La propagande du FPR a mordu : une certaine presse relaye l’information de Kigali selon laquelle le riche homme d’affaires rwandais Tribert Rujugiro serait le principal financier des FDRL (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda). Cette révélation a été faite par un certain Abraham Sam Bisengimana, qui vient de rentrer de son exil et qui se présente comme un ex-responsable du renseignement de ce groupe armé basé dans l’Est de la République démocratique du Congo.
Rujugiro, un des grands financiers de la guerre du FPR
Rujugiro a fait fortune au Burundi dans le secteur du tabac avant d’étendre son empire financier au niveau international. Lui et Valens Kajeguhakwa, un autre riche homme d’affaires qui a fait fortune au Rwanda dans le secteur des produits pétroliers, ont à eux seuls assuré le gros du financement de la guerre du FPR contre le Rwanda.
A la prise du pouvoir par les hommes de Paul Kagame en juillet 1994, des dissensions apparaissent déjà dues au partage du butin de guerre. En effet, quand la capitale Kigali est tombée aux mains du FPR, Paul Kagame a fait encercler la ville. Il a formé des équipes de pillards qui ont dévalisé tous les entrepôts de grands magasins, saccagé des banques, des habitations privées,… ; les stocks furent visités et tout ce qui avait une valeur marchande fut pris. Les convois des biens pillés furent acheminés journellement à Rwagitima au Mutara, à la frontière ougandaise. Des commerçants, surtout est-africains, venaient s’approvisionner dans ce grand marché ouvert. L’argent était directement recueilli par Ben Rugangazi, un membre de la famille de Paul Kagame.
Dans les rangs de ceux qui avaient financé la guerre, ce fut l’incompréhension. C’est alors qu’ils commencèrent à chercher, eux aussi, à se servir. Valens Kajeguhakwa reprit ses anciennes sociétés de pétrole vendues aux enchères pour désintéresser le fisc. Il reprit également la BACAR, une banque dans laquelle il était le principal actionnaire. Mais il se vit sévèrement vite rappelé à l’ordre et fut finalement contraint à l’exil.
Tribert Rujugiro, lui, a tenu bon. Il a avancé doucement .Avec l’aval du régime, il a eu droit aux rentes de la victoire. Ses affaires ont prospéré : il a fondé une banque, il a érigé, au centre de la capitale, une galerie commerciale du nom de « Union Trade Centre », le secteur du tabac a connu des expansions non seulement dans les pays voisins mais également ailleurs comme en Afrique du Sud.
Tribert Rujugiro a été la matière grise dans la mise sur pied d’une multitude de sociétés du FPR regroupées dans le holding Tristar avec des tentacules dans le secteur bancaire, l’immobilier, l’agro-industrie. Rujugiro fut patron de la « Rwanda Investment Group » (RIG), une sorte de forum économico-financier en dehors duquel il est quasi impossible de faire des affaires au Rwanda (à l’instar du Forum des partis politiques sous la coupole du FPR et en dehors duquel il est impossible de faire de la politique). En décembre 2005, Rujugiro a été parmi les douze commissaires du Comité exécutif national du FPR en charge des Finances.
Motif réel de la discorde : la cupidité au sommet de l’Etat
En plein dans les arcanes financières du FPR, et étant lui-même homme d’affaires, il ne pouvait y avoir que conflit d’intérêt. La rupture avec le FPR ne pouvait que suivre.
Son cas n’est d’ailleurs pas isolé : si le col Patrick Karegeya a été emprisonné officiellement pour insubordination, il lui a été également reproché de ne pas avoir déclaré toute sa fortune chez l’Ombudsman comme le prévoit la loi. Or, il suffit de se souvenir que l’homme gérait lui aussi le Congo Desk, une nébuleuse structure chargée de brasser des millions de dollars tirés des biens pillés en RDC entre 1998 et 2003.
Sur le même registre, il y a lieu de mentionner le cas de Kalisa, patron de la BCDI, une banque contrôlée par le FPR. Il a fait la prison pendant quelques années avant de demander pardon et d’être élargi. Il avait dû prendre des initiatives financières qui n’ont pas plu aux hauts responsables du FPR.
La liste peut s’allonger : Gerarld Gahima ne s’est-il pas exilé suite notamment aux affaires de gros sous ?
Le soutien au terrorisme : un raccourci facile pour se débarrasser des opposants politiques
A son arrivée au Rwanda, Victoire Ingabire a été reprochée de négationnisme, d’idéologie génocidaire, de divisionnisme, bref de tous les termes vagues que le régime sort pour faire condamner ses contradicteurs. Cela n’a pas tenu. Le fait que la lutte contre le terrorisme est en vogue et que les USA ont mis les FDRL sur la liste des groupes terroristes, le FPR a exploité à fond cette manne. Il a trouvé un soi-disant ex-officier des FDRL pour lui faire dire que Victoire Ingabire collabore avec ce groupe armé.
Le même scénario a été appliqué à la « bande des 4 » que sont le général Kayumba Nyamwasa, ex-chef d’Etat-major de l’armée du FPR, le colonel Karegeya, ex-chef des services des renseignements, Gerald Gahima, ex-procureur général et de Théogène Rudasingwa, ex-directeur de cabinet du président Paul Kagame. Une fois qu’ils ont eu des démêlés avec le président Paul Kagame et qu’ils se sont exilés, il leur a été reproché de collaborer avec les FDRL. Un procès leur a été intenté pour atteinte à la sécurité du pays et ils ont été condamnés, par contumace, à de lourdes peines.
Tribert Rujugiro, qui hier était dans les faveurs du régime, faisant prospérer les affaires du FPR, sans oublier les siennes, est reproché aujourd’hui de collaborer avec la bande des 4 et de soutenir financièrement les FDRL.
Jean-Charles Murego
23/02/2011