Le ministre de l’Immigration, Jason Kenney. Photo: archives PC
Les réfugiés installés au Canada depuis plusieurs années pourraient perdre leur résidence permanente et être expulsés vers leur pays d’origine en vertu d’une clause du projet de loi C-31 déposé par le ministre de l’Immigration, Jason Kenney. Après avoir suscité la surprise, la clause 19 sème maintenant l’inquiétude.
«C’est un changement énorme dans la politique des réfugiés du Canada», croit Sean Rehaag, professeur adjoint de l’École de droit de l’Université de York, à Toronto.
Selon lui, plusieurs dizaines de milliers de réfugiés pourraient être touchés par les dispositions de cette clause.
Le projet de loi conservateur prévoit en effet que les réfugiés perdent leur résidence permanente, le statut qui leur donne le droit de vivre, de travailler et de bénéficier des avantages sociaux au Canada pour une durée indéterminée, si la situation s’améliore dans leur pays d’origine.
Ainsi, la résidence permanente devient conditionnelle et révocable, une première en droit de l’immigration.
«Prenez l’exemple du Rwanda: en 1994, il y avait le génocide, mais on peut dire que la situation a changé dans le pays depuis 18 ans. Selon ce projet de loi, un réfugié rwandais pourrait perdre la résidence permanente et être renvoyé», dit Mitchell Goldberg, avocat en droit de l’immigration et vice-président de l’Association canadienne des avocats et avocates en droits des réfugiés (ACAADR).
Depuis une semaine, l’ACAADR reçoit de nombreux appels de réfugiés, légitimement installés depuis plusieurs années, inquiets d’être expulsés vers leur pays d’origine.
«Avant, je leur aurais dit que leur statut ne pouvait pas être annulé. Maintenant, c’est possible, dit M. Goldberg. C’est très radical, je ne comprends pas pourquoi le gouvernement fait ça.»
Depuis sa réélection, le gouvernement conservateur a entrepris une refonte du système d’immigration. Le gouvernement avait déjà annoncé la mise en détention pendant un an des demandeurs d’asile arrivés de façon «irrégulière», afin de s’attaquer aux passeurs.
Avec le projet de loi C-31, présenté il y a deux semaines, il espère sévir contre les demandeurs qui abusent de la générosité du Canada. Ainsi, les demandes d’asile seront traitées en 45 jours et celles des ressortissants de pays jugés «sûrs» par le gouvernement seront tout simplement exclues d’office.
«Nous sommes résolus à prévenir l’utilisation abusive de notre système et nous nous engageons à veiller à ce que notre système d’octroi de l’asile soit le plus simple possible, tout en demeurant juste», a dit le ministre Kenney lors de la présentation de son projet.
Plusieurs mesures prévues par le gouvernement étaient déjà connues. Mais la clause 19 a pris les observateurs de court: la révocation de la résidence permanente est déjà possible pour les réfugiés qui ont donné de faux renseignements.
«Le ministre parle de faux réfugiés, mais les personnes qui pourraient perdre leur résidence sont des réfugiés reconnus par les tribunaux canadiens», soulève M. Goldberg.
«Que ce soit pour l’impôt ou l’aide sociale, il y a toujours un certain nombre de personnes qui abusent du système. Mais la meilleure façon d’avoir un système efficace est de traiter les demandes rapidement, avec une protection procédurale. Il faut que ce soit rapide et équitable (fast and fair). Mais avec ce projet, on a rayé la partie « équitable » au profit de la partie « rapide »», déplore-t-il.
Anabelle Nicoud
La Presse
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