Il y a dix-neuf ans jour pour jour, le Rwanda sombrait dans l’horreur. Près de deux décennies après le génocide de 1994, des Rwandais suspectés d’avoir trempé dans les tueries sont toujours en liberté, y compris en Belgique. Mais la justice avance.
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Les enquêtes sur les suspects du génocide rwandais qui se cachent en Europe prennent souvent de longues années. Mais elles ne pataugent pas. Depuis le début 2013, les résultats tombent. A Oslo, Sadi Bugingo (47 ans) a été condamné à 21 ans de prison pour complicité dans le massacre d’un millier de Tutsi. Aux Pays-Bas, la Néerlandaise d’origine rwandaise Yvonne Basebya (66 ans) a écopé de six ans pour incitation au génocide. Un premier procès est annoncé en Suède en mai, celui de Stanislas Mbanenande. Il est notamment accusé d’avoir participé à un massacre dans le stade de Kibuye, où s’étaient réfugiés des milliers de Tutsi.
Les familles des victimes sont soulagées, et pleinement reconnaissantes aussi : « A la veille des commémorations du 6 avril 1994 (date du début du génocide), cela nous redonne le moral de voir cette justice en Europe qui participe à la mémoire de nos morts », témoigne, émue, Bernadette Trachte-Mukagasana, de Bruxelles. Elle s’était rendue avec d’autres rescapés à Oslo pour assister au jugement de Sadi Bugingo, reconnu coupable d’avoir participé au massacre de membres de sa famille à Kibungo.
Même la France s’y met, alors que cette ancienne alliée du gouvernement déchu a été longtemps accusée de traîner les pieds dans ces affaires judiciaires. L’ancien membre de la garde présidentielle Pascal Simbikangwa devrait ainsi comparaître en assises en 2014, année du 20e anniversaire du génocide. Ce premier procès pourrait en annoncer d’autres.
Et en Belgique, considérée comme pionnière en la matière et qui a déjà condamné huit individus depuis 2001 ? Un cinquième procès devrait avoir lieu également en 2014. Il s’agira vraisemblablement d’un « méga-dossier » puisqu’il pourrait concerner sept rwandais, dont les cinq arrêtés en 2011 à savoir l’ex-officier Jean-Marie Vianney Ndahimana, les miliciens Emmanuel Nkunzuwimye (alias « Bomboko ») et Ernest Gakwaya (alias « Camarade »), l’ancien procureur de Butare Mathias Bushishi et l’ex-haut fonctionnaire Fabien Neretse. Tous sont été remis en liberté sous caution en 2012.
Arrêté à Angoulême, Neretse (64 ans) est notamment cité dans le meurtre de Claire Beckers, une Belge qui tenait un magasin de crèmes glacées à Kigali. Elle était mariée avec un ingénieur tutsi, Isaïe Bucyana. Alors qu’ils tentaient de fuir de leur quartier de Nyamirambo, cinq hommes armés ont déboulé aussitôt après et ont massacré Claire et sa famille. « Selon différents témoignages, il semble que Neretse soit l’instigateur du massacre dans lequel ma sœur, son mari et sa fille ont été assassinés après avoir été torturés », explique Martine Beckers au Vif/L’Express. Malgré les appels à l’aide de Claire, des militaires belges de l’ONU, présents à 500 mètres, ne sont pas intervenus.
Si la justice suit son cours en Europe, il n’en va pas de même ailleurs. Neuf suspects considérés par le tribunal pénal international sur le Rwanda comme des cerveaux du génocide sont toujours en fuite, notamment en Afrique, et recherchés par Interpol. Parmi eux, Félicien Kabuga, qui a encouragé à l’extermination via la Radio Mille Collines qu’il présidait, Protais Mpriranya, qui commandait la garde présidentielle et serait aujourd’hui au Zimbabwe, ou encore Augustin Bizimana, qui était ministre de la Défense dans le gouvernement intérimaire en 1994, et à ce titre accusé d’avoir directement incité au génocide des Tutsi.
François Janne d’Othée
Posté par rwandaises.com