EGAM (European Grassroots Antiracist Movement), cette association de Jeunesses Européennes, proteste elle aussi avec la dernière énergie sur le caractère insultant du documentaire de la BBC ’Rwanda ; Untold Story’ sur une version de commande du négationnisme du génocide des Tutsi du Rwanda de 1994. EGAM comme tout autre groupe ou individu de bonne volonté ne peut pas comprendre l’ignominie, l’inhumanité d’un tel documentaire.
On peut poursuivre ses objectifs politiques et intérêts égoistes mais ne jamais provoquer la réédition d’un cataclysme social autant qu’il est survenu en 1994. Ci après le texte :

Note de l’édition

« Ibuka ! Ibuka ! Ntukibagirwe n’agato… » « Souviens toi ! Souviens toi ! N’oublie pas l’espace d’un instant… » ; telles sont les paroles du chant du souvenir des rescapés du génocide des Tutsi s’envolent dans l’air sec et boisé d’une colline de Bisesero. En ce mois de juin 2014, c’est le jour de la vingtième commémoration du massacre.

Une immense foule s’est silencieusement réunie pour l’occasion, parfois sous l’ombre des grands arbres, parfois sous le soleil de plomb, sur des chaises en plastique ou, plus souvent, à même le sol. Vêtus de simples habits de paysans ou de belles tenues réservées aux grandes occasions, tous ont l’élégance particulière que procure la dignité.

Sous l’impassibilité des visages, une émotion contenue.

De jeunes Français et leurs camarades Européens et Rwandais sont venus se joindre avec humilité à la cérémonie d’inhumation de quelques corps que l’on va, vingt ans après, enfin enterrer. Debout à côté des cercueils fleuris, ces jeunes chantent, en kinyarwanda, pour enjoindre à la mémoire. La foule les écoute respectueusement. Par pudeur, par respect témoigné aux étrangers, personne en son sein n’ose exprimer son incrédulité. Et pourtant…
Tout ceci est-il bien réel ?

« …Ya minsi y’amarira, Amajoro y’amaganya… » « …Les jours de larmes, Les nuits de détresse… »

« Les Français » sont donc de retour, cette fois-ci pour commémorer le génocide et rendre hommage aux quelques cinquante mille victimes tombées ici-même en 1994.

Il y a vingt ans, ils étaient là, « les Français », avec leurs uniformes et leurs armes de combat. Alertés par des religieuses, ils étaient allés chercher les Tutsi cachés sur les hautes collines de Bisesero. Ils avaient trouvé des jeunes hommes à l’allure de vieillards, en haillons, affamés, blessés, terrorisés.

Ces survivants leur avaient dit les massacres, la peur, la mort qui menaçait à chaque instant sous les traits des miliciens qui encerclaient la colline et qui l’attaquaient régulièrement. Les soldats français avaient rencontré en chemin les génocidaires qui les avaient accueillis en amis, en alliés, et qui leur avaient raconté avec fierté leurs plus atroces exactions.

Devant cette situation d’urgence vitale absolue, ces soldats, envoyés par la France dans le cadre de l’opération Turquoise présentée comme humanitaire par le Président de la République et le gouvernement, avaient obéi aux ordres : ils avaient abandonné les rescapés à une mort devenue alors inévitable. Les ordres, en effet, n’étaient pas de leur sauver la vie mais de couvrir la retraite des alliés de la France, les génocidaires.

En ce mois de juin 2014, les jeunes Français et leurs amis Européens participent à l’enterrement des corps de certains de ces rescapés d’alors. Ils rendent aussi hommage aux quelques soldats qui avaient désobéi pour revenir à Bisesero et sauver des Tutsi promis à une mort certaine.

« …Ya mivu y’amaraso, Ubwo abacu bashiraga… » « …Les torrents de sang, Quand les nôtres furent exterminés… »

Acte de réparation symbolique. Le moment est historique, le geste, fondateur. Il est de ceux qui tracent des perspectives radicalement nouvelles pour des sociétés entières. En parlant le même langage, celui de la dignité, en faisant vivre les mêmes valeurs, celles des droits de l’homme, en partageant la même exigence vis-à-vis de la vérité, la jeunesse du Rwanda, de France et d’Europe montre comment il est possible pour les sociétés concernées de se projeter ensemble vers l’avenir, malgré un héritage historique si lourd qu’il pourrait en être paralysant.

La réalisation de cet espoir, la construction de ce « Imbereheza », ce « bon avenir » partagé, sont désormais possibles grâce à l’engagement de la jeunesse. La ligne de front du combat se situe en France, ce qui nous pousse à exiger, concernant le génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda en 1994, « la vérité, maintenant ! »

Cela signifie tout d’abord l’énonciation de la vérité par les plus hauts dirigeants politiques français. De nombreux faits établis, incontestés, disent la profondeur de la collaboration de certains Français, alors placés au plus haut niveau de l’appareil d’Etat, avec la machine génocidaire au Rwanda avant, pendant et après le génocide. Pour se reconstruire, les rescapés ont besoin de l’énonciation de la vérité par la France, dont la voix résonne toujours de manière particulière au Rwanda, comme les rescapés de la Shoah avaient besoin du discours du Président Chirac de 1995.

