Malgré le tollé provoqué par la difficulté des diplômés étrangers de se faire recruter en France, le ministère de l’Intérieur ne compte pas revenir sur la circulaire du 31 mai
a multiplication des cas de jeunes diplômés empêchés de recrutement par la circulaire Guéant-Bertrand va-t-elle faire plier le gouvernement ? Ils sont de plus en plus nombreux, jeunes diplômés bac+5 étrangers non ressortissants de l’Union européenne mais aussi recruteurs, à se heurter à la nouvelle réglementation en vigueur. Diplômés des écoles les plus prestigieuses, pré-embauchés par les plus grands cabinets de conseil, rien n’y fait : l’administration rechigne à leur délivrer un changement de statut (CDS), sésame nécessaire pour pouvoir signer un contrat de travail. Motif : les recruteurs doivent privilégier les diplômés français sauf sur les métiers dits « en tension ».
À l’origine, plusieurs obstacles réglementaires. Tout d’abord la circulaire émise le 31 mai par les ministères de l’Intérieur et du Travail qui enjoint les préfectures de durcir les conditions de délivrance des autorisations de travail et alourdit les procédures de CDS auxquels les étudiants étrangers non européens doivent se soumettre. Ensuite, la liste des métiers ouverts aux étrangers non européens a été réduite cet été. Enfin, un arrêté du 8 septembre porte les ressources nécessaires à l’obtention d’un titre de séjour étudiant de 460 euros à 620 voire 770 euros par mois…
Incompréhension…
Depuis la rentrée, dans le sillage des étudiants étrangers, désormais constitués en « Collectif du 31 mai », les recruteurs (Association françaises des entreprises privées notamment), la conférence des grandes écoles puis celle des présidents d’université ont exprimé leur incompréhension et l’esprit contradictoire de la circulaire avec la loi de 2006 relative à l’immigration et à l’intégration. Dernière réaction en date, celle de la ministre du Budget Valérie Pécresse, saisie par des étudiants d’HEC, a écrit à son collègue de l’Intérieur, Claude Guéant, indique son entourage, confirmant une information de l’agence spécialisée AEF. Dans son courrier, l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur, constate que si les préfets peuvent délivrer ou non une autorisation de travail, dans la « plupart des cas » qui lui ont été présentés, « c’est un refus d’autorisation qui a été opposé aux demandeurs ».
La ministre estime que « selon les termes de la circulaire, le refus est justifié si ‘l’emploi visé ne nécessite pas de qualifications particulièrement élevées’, ce qui n’est évidemment pas le cas pour les emplois proposés aux diplômés de master 2 (bac+5), ni a fortiori aux diplômés de nos grandes écoles ». Rappelant que ces jeunes diplômés « représentent des atouts importants pour les entreprises qui souhaitent les recruter et donc pour notre pays », elle alerte sur le fait que « si une telle situation devait perdurer, elle ne serait pas non plus sans conséquence sur l’attrait de nos grandes écoles et de nos universités à l’étranger. » De fait, en mai dernier, Valérie Pécresse avait insisté sur la nécessité d’attirer les meilleurs étudiants étrangers. De son côté, le Medef dit « respecter l’esprit de la circulaire » tout en précisant que celle-ci doit être appliquée dans un état d’esprit ouvert afin que les entreprises françaises, dont beaucoup sont internationales, ne soient pas pénalisées. Le patronat invite à « regarder les cas particuliers » et à « agir avec discernement ».
… et contradiction
Pas de quoi cependant faire plier la place Beauvau qui, contactée, indique que « la circulaire ne sera pas réécrite », car elle rappelle « les règles existante », à savoir la loi de 2006. Celle-ci précise, explique-t-on au ministère der l’Intérieur, que l’autorisation de séjour de 6 mois suivant l’obtention du diplôme doit être accordée à ceux qui « souhaitent bénéficier d’une première expérience professionnelle en France et dans la perspective d’un retour dans le pays d’origine ». Et de rappeler au passage que « le taux de chômage chez les ressortissants étrangers est de 23 % ». Une interprétation qui ne satisfait ni les recruteurs, ni les formateurs, ni les étudiants, l’obtention d’un diplôme, a fortiori un bac+5, étant le meilleur rempart contre le chômage, comme le Céreq (centre d’études et de recherches sur les qualifications) l’a encore récemment rappelé.
Par ailleurs, estime ce directeur de grande école, la circulaire ne respecte justement pas l’esprit de la loi de 2006 puisque cette dernière est généralement promue auprès des jeunes diplômés étranger comme une protection « dès lors que l’on peut leur proposer un contrat de travail » pour une première expérience. Faute de réécriture de la circulaire, l’administration pourrait être invitée à faire moins de zèle…