Photos-salon-du-livre-2011 0119Le Stand Livres et Auteurs du Bassin du Congo, animé par Les Dépêches de Brazzaville et Géopolitique africaine en partenariat avec la chaîne de télévision Africa24, a tenu une table ronde, le 18 mars, autour de la vie, de l’œuvre et des engagements des deux illustres poètes de la négritude en cette Année des Outre-Mer

 

Le poète guadeloupéen Daniel Maximin a commencé son exposé par un texte d’une œuvre de Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, publiée en 1952, dans lequel il demande d’« arrêter d’être esclave de l’esclavage », prévenant qu’il n’est pas « sur terre pour faire le bilan des valeurs nègres », ni pour faire payer au « monde blanc, par ressentiment personnel, les faits subis par ses pères ».

Il sera le premier à théoriser la condition noire en France. Cette idée neuve visait à mettre sur pied un homme neuf, moderne, et révolutionnaire. Muté en Algérie en 1953, il va découvrir le vrai visage de la colonisation et la condition des colonisés. Son combat devient celui des peuples encore sous domination.

Daniel Maximin relève la « fraîcheur de la pensée visionnaire de Frantz Fanon » dans la mondialisation, qui impose un ordre nouveau échappant au cloisonnement dominant/dominé issu de l’esclavage et de la colonisation, et déplore le fait que le poète soit peu connu en France et dans le monde. Or ses idées gagneraient à être répandues. Il voit en ses écrits une grande humanité, « un homme opposé à toute ségrégation », refusant que l’homme soit enfermé dans une peau, une histoire, une frontière, etc.

 Au-delà de la dimension d’universalité des combats, Frantz Fanon se révèle un briseur de chaînes opposé au nazisme, au fascisme, à toute forme de répression, épris de liberté et de justice, puisant ses forces dans la doctrine d’Aimé Césaire, que l’on peut retrouver dans Cahier d’un retour au pays natal. Frantz Fanon éprouve le besoin de sortir les Noirs de leur aliénation, de leur soumission, s’interrogeant sur la motivation d’un Noir à imiter un Blanc.

Le professeur Daniel Delas, spécialiste de la littérature africaine, voit à travers les écrits de Frantz Fanon une certaine révolution radicale, ce qui préfigure des idées postcoloniales, Peau noire, masques blancs présentant un certain universalisme.

Le ministre congolais de l’Enseignement supérieur, Henri Ossebi, a évoqué avec émotion un colloque organisé en 1984, à Brazzaville, en hommage à Frantz Fanon et sa résonance « inattendue », et invoqué l’avènement d’un « nouvel ordre, fait de libération », avant de revenir sur les « années douloureuses des étudiants noirs en France » assimilés à « des sous-hommes », et a souligné « leur prise de conscience de l’altérité ». Une situation de rejet qui aura toutefois contribué à la « structuration de notre pensée d’étudiants noirs et à notre engagement », a-t-il relevé.

Les intervenants ont également évoqué Léon-Gontran Damas, père de la négritude, celui qui a été au coeur d’un certain nombre d’idées « mais que l’on ne connaît pas suffisamment, ni l’homme, ni l’œuvre », a regretté Daniel Maximin. Décédé en 1978, Léon-Gontran Damas fut une grande figure des Éditions Présence africaine, avec des poèmes comme Pigments (1937). Celui à qui on a dit « qu’il n’est rien, qu’on l’a tué, que tous les moi sont morts » veut prouver qu’il existe, et prêche pour le collectif. Il cherchera toute sa vie de la poésie à travers le monde. Il découvre l’usage de la parole à sept ans et, ironie du sort, meurt d’un cancer de la langue. Léon-Gontran Damas a connu « un chemin étroit », disent ceux qui l’ont connu. Il aura cherché à écrire, dire, chanter l’amour, « à travers des blessures douloureuses », a indiqué le professeur Daniel Delas.

Henri Ossebi, pour qui « la praxis, l’action restent une priorité par rapport à la poésie », reconnaît la portée messianique de Frantz Fanon et de Léon-Gontran Damas, deux auteurs, qui ont dénoncé « la singerie langagière du Blanc ». Pour Daniel Delas, Léon-Gontran Damas fut double, « un grand pasteur, un grand voyageur, à l’aspect tragique et humain », habité d’un « humour à la Prévert, jubilant dans le maniement des mots et tombant parfois dans une sorte de désespoir », mais aussi un « Léon-Gontran Damas gai, à l’écriture politique jazzée, improvisée, actuelle ».

Il faut rappeler que 2011 est l’Année des Outre-Mer. Elle doit éclairer la réalité des outre-mer français, au-delà des clichés, « leur résistance aux cyclones de l’histoire, comme la traite négrière, loin des images de victimes passives de l’histoire et de la géographie », a déclaré Daniel Maximin, le commissaire en charge de la manifestation.

Daniel Maximin a tenu « à raconter l’histoire du point de vue des résistants antillais, qui ont fait de la lutte contre l’esclavage une histoire universelle et non raciale. » Hommage sera donc rendu cette année à l’ensemble des écrivains de la négritude.

« Le psychanalyste du colonialisme », Frantz Fanon est né le 6 juillet 1925 à Fort-de-France en Martinique avant d’embrasser la carrière algérienne et d’en faire sa terre d’adoption. Fervent combattant anti-colonialiste, Frantz Fanon a marqué le xxe siècle par sa pensée et son action. Le père des Damnés de la terre, sera emporté par une leucémie à l’âge de 36 ans, le 6 décembre 1961. Avec la mondialisation, sa pensée révolutionnaire est d’actualité.

Léon-Gontran Damas, guyanais, est le cofondateur de la négritude avec Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor. Il est né le 28 mars 1912 et est mort le 22 janvier 1978. Amateur de jazz, il publie Pigments en 1937, un recueil de poèmes où il se révolte avec beaucoup de force contre l’éducation créole qu’il considère comme de l’« acculturation imposée ».

Noël Ndong

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Posté par rwandaises.com