Les Afro-antillais ont été refroidis par l’hommage présidentiel français au colonialiste Jules Ferry. Premier faux pas? Texte et dessin de Damien Glez
En Afrique, La sémiologie n’est pas seulement une science. C’est une seconde nature. L’étude des signes y est permanente et rien ne paraît ni anodin ni gratuit. Tout a un sens, y compris l’éternuement d’un enfant qui vient corroborer la déclaration d’un adulte. Qui est assez naïf pour croire qu’on éternue parce que les poils du nez l’ont suggéré aux neurones sensitifs qui ont instruit le diaphragme?
Décharge électrostatique disruptive
De la narine au ciel, qui est assez naïf pour croire que la foudre est une décharge électrostatique disruptive résultant d’une accumulation d’électricité statique? Si le Falcon 7X du frais émoulu président français Hollande a été frappé par la foudre, ce 15 mai, sur la route de Berlin, il y a certainement une raison plus crédible.
Sur le continent noir, la foudre est réputée téléporter les plus compétents des sorciers. En croisant François Hollande, un thaumaturge a-t-il voulu lui envoyer un signal?
Cet éclair était-il un “missile” mystique dirigé par un marabout, sur ordre d’un Nicolas Sarkozy dépité? Etait-ce le spectre du fondateur de la Ve République, le général de Gaulle, qui bizutait ainsi le nouveau locataire de l’Elysée?
Croyance pour superstition, le passager présidentiel était convaincu que la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit. Il s’est posé à Villacoublay, avant de repartir à bord d’un autre Falcon.
Et si l’ordonnateur de ce tonnerre intempestif n’était autre que Dieu lui-même, maître incontesté des orages, qui envoyait un message au nouvel élu? Une sorte de rappel à l’ordre du divin himself, après de premiers actes présidentiels bien déroutants pour le commun des Africains.
En Afrique, on raccompagne ses visiteurs jusqu’au “grand dehors”, c’est-à-dire jusqu’à la rue. François Hollande, lui, n’a même pas attendu que le véhicule de Nicolas Sarkozy dépasse le portail du palais présidentiel, ce jour-là, à 10h40, au moment où le président sortant devenait simple invité de l’Élysée.
Le nouveau locataire, glacial sur le perron, est-il déjà aussi hautain qu’il prétend être normal? Le goguenard s’est-il “mitterrandisé” au point d’en adopter la morgue? Pourquoi tirer sur une “ambulance” qui n’a plus que les footings pour calmer ses nerfs?
Mais passons…
La classe politique africaine, sans cesse invitée à la probité absolue par les bailleurs du nord, ne comprend pas que soit nommé Premier ministre français un maire condamné, en 1997, à six mois de prison avec sursis et 30000 francs français d’amende, pour des faits de favoritisme.
Mais «chut!», la sentence a été effacée de son casier judiciaire depuis décembre 2007, conformément à ce que prévoit le code pénal pour toute personne qui, dans les dix ans, n’a subi aucune nouvelle condamnation. Cela vaut réhabilitation et interdit à quiconque d’en parler…
Passons donc.
Mais il y a plus déroutant.
Quelques heures après la passation de pouvoir à l’Elysée, c’est la mémoire de Jules Ferry que François Hollande a voulu honorer. En rendant hommage au fondateur de l’école républicaine, le président investi tétait ainsi le petit lait de son état de grâce à ses deux mamelles favorites: la laïcité et l’éducation.
Mais Jules Ferry, c’est aussi le partisan actif de l’expansion coloniale, celui qui obtint le protectorat français en Tunisie, celui qui soutint la conquête du Congo via l’explorateur Pierre Savorgnan de Brazza, celui qui déclara, le 28 juillet 1885, que «les races supérieures ont un droit sur les races inférieures»; et un devoir de civilisation, si besoin par la baïonnette.
Face au souvenir desdites baïonnettes, le choix de François Hollande -même tempéré par la condamnation de la «faute morale et politique» de Jules Ferry- a provoqué une levée de boucliers.
Parmi les indignés du jour, la journaliste Audrey Pulvar, tout à la fois fille de l’indépendantiste martiniquais Marc Pulvar et compagne du socialiste Arnaud Montebourg. Elle considérait le 15 mai, via Twitter, que cet hommage à Jules Ferry était le «discours de Dakar» du nouveau chef de l’Etat, en référence aux déclarations jugées “afrophobes” de Nicolas Sarkozy, au début de son mandat.
Remonter l’histoire de France
Peut-être François Hollande aurait-il été mieux inspiré de remonter l’histoire de France jusqu’à Charlemagne, le roi des Francs et des Lombards à qui la mémoire populaire prête l’invention de l’école, même si l’enseignement est aussi ancien que l’écriture…
Comme l’avion de François Hollande, les Antilles et l’Afrique ont eu un coup de foudre, pendant la campagne électorale du candidat du parti socialiste. La première polémique du nouveau quinquennat n’a-t-elle pas été suscitée par la présence de drapeaux africains sur la place de la Bastille, le soir de l’élection?
Mais l’idolâtrie pourrait être éphémère et François Hollande perdre de sa superbe, avant même de fouler le sol africain. L’Afrique a-t-elle quelque chose à attendre du nouveau président français? Certainement pas une mission civilisatrice…
Damien Glez
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Posté par rwandaises.com