Claude Bourdin

Public. (Photo: Christiane Garin)La rencontre internationale d’Agriculteurs organisée par l’équipe rwandaise d’Initiatives et Changement (I&C) en novembre 2011 m’a permis un troisième séjour et de nouvelles rencontres avec un peuple accueillant, généreux, travailleur, tourné vers l’avenir, même si les traces du passé restent encore marquées. Mes conversations, au fil des visites de fermes ou de projets agricoles, lors de la rencontre d’agriculteurs au pied des volcans dans le nord du pays, ou au hasard des conversations privées, ont confirmé les réflexions, questions et défis que j’avais esquissées après mon 2ème séjour, en mars dernier (voir article « L’âme rwandaise en souffrance »).

La visite d’un énorme chantier de réhabilitation d’une vallée marécageuse pour y installer une production agricole irriguée, sur des terres qui seront à terme redistribuées aux petits agriculteurs, témoigne clairement d’une volonté politique très forte : assurer la croissance de la production alimentaire, couvrir les besoins d’une population déjà très grande (plus de 400 habitants au Km² – moyenne des fermes inférieure à un demi hectare), venir à bout de la malnutrition et de la pauvreté. Notre guide, un militaire, nous a aussi montré une grande exploitation reprise sur des zones militaires et intégrée au programme de consolidation des cultures. Celui-ci vise à unifier les productions par zones pour donner plus d’efficacité à toute la chaîne de production et de commercialisation. Si l’on peut justement se demander jusqu’à quel point une organisation centralisée peut mobiliser la participation et la responsabilité des agriculteurs, il faut tout de même reconnaître que le Rwanda se donne les moyens de son développement face aux énormes défis auxquels il est confronté.

L’équipe rwandaise d’I&C prépare un rapport de la rencontre de Ruhengeri, qui a rassemblé 130 agriculteurs (venant pour moitié du Rwanda et pour moitié de 16 pays différents, surtout des pays d’Afrique de l’Est).
Voici tout de même quelques facettes des échanges qui se sont déroulés sur 4 journées :

  • M. Jim Wigan – responsable du Dialogue entre Agriculteurs au niveau international – et M. Jamil Ssebalu – responsable pour l’Afrique – ont souligné l’importance de l’engagement de chacun. Cela passe par les rencontres et par le changement de motivations. Cela veut dire pour Jim : « plutôt servir les autres que son ambition, plutôt nourrir le monde que s’enrichir ». Cela passe aussi par un travail d’équipe pour résoudre les problèmes auxquels les agriculteurs sont confrontés. Le thème de la rencontre rappelait ce défi : « Les Agriculteurs – hommes et femmes – ensemble pour assurer la sécurité alimentaire, restaurer la confiance et l’unité… »
  • • Un responsable Rwandais a exprimé la chance qu’il avait aujourd’hui d’avoir une situation comme la sienne (travail, maison, voiture, famille…), mais, entendant son collègue somalien, il s’est rappelé ses 25 années de réfugié, nourri par la Croix Rouge Internationale. « Il est temps que je redonne ce que j’ai reçu », a-t-il ajouté avec émotion !
  • Le Dialogue entre Agriculteurs s’est fortement développé ces dernières années en Afrique de l’Est, grâce aux engagements sur le terrain. L’approche de ce projet est ainsi fortement valorisée par les résultats concrets, tant au niveau pratique sur les fermes qu’au niveau du comportement humain de ses membres. Le Dialogue entre Agriculteurs devient ainsi un partenaire important au niveau de la réflexion sur le développement rural et agricole. La délégation Ougandaise en est un exemple : parmi les 13 participants, on notait la présence aux côtés des agriculteurs d’un préfet de région (Regional District Commissioner), d’un représentant du Royaume du Boganda (une des régions du pays) et d’une journaliste agricole.
  • Un séminaire de formation avait été organisé en mars, au Rwanda, pour les responsables du Dialogue entre Agriculteurs dans les différents pays où le projet est actif. L’un des participants a partagé ce qu’il a vécu ensuite : décision de mettre fin à des choses qu’il cachait à sa femme, demande de pardon, renouvellement de l’unité familiale, meilleure capacité à œuvrer ensemble pour le développement de leur petite ferme et de leur travail de vulgarisation autour d’eux.
  • « Changer soi-même pour que le monde change ! » La rencontre qui s’est tenue au Rwanda a montré combien ce message est particulièrement vrai aussi pour répondre aux défis de production alimentaire, de lutte contre la famine et la pauvreté. Il montre aussi que chacun à son rôle à jouer, quelque soit son niveau de responsabilité !

La délégation de Mayotte, où le DEA se développe. (Photo: Christiane Garin)

Les rencontres plus formelles au Ministère de l’Agriculture, à l’Ambassade de France ou au syndicat agricole Imbaraga, et les conversations plus privées avec l’équipe d’I&C ont confirmé en moi l’importance du développement en cours au Rwanda, le courage et la détermination des Rwandais pour y participer. Certes, tout n’est pas simple ! Plus on parle avec eux, plus on découvre la complexité des relations humaines et des parcours individuels, plus on comprend que le traumatisme né du génocide et de ce qui l’avait préparé au cours des décennies précédentes ne pourra être guéri rapidement. Le film présentant les expériences de réconciliation entre génocidaires et victimes a montré la voie. I&C y travaille aussi, et le programme d’I&C « Femmes – Artisans de paix » peut y jouer son rôle. Cette dynamique ne dépend pas de mesures politiques, mais bien de ce qui se passe dans le cœur de chacun.

I&C essaie humblement d’apporter sa pierre à la reconstruction du pays. Quelle meilleure source d’espoir que les expériences concrètes de changement sur le terrain, qu’il s’agisse de changements concrets sur des fermes ou dans le cœur des gens !

Une soirée avec quelques membres de l’équipe, et des jeunes notamment, a permis de réfléchir à la pertinence du moment de silence pour conduire ses activités quotidiennes et mieux situer celles-ci dans le cadre d’une mission plus large.

Merci aux amis rwandais pour leur témoignage, leur courage et leur engagement ! Merci aussi pour leur accueil généreux et chaleureux ! L’ambassadeur de France à Kigali me disait : « Attention, quand on vient dans les Grands Lacs, on ne peut plus en repartir ! » Une partie de mon cœur va rester au Rwanda, c’est sûr !

www.fr.iofc.org/rencontre-internationale-agriculteurs-rwanda-récit-participant

Posté par rwandanews