L’image du guide libyen au visage ensanglanté diffusée en boucle par les télévisions du monde a choqué plus d’un. Même s’il a été un dictateur féroce, le sort qui lui est réservé paraît injuste aux yeux de beaucoup.
En Afrique, sa mort brutale est appréciée diversement.» Kadhafi est mort, je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer ».
Ce statut posté sur le réseau social Facebook quelques minutes après la mort du « Roi des rois d’Afrique » traduit le sentiment ambigu que la personnalité de l’ancien guide libyen inspire à plusieurs africains.
Pour beaucoup de jeunes interrogés Kadhafi est autant bon que mauvais. « Si on prend en compte tout ce qu’il a fait pour l’Afrique et les Africains, on ne peut que regretter sa mort. Toutefois, autant il a été un sauveur, autant il a incarné le diable avec ses actes terroristes, le financement des rébellions, la répression brutale de toutes velléités d’opposition dans son pays.
On ne sait pas lequel des Kadhafi garder en mémoire », explique Seydou.Indignation et deuil« Gaindé deug mo danou » (Un vrai lion est tombé).
Ce commentaire en langue wolof posté sur le mur Facebook d’un jeune Sénégalais traduit à lui seul la fascination que le désormais défunt guide libyen exerce sur une grande partie de la population africaine.
Certains comme Fatou pensent que c’est un martyr tombé sous les balles des occidentaux. « Il n’a pas fui. Il a voulu défendre son pays jusqu’au bout. C’est un vrai héros pour nous autres africains », indique la jeune femme.Diarra Seck, une juriste sénégalaise résidant à Casablanca, trouve que l’assassinat de Kadhafi est une honte pour la communauté internationale.
« C’est contraire aux droits de l’Homme de livrer un homme à des fous enragés mus par un esprit de vengeance et inconscients des enjeux économiques et pétroliers de l’engagement des occidentaux dans ce conflit.
C’est vraiment dommage et cela terni l’image des arabes et des musulmans ».L’implication de l’Otan et son rôle dans la capture et la mort de Muammar Kadhafi est source de beaucoup d’inquiétude.
Hamadé, un étudiant burkinabé, considère que l’ingérence de l’Otan dans le conflit libyen est un dangereux précédent pour l’Afrique et ses dirigeants. « Comment Sarkozy et sa bande peuvent-ils se permettre de soutenir qu’ils sont en train de restaurer la démocratie et la liberté.
Après Gbagbo et Kadhafi, je ne serai pas étonné que pour des intérêts matériels ils attaquent un autre pays africain pour s’emparer de ses ressources.
C’est vraiment un retour de la colonisation qui ne dit pas son nom », déplore.
Au Sénégal, le rôle joué par Abdoulaye Wade, qui a soutenu la rébellion à ses premières heures avec sa visite controversée à Benghazi le 09 Juin 2011, ne fait pas que des heureux.
Alioune estime qu’il s’agit d’une trahison grave venant d’un leader africain. « J’ai été surpris d’entendre sur RFI Abdoulaye Wade défendre le droit à l’ingérence. Kadhafi a été son ami, il ne devait pas le trahir de cette façon pour plaire aux occidentaux.
J’espère qu’il sera le prochain sur la liste des leaders africains à abattre après Gbagbo et Kadhafi ».Réactions mitigées des médias africains.
Si le quotidien sénégalais Le Populaire considère que la mort de Kadhafi est la fin tragique d’un guide égaré, le site togolais icilome.com estime que c’est l’Afrique qui perd son mécène.Mamadou Bah, un journaliste guinéen indique sur le site guineenews.com que Kadhafi est mort en héros. »
Je pense que c’est un coup dur pour ce pays qui va peut-être connaitre d’autres déchirements par après d’autant plus qu’on avait connu un petit souci à ce niveau entre certaines communautés avant même l’annonce de sa mort.
Je pense que cela va exacerber cette situation et que le pays risque de basculer un peu plus tard dans la violence. J’imagine que le CNT en découlera peut-être plus tard avec la communauté internationale.
Je regrette sa mort même si la Guinée a reconnu le CNT. Compte tenu des relations entre la Guinée et la Libye, je pense que c’est un coup dur pour la Guinée même si chacun a son avis l’a dessus »
Son confrère malien Adam Thiam explique dans une chronique intitulée Un martyr pas un lâche que la balle qui a tué le dictateur a donné naissance à un martyr.
« Il faut bien plus qu’une annonce du Cnt, une photo de l’Afp ou un communiqué de l’Otan pour que Bamako, Ouaga et bien d’autres capitales africaines, acceptent la mort de leur héros.
L’efficace fabrique de légendes que sont nos chaumières avait, de toutes façons, décerné toutes les palmes au Guide. Celle de l’invincibilité, celle de l’ubiquité, celle du courage ».
(Seneweb 22/10/2011)
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