Dix sept ans après le génocide, alors que les blessures et les rancoeurs ne sont toujours pas cicatrisées, les présidents Kagame et Sarkozy ont choisi de parier sur l’avenir.

Arrivé dimanche soir à Paris, Kagame a d’abord été accueillli à Aubervilliers par plusieurs milliers de ses compatriotes et c’est là,  face aux siens, que « le Vieux » a exprimé le fond de sa pensée : minimisant les différences ethniques, il a rappelé l’unité du peuple rwandais et exprimé sa profonde défiance à l’égard des « donneurs de leçons », « ceux qui vous offrent une chemise et vous dictent ensuite comment la porter… »Dès le lendemain, ces accents militants, marqués par le nationalisme, se sont estompés au profit d’un registre plus classique, celui du pragmatisme.

Pragmatisme que le choix de l’anglais, langue dans laquelle se font 90% des échanges du Rwanda, pragmatisme que la priorité donnée à l’ éducation, la santé, la sécurité…Mais c’est ailleurs que s’est déployé le véritable pragmatisme de Kagame : lors de l’entretien avec le président Sarkozy, il n’a pas été question d’excuses pour le rôle que la France joua au Rwanda aux côtés des extrémistes hutus : « je ne peux forcer ou supplier personne, il faut renvoyer chacun à sa propre conscience… »

Alors que, par la voix de Guy Verhofstadt,  la Belgique, en 2000, avait été le premier pays à présenter ses excuses au peuple rwandais pour l’avoir abandonné, et que la Grande Bretagne, les Etats Unis, l’ONU avaient suivi, la France, elle, n’a jamais officiellement reconnu le soutien apporté aux milices génocidaires. Tout au plus le président Sarkozy, à Kigali en 2000 avait-il parlé d’un « certain aveuglement » et rétabli les relations diplomatiques. Cette fois, la normalisation a fait un autre pas en avant : Sarkozy et Kagame ont abordé des dossiers très concrets, les  relations économiques, les investissements, dans le domaine de l’électricité entre autres, la construction d’un nouveau centre culturel franco rwandais  tandis que la coopération française fera passer ses engagements au Rwanda de 23,7 à 42,2 millions d’euros.

Affirmant qu’il fallait construire l’avenir au lieu de s’attarder sur le passé, les deux hommes ont sans conteste fait preuve de courage : Sarkozy a conjuré les vieux démons de la Françafrique; il a passé outre à l’amertume des militaires qui ne supportent ni leur défaite de 1994 ni leur mise en cause dans les rapports de la commission d’enquète rwandaise, il a balayé les objections de son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé et a décidé de faire avancer des dossiers sensibles en renforcant la coopération judiciaire entre les deux pays (neuf dirigeants rwandais demeurent toujours inculpés de l’attentat contre l’avion présidentiel…).

Quant à Kagame, sans revenir sur  les graves accusations portées à l’encontre de la France, il a lui aussi choisi d’aller de l’avant. Cependant, malgré le volontarisme qui a marqué cette réconciliation au sommet, bien des questions subsistent : pour les victimes privées d’excuses le pardon sera-t il possible ? Et  les droits de l’homme, bafoués en 1994 avec la complicité de la France, ne seront-ils  pas une fois de plus relégués à l’arrière plan ?

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