C’est d’une dette éthique dont il s’agit de s’acquitter. Il ne faudrait pas imiter l’Etat turc, toujours négationniste cent ans après le génocide contre les Arméniens.
De plus, de nombreux responsables, Français et Rwandais, vivent en France comme de nombreux criminels de guerre et criminels contre l’humanité dans les pays de l’ex-Yougoslavie, c’est-à-dire en toute impunité. La démocratie et l’Etat de droit en sont atteints. Nous faisons toute confiance à la justice française pour dire si les responsabilités font culpabilité, mais il est plus que temps qu’elle agisse enfin vigoureusement.

« La vérité, maintenant ! », cela signifie également l’ouverture des archives pour que les historiens puissent travailler sans entrave. Soyons clairs : il ne s’agit pas de découvrir l’histoire, car elle est déjà connue, contrairement à ce que disent certains qui font mine de reprendre à leur compte cette demande d’ouverture des archives pour tenter de décrédibiliser les travaux qui ont permis l’émergence de la vérité historique, et de gagner du temps. Il s’agit de préciser les contours de cette histoire, et de tenter de dégager une compréhension exhaustive des événements.

Cela signifie de plus la constitution d’une Commission d’enquête parlementaire, afin que les institutions françaises, notamment les organisations politiques, travaillent en profondeur sur elles-mêmes, que les agissements passés ne soient pas couverts par un silence public complice et qu’ils ne se reproduisent plus. La Belgique, où une telle Commission fut mise en place il y a dix-sept ans déjà, nous offre un exemple, certes perfectible mais tout de même éloquent, d’une société qui a su regarder son passé en face avec lucidité et courage. Les avancées de la Mission d’information parlementaire de 1998 en France ont été réelles mais trop maigres, ses effets sur la société trop faibles, et ses conséquences pour les responsables trop inexistantes pour pouvoir s’en contenter. Cette Commission d’enquête est de salubrité démocratique. Après vingt ans, il y a urgence.

« La vérité, maintenant ! » signifie aussi transmettre la mémoire de ce crime contre l’humanité qu’est le génocide contre les Tutsi, en particulier aux jeunes générations, par l’éducation formelle comme par l’éducation populaire. L’inscription plus large de l’histoire du génocide dans les programmes scolaires et l’édification de lieux de mémoire partout sur le territoire français, notamment un digne de ce nom à Paris, mais également ailleurs en Europe, permettra cette transmission qui apportera un surplus de lucidité et de vigilance aux générations actuelles et futures.

Enfin, « la vérité, maintenant ! », c’est aussi un engagement, celui que les rescapés ne soient pas seuls, celui que la France ne soit plus absente lors des commémorations officielles. Ce sont des actes, posés comme autant de gestes d’amitié entre les individus, entre les peuples. C’est pourquoi le 7 avril prochain, nous serons donc de nouveau au Rwanda pour commémorer ensemble le génocide.

Puissent les responsables concernés satisfaire ces revendications partagées comme ils se seraient tenus sur la colline boisée de Bisesero devant le visage digne, serein, apaisé, de la jeunesse du Rwanda, de France et d’Europe entonnant, unie, le chant du souvenir. Ce jour-là, il était le visage de l’avenir. « …Ibuka ! »

par Benjamin Abtan, Président du Mouvement Antiraciste Européen – EGAM, Jean de Dieu Mirindi, Coordinateur national de l’Association des Etudiants et Elèves Rescapés du Génocide – AERG (Rwanda), Laura Slimani, Présidente des Jeunes Socialistes, Laura Chatel, Secrétaire fédérale des Jeunes Ecologistes, Lucas Nédélec, Secrétaire fédéral des Jeunes Écologistes, Charles Habonimna, Président du Groupe des Anciens Etudiants Rescapés du Génocide – GAERG (Rwanda), Géraldine Guilpain, Présidente des Jeunes Radicaux de Gauche, Nordine Idir, Secrétaire général du Mouvement des Jeunes Communistes de France, Yannick Piquet, Vice-Président du Mouvement des Jeunes Socialistes belges (Belgique), Dominique Sopo, Président de SOS Racisme, Marian Mandache, Directeur Exécutif de Romani Criss (Roumanie), Sacha Reingewirtz, Président de l’Union des étudiants juifs de France, Djordje Bojovic, Porte-parole de l’Initiative de la Jeunesse pour les Droits de l’Homme (Serbie), Marcel Kabanda, Président de Ibuka-France, Levent Sensever, Porte-parole de Durde ! (« Dis non au racisme et au nationalisme ! ») (Turquie), William Martinet, Président de l’Union Nationale des Etudiants de France, Corentin Durand, Président de l’Union Nationale Lycéenne, Sonia Aïchi, Présidente de la Fédération Indépendante et Démocratique Lycéenne

http://fr.igihe.com/politique/geopolitique/jeunesses-europeennes-d-egam-contre-rwanda-untold.html

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