mouvement municipaliste africain et sa démocratisation à la base. La constitution d’un vaste réseau de contacts avec des organisations de base, avec des centaines de femmes élues et dynamiques permet aussi au Maroc d’occuper  un créneau intéressant, se  montrant à la fois interlocuteur de l’Europe et partenaire de première ligne de pays africains de plus en plus courtisés.

A cela s’ajoute le fait que le Maroc estime avoir beaucoup à proposer à l’Afrique noire : les services de ses banques, déjà très présentes, ses réseaux commerciaux, sa production agricole et ses produits de première nécessité ainsi que son expertise en matière de décentralisation et de développement des collectivités de base. En échange, le royaume, sans le dire mais en le suggérant de plusieurs manières (par exemple dans les chansons reprises lors des banquets officiels…) souhaite évidemment que l’Afrique noire soutienne sa position dans litige du Sahara occidental…

Tanger, où de nouveaux liens se tissent, où les femmes d’Afrique et du Maroc échangent leurs expériences et se  révèlent comme de nouveaux acteurs politiques, on se demande aussi si l’Europe, de l’autre côté  du détroit, prend l’exacte mesure des changements qui s’annoncent…

http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/2011/03/10/pourquoi-le-maroc-mise-sur-les-elues-dafrique/

Posté par rwandaises.com