Une semaine après avoir appris qu’elle ne sera pas extradée au Rwanda,

Mme Agathe Habyarimana a remporté une autre bataille judiciaire. Au terme d’un délibéré prolongé, le tribunal administratif de Versailles (France) a annulé jeudi le rejet de la demande de séjour de l’ex-première dame du Rwanda et veuve de l’ancien président Habyarimana et demandé au préfet de l’Essonne de motiver son refus, a-t-on appris vendredi de sources judiciaires.
Le 4 mai 2011, le préfet de l’Essonne avait refusé la deuxième demande de titre de séjour « vie privée et familiale » déposée par Mme Agathe Habyarimana, qui réside depuis plus de dix ans dans ce département du Sud de Paris avec ses enfants, au motif que sa présence constituerait une « menace à l’ordre public ».

Fin septembre, la cour d’appel de Paris avait rejeté la demande d’extradition formulée par le Rwanda, visant Agathe Habyarimana dans le cadre d’un mandat d’arrêt international émis en octobre 2009 pour « génocide » et « crimes contre l’humanité ».

Mme Habyarimana réside sur le territoire français sans statut légal puisque toutes ses demandes de titre de séjour ont jusqu’alors été rejetées.

Evacuée dès les premiers jours du génocide en 1994 vers la France par des militaires français, puis définitivement installée en France à partir de 1998, Agathe Habyarimana est souvent présentée comme membre de l’ »akazu », le premier cercle du pouvoir qui a planifié et mis en œuvre le génocide, déclenché par l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion transportant son époux, Juvénal Habyarimana.

Dans son jugement du 6 octobre, le tribunal annule la décision du préfet, souligne qu’il « ne caractérise nullement la menace à l’ordre public qu’il invoque » et le somme « de prendre une nouvelle décision tenant compte de la situation […] et énonçant de manière précise ses motifs ».

Le même tribunal avait déjà prononcé un jugement similaire le 2 novembre 2010, pour annuler un premier refus de la préfecture, en date du 5 juillet 2010.

Suite à une plainte déposée en France en 2007 pour « complicité de génocide » par une association de défense des victimes, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), une information judiciaire a été ouverte en mars 2008 devant le tribunal de grande instance de Paris contre Agathe Habyarimana.

Le TPIR n’ayant pas ouvert de poursuites contre elle et la demande d’extradition du Rwanda ayant été rejetée, il s’agit à ce jour de la seule possibilité pour qu’un procès soit ouvert contre celle que certains spécialistes du Rwanda avaient décrite comme le centre de l’Akazu (maisonnée en kinyarwanda), et dont les membres auraient participé à la planification du génocide de 1994.

Pour Me Philippe Meilhac, l’avocat de madame Agathe Habyarimana, toutes ces poursuites contre sa cliente constituent « une forme d’hypocrisie qui est tout de même assez déroutante ».

« On laisse cette femme de 70 ans, dans une situation de +ni expulsable, ni régularisable+ car on a conscience que lui accorder un titre de séjour aurait des conséquences sur le plan diplomatique », a-t-il ajouté, évoquant la possibilité de faire appel, voire de saisir la Cour européenne des droits de l’homme.

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