’est un mouvement de fond, dont on mesure encore mal l’ampleur et les conséquences : les femmes d’Afrique et du monde arabe déboulent dans l’arène politique, bien décidées à s’y tailler une place et à faire bouger les lignes. Alors que les révolutions de Tunisie et l’Egypte avaient révélé la mobilisation des femmes, le sommet qui se tient à Tanger du 8 au 11 mars confirme le phénomène : ce premier forum des femmes élues locales d’Afrique a rassemblé près de 600 participantes, venues de presque tous les pays du continent et réunies à l’initiative du mouvement municipaliste CGLUA (cités et gouvernements locaux unis d’Afrique), organisateur des rencontres « Africités ».
Maires, conseillères municipales, responsables politiques, c’est la première fois que des élues africaines se rencontrent ainsi au bout de vingt années de révolution silencieuse, qu’elles ont l’occasion de comparer leurs objectifs et leurs difficultés. Si la « journée des femmes » du 8 mars fête déjà son centenaire, il n’y a qu’une vingtaine d’années en effet que les acteurs du développement, les grands « bailleurs » internationaux et plusieurs chefs de gouvernement ont compris que si l’on voulait un jour réaliser de réels progrès, il fallait impérativement associer les femmes aux processus de décision, les introduire sur la scène politique en commençant par le niveau local.
Bon nombre d’ Africaines ont « fait le saut » au départ de la société civile, où elles étaient actives dans le mouvement associatif, d’autres ont bénéficié de politiques volontaristes : au Rwanda par exemple la Constitution impose un quota de 30% de femmes à chaque échelon de la représentation politique, ce qui a conduit les femmes à devenir majoritaires au Parlement tandis qu’au Maroc une sorte de « discrimination positive » a fait passer le nombre d’élues de 2 sur 325 en 1997 à 35 femmes parlementaires en 2010.
Si le mouvement apparaît irréversible, il est encore trop tôt pour se réjouir : dans sa communication, la présidente d’ONU= Femmes Michelle Bachelet, a bien rappelé que les lois et les quotas ne suffisent pas, que les femmes doivent aussi, tout simplement, avoir accès à un espace public où prévaut le droit, où elles peuvent se mouvoir et s’exprimer en toute sécurité…
Il n’empêche qu’à entendre ces femmes débattre et s’exprimer à Tanger on mesure le chemin parcouru, la diversité des expériences et des opinions: « sans nous la démocratie est unijambiste » assure Rosa Molina la Malgache, « la clé c’est la scolarisation des petites filles » rappelle Odette la Gabonaise tandis qu’Esther la Kenyane rappelle le rôle de médiation joué par les femmes lors des violences tribales qui avaient marqué les dernières élections dans son pays.
Pour la première fois ces élues venues de tout le continent ont pu constater combien leurs problèmes quotidiens se ressemblent, qu’il s’agisse de l’accès aux ressources, de la mise en œuvre de programmes de base, de la jalousie aussi « nous ne sommes pas assez solidaires entre nous » assène une élue du Bénin. Sans surprise, c’est l’atelier consacré à la « gouvernance » et plus précisément à ce fléau qu’est la corruption qui a suscité un déferlement de témoignages : « les petits paysans de mon district n’ont jamais pu devenir des fermiers commerciaux car tout l’argent du programme a été bouffé » constate une élue de Pietermaritzburg (Afrique du Sud), Jaynet l’Ougandaise raconte comment les « big people » proches du président ont racketté le budget prévu pour le dernier sommet du Commonwealth, une maire malgache explique ses efforts » chez moi, toutes la procédure à suivre pour obtenir un document officiel est affichée,ainsi que le prix à payer, ce qui rend les dessous de table presque impossibles… »
A Tanger, les femmes élues ne se sont pas contentées de réaliser une moisson de témoignages et d’informations, elles ont échangé leurs adresses et surtout elles ont décidé de se mettre en réseau afin de poursuivre les échanges et, en cas de besoin, de pouvoir rapidement se mobiliser. A ce niveau là aussi, c’est une sorte de « révolution Facebook » qui se met en place…
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Posté par rwandaises.com