La rencontre a eu lieu dans la capitale camerounaise le 23 septembre 2011. Ambiance inhabituelle au collège Adventiste de Yaoundé ce 23 septembre. Les rwandais de Yaoundé ont rendez-vous avec le gouvernement rwandais. A première vue, rien d’étonnant, puisqu’il s’agit de « leur pays ». Cependant, l’heure n’est pas « aux retrouvailles amicales » mais à « la démagogie ». A quelques pas de la salle, trois jeunes rwandais âgés d’une vingtaine d’années dialoguent. Ils sont arrivés peu avant 10 heures croyant être en retard. Pourtant, ils sont les premiers à découvrir les lieux. Vers 11heures, une trentaine de rwandais a déjà investi la petite salle où l’attente commence à jouer sur neufs des ressortissants du pays aux mille collines.
Pour « tuer le temps », les hommes revisitent la dernière actualité du pays pendant que les femmes étalent entre elles les derniers commérages du quartier. Derrière ce bavardage, une hantise : la peur de la confrontation. Dans la salle, personne ne sait comment va se dérouler la rencontre avec les autorités rwandaises. Après 17 ans d’exil, « je ne sais si je vais regarder la délégation droit dans les yeux » déclare Janvier N., un ressortissant rwandais résidant à Yaoundé. En écoutant la réponse, l’entourage est étonné par la teneur de ses sentiments envers le gouvernement de Kigali. « De toutes les façons, je n’attends rien de ces dirigeants, depuis 1994. C’est la souffrance, la peur et l’angoisse. Je ne vois même pas ce que je fais ici » souligne Uwamahoro, une femme d’une quarantaine d’années. Vers 12 heures, la délégation officielle rwandaise fait son entrée en saluant l’assistance. Certains rwandais refusent « la main tendue de Kigali.»
Opération de séduction
L’assistance découvre des hommes souriants et prêts à se livrer à « l’exercice de séduction.» L’équipe est composée de trois personnes : Gérard Ntwari, l’ambassadeur de la République rwandaise auprès du Sénégal ; Martin Dusenge, l’ex- réfugié rwandais en exil et un journaliste de la télévision rwandaise. D’entrée, le diplomate plante le décor. Il demande à ses compatriotes de « sentir à l’aise et d’être ouverts au dialogue. » Dans son discours, son excellence monsieur l’ambassadeur demande aux réfugiés rwandais de rentrer au « pays natal. » Les autorités de Kigali sont « prêtes » à accueillir leurs enfants ». Selon lui, le rapatriement volontaire doit « s’effectuer rapidement ». Le régime de Kigali est disposé à délivrer les papiers de retour à ceux qui veulent rentrer au pays natal. De plus, cinq (05) camps d’accueil existent déjà dans le pays. Dans cette perspective, il fournira la nourriture, 100$ par adulte et 50$ par enfant. «Les rwandais qui voudront rentrer seront accueillis dans la tradition rwandaise » affirme le diplomate. Objectif final : aider le Rwanda à se reconstruire.
La politique au menu
Le diplomate a recours à la psychologie pour faire passer son message. « La désinformation provient des hommes politiques en exil. Objectif de ces derniers: préserver leurs intérêts et prendre en otage la population en exil.» La méconnaissance de la politique actuelle du pays expliquerait la réalité. « Ce sont vos amis qui sont au Rwanda qui déforment aussi la réalité du pays ! Ils font ça pour leurs propres intérêts » ajoute le diplomate. « Le Cameroun n’est pas votre pays, venez développer votre pays, le Rwanda. C’est un bon pays. Venez, vous n’allez pas regretter votre choix. »
Prenant la parole, les réfugiés manifestent le refus de rentrer au Rwanda. Au cours des échanges, ils exposent leurs inquiétudes au niveau des biens, de la justice traditionnelle, de la discrimination, de la ségrégation dont sont victimes les Hutu, l’ethnie majoritaire au Rwanda. Visiblement émus, certains réfugiés arrivaient à peine à ouvrir la bouche. Face à cette situation, la délégation de Kigali demande à l’assistance de « ne pas se ranger du côté des politiciens », « le Rwanda, c’est un cas particulier » à cause « du génocide de Tutsi ». A cet effet, le diplomate demande d’éviter « ces débordements ». Car, les libertés d’expression sont respectées au pays! Au sortir de la rencontre vers 18heures, le doute était toujours aussi présent dans les esprits des uns et des autres.
Écrit par Intégration
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