Créd its ph oto : JEAN MARC BOUJOU/ASSOCIATED PRESS
Un document de l’ONU daté de 1994 révèle que des missiles sol-air se trouvaient dans les arsenaux de l’armée rwandaise avant le génocide.
Le dossier rwandais rebondit une fois encore. Les investigations sur le mystère entourant l’assassinat du président rwandais Juvénal Habyarimana en 1994, considéré comme le déclencheur du génocide, s’est enrichi d’une nouvelle pièce: un document de l’ONU, datant de 1994, indiquant que l’armée rwandaise était en possession de 15 Mistral, des missiles sol-air de fabrication française, et de missiles soviétiques de type SA-7, avant l’attentat.
Cette liste, dont l’existence a été révélée par le quotidien Libération, a été remise aux juges Marc Trévidic et Nathalie Poux qui enquêtent en France sur les conditions de la mort du chef de l’État rwandais.
Le juge Bruguière contredit
En janvier dernier, ces magistrats avaient rendu public une série d’expertises qui éclairaient d’un jour nouveau les conditions de l’attaque contre l’avion de Habyarimana dans la nuit du 6 avril 1994. Selon leur rapport, le missile qui a touché sous l’aile gauche le Falcon présidentiel a été tiré depuis le camp militaire de Kanombé, alors aux mains des Forces armées rwandaises (FAR), loyalistes.
Dès lors, le meurtre ne pourrait être imputé qu’à des militaires hutus proches de l’Akazu, le parti extrémiste à l’origine du génocide. Ces conclusions étayées entraient en contradiction totale avec celles d’une autre enquête française dirigée quelques années plus tôt par le juge Jean-Louis Bruguière. Dans son travail très controversé, ce magistrat, s’appuyant sur des pièces que l’on sait aujourd’hui biaisées, avait affirmé que la responsabilité de l’attentat incombait sans doute aux rebelles tutsis, et mis en examen des officiels rwandais.
Pour leur défense, les militaires des FAR avançaient notamment qu’ils ne possédaient pas à l’époque de missiles sol-air dans leurs arsenaux. Le document de l’ONU semble démontrer le contraire.
Questions gênantes
Certes la liste, découverte par une journaliste britannique dans les archives de l’ONU, ne permet pas de confirmer définitivement – et, encore moins, de contredire – la thèse des juges Trévidic et Poux. Mais c’est un élément intéressant de plus qui s’ajoute à leur dossier.
Sa mise au jour soulève cependant des questions gênantes. D’abord pour l’ONU: pourquoi un document aussi important, rédigé le jour même de l’attentat, n’est-il sorti que de dix-huit ans plus tard – et encore, par hasard?
Ensuite – et surtout – pour la France. Comment des missiles Mistal ont-ils pu arriver au Rwanda alors qu’ils étaient en ce temps interdits de vente à l’étranger? Comment pouvait-on l’ignorer à Paris? Et, dans ce cas, pourquoi n’en avoir rien dit?
Aucun gouvernement français depuis lors n’a en effet évoqué cette possibilité. Les responsables, comme Hubert Védrine, secrétaire général de l’Elysée en 1994, ont toujours dit que l’arme ayant servi à tirer sur l’avion d’Habyarimana était de fabrication soviétique. «Je n’ai aucune information particulière sur les armes qu’il y avait alors au Rwanda. Quand j’évoquais ce sujet, je ne faisais référence qu’aux rapports sur cette question», affirme aujourd’hui Hubert Védrine.
Des rapports, comme celui de l’ex-capitaine Barril, présent au Rwanda juste après le génocide, et qui assurait que le missile incriminé était de type soviétique mais sans jamais parler de la piste de Mistral.
Collaboration française
La présence de ces derniers avait cependant fait l’objet de nombreuses rumeurs et avait même été évoquées dans un SAS et, plus sérieusement, dès 1997 par Alisson Des Forges, une spécialiste de l’ONG Human rights Watch (HRW). Elle avait été entendue par la Mission d’information parlementaire française sur le Rwanda en 1998. «Elle n’apportait aucune preuve de ses dires», se souvient aujourd’hui Paul Quilès, le président le Mission parlementaire, qui rappelle la publication dans son rapport de la liste de toutes les armes françaises livrées au Rwanda, y compris des livraisons illégales. Paul Quilès «s’étonne de la sortie d’un nouveau document». «On a n’a pas son origine ni ce qu’il contient exactement. Il faut faire attention avant de tirer des conclusions».
Rien ne prouve en effet qu’un Mistral ait été utilisé contre l’avion d’Habyarimana de loin s’en faut. Reste que la révélation de la possession de ces missiles par les Rwandais met en évidence, une fois de plus les nombreuses inconnues qui entourent la collaboration entre les FAR et leurs homologues français dans les années précédant le génocide.
Pour Hubert Védrine, le nouveau document, tout comme l’enquête des juges Trévédic et Poux, ne change pas grand-chose: «Si cela doit conduire à soupçonner des Hutus dans l’attentat ,cela n’implique pas la France, au contraire. Cela montre de la politique d’Habyarimana, soutenue par la France, gênait les extrémistes».
Pour Bernard Maingain, un avocat des officiels rwandais mis en cause, la brusque mis au jour de cette liste conduit au contraire à s’interroger sur «l’enfumage constant» l’enquête sur les origines sur le plus grand crime de la fin du XXe siècle.
http://www.lefigaro.fr/international/2012/06/01/01003-20120601ARTFIG00492-rwanda-ces-missiles-francais-qui-sement-le-trouble.php
Posté par rwandaises.com