France Télévisions a été condamné mercredi par le tribunal de grande instance de Paris à verser 5.000 euros de dommages et intérêts au prêtre rwandais Wenceslas Munyeshyaka pour l’avoir présenté comme génocidaire dans un reportage, apprend-on jeudi.

Le reportage incriminé, intitulé « Rwanda, des prêtres accusés », a été diffusé dans le magazine « Pièces à conviction » sur France 3, le 13 avril dernier. « Malgré quelques sommaires précautions de style (…), le reportage en cause contient bien des conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité (de M. Munyeshyaka) quant aux faits pour lesquels il est mis en examen », a estimé le tribunal dans son jugement, consulté par l’AFP.

Abbé Wenceslas Munyeshyaka entre deux Casques Bleus en plein génocide des Tutsi. Il porte un colt retenu à la hanche par son son ceinturon.

Dès lors, le reportage porte atteinte au droit de M. Munyeshyaka à la présomption d’innocence, ont considéré les juges. L’ancien prêtre de l’église de la Sainte-Famille de Kigali est le premier Rwandais résidant en France contre lequel une plainte avait été déposée, en juillet 1995, pour son implication présumée dans le génocide des Tutsis.

Condamné par contumace à la perpétuité en 2006 par un tribunal rwandais, l’homme d’église a été accusé de génocide, viol, extermination, assassinat et crime contre l’humanité devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) avant d’être mis en examen pour « génocide » le 28 juillet 1995 en France.

Placé sous contrôle judiciaire, il officie aujourd’hui en Normandie, à l’église de Gisors (Eure), en attendant la fin de l’instruction de son dossier et la tenue d’un éventuel procès. Dans son jugement, le tribunal a notamment évoqué une séquence du reportage présentant des témoignages de rescapés mettant en cause le rôle du prêtre rwandais, entrecoupés de commentaires « sans qu’aucune distance ne soit prise ».

Il revient également sur une autre partie du document affirmant que M. Munyeshyaka s’est « fondu parmi les réfugiés » tutsis pour fuir le Rwanda.

Une présentation « qui signifie bien qu’il fait partie de ces criminels hutus et non des réfugiés parmi lesquels il se cache », a considéré le tribunal. Un troisième passage évoque une forme d’exfiltration dont se serait rendue complice l’église de France au bénéfice de M. Munyeshyaka, pour échapper à la justice de son pays.

« De sorte qu’il ne fait aucun doute (selon cette présentation des faits supposés) qu’il est bien un responsable du génocide », relève le tribunal. Outre sa condamnation à des dommages et intérêts, France Télévisions devra également diffuser, en ouverture du prochain numéro de « pièces à conviction », un communiqué faisant état du jugement.

Le dossier du prêtre a été confié par le TPIR à la justice française fin 2007.
Selon un récent rapport de suivi du Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI), l’information judiciaire ouverte contre M.Munyeshyaka se trouve dans sa phase terminale.

La France et le Rwanda sont les deux seuls pays auxquels le TPIR, qui doit fermer ses portes en décembre, a confié certains dossiers dans le cadre de sa stratégie de fin de mandat.

Cet article est publié pour la première fois le 27 novembre 2014 par l’Agence Hirondelle


Publié le 12-12-2014 –  par IGIHE

Posté par rwandaises.com