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Avec son front à la rwandaise et ses traits fins, Florida Uwera paraît la moitié de son âge (58 ans); mais, lorsqu’elle se met à chanter, une fine trame de rides envahit son visage, tandis que les brisures dans la voix, typiques du chant rwandais, font écho à son histoire.

Exilée au Zaïre (1960), puis au Burundi (1964), c’est loin de son pays que Florida a pris goût à la musique classique rwandaise. Elle chante depuis l’enfance, compose depuis l’âge de 14 ans, mais c’était, dit-elle, «de la musique pop, des chansons qui parlaient d’amour, de football».

Forcée de fuir le Rwanda en 1959 devant la première vague de massacres, elle se découvre une passion pour ces chants de cour qui parlent d’un pays perdu, de maisons sur des collines qu’elle ne voit plus qu’en rêve. «J’avais toujours eu beaucoup de curiosité pour ce qui se passait avant ma naissance, mais la solitude et l’exil m’ont poussée à y consacrer ma vie.» Elle n’a pas à chercher bien loin pour se constituer un répertoire: ses tantes, grands frères, son oncle Nkuranga Oswald sont dépositaires d’une grande tradition de musiciens de cour; du côté de son mari il en est de même. Il n’y a pas au Rwanda de «caste» de musiciens à proprement parler ­ il est même mal vu pour un chanteur de recevoir de l’argent ­, mais le don d’une vache, cadeau suprême, récompensait les auteurs de chansons. Le roi Yuhi Mazimpaka avait même ordonné que les poètes soient dispensés de travaux des champs: «Le produit de l’agriculture n’a qu’un temps, celui de leur talent reste à jamais.»

Aujourd’hui, dans le bruit des formations électriques et la fureur de la guerre civile, y a-t-il encore une place, si petite soit-elle, pour ces musiques murmurées, ces pincements de cithare paisibles et lents comme le tic-tac d’une horloge de campagne? «Les jeunes ne comprennent plus grand-chose à la langue poétique; pour eux, tout ça c’est de la musique des vieux», déplore Florida. Mais le groupe folklorique qu’elle a animé de 1966 à 1976 à Bujumbura lui a permis de former toute une génération de jeunes musiciens, dont Charles Kalisa qui l’accompagne à Paris.

La cithare «inanga» à 8 cordes sera jouée par Médard Namaganya, un musicien de l’ethnie twa (Pygmées du Rwanda), neveu du grand Rujindiri et petit-fils de Gicunatiro, une cithariste renommée. Florida tient en grande estime ces Batwa au talent inné qui venaient jouer à la maison de son père. Façon aussi de rappeler que, pour elle, la musique des cours royales tutsies n’est pas juste celle d’une ethnie, mais celle de tout un pays: on trouve ses interprètes dans chacun des trois groupes, hutu, tutsi et twa.

Florida interprète aussi des chants guerriers réservés traditionnellement aux hommes, et des danses rythmées par des battements de mains. Elle compose enfin ses propres poèmes, qu’elle chante à la manière traditionnelle: polyphonies qui se chevauchent et s’opposent, voix contenue ou relâchée, glissements, cassures, toute une palette d’émotions rentrées que berce le blues. On est loin des clichés d’une Afrique rythmique, et ce n’est pas un hasard: tout le cycle «Souffles d’Afrique» a pour but avoué de nous faire découvrir des traditions mélodiques du continent noir souvent négligées au profit des styles dansants.

Au même programme que Florida Uwera, nous découvrirons les trompes des Banda Linda, sortes de didgeridus centrafricains qui rappellent, avec leurs grands ensembles où chaque musicien ne joue qu’une note, les vacsines des Raras haïtiens ou certaines musiques d’Afrique australe (du 7 au 12 décembre).

Du 14 au 19 décembre, ce seront les Bamoun du Cameroun, avec leurs incroyables polyphonies de hautbois, de trompes et de sifflets, et un duo du Niger (ghaïta et flûte).

Le cycle se terminera par une incursion en Equateur, dans un village africain où l’isolement a permis de conserver intacte une tradition polyphonique étonnante, dernier vestige d’une espèce musicale en voie de disparition ­ comme d’ailleurs le reste du cycle.

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posté par rwandanews