Ce lundi 9 mars 2015, la Cour d’Appel de Paris examinera le dossier concernant l’action intentée par la Communauté Rwandaise de France suite à la diffusion par la chaîne française CANAL PLUS, le 20 décembre 2013, d’un sketch supposé être comique intitulé « Rendez-vous en parenthèse inattendue ». Ce sketch avait pour toile de fond le génocide perpétré contre les tutsi. Son prétendu effet comique se fonde sur le fait de tourner en dérision le génocide perpétré contre les tutsi en 1994, réduisant par là-même à néant les souffrances vécues par les personnes qui en ont été victimes, en incitant les spectateurs à en rire et à porter ainsi un jugement de valeur favorable sur les crimes commis, effaçant la réprobation morale qui, de par la loi, s’attache à ces mêmes crimes.

Maître Richard Gisagara, avocat de la Communauté Rwandaise de France

Parmi le propos tenus dans ce sketch et supposés être drôles, on attend un des acteurs qui raconte qu’au Rwanda, pour endormir les enfants, on leur chante une chanson disant :

« Dors mon enfant car les autres sont morts. Maman est en haut, coupée en morceaux, Papa est en bas, il lui manque les bras »

Quant à un autre acteur il regrette qu’il y aurait trop de parents rescapés du génocide ce qui l’a empêché d’adopter le petit orphelin qu’il voulait adopter au Rwanda. Il termine ses propos en disant que le Rwanda « est mal organisé parce qu’on te dit « génocide, génocide » moi je trouve qu’il y en a encore un paquet en pleine forme ! »

La Communauté Rwandaise de France a déposé une plainte et souhaite que ces propos soient punis sur base des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 relatives à la liberté de la presse qui prévoient et punissent les infractions d’apologie de crimes contre l’humanité et d’injure publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie.

Le Ministère Public auprès de la Cour d’appel de Paris s’oppose à cette action en estimant que les victimes des crimes commis contre les tutsi ne peuvent pas se prévaloir de cette loi.

Maître Richard Gisagara, avocat de la Communauté Rwandaise de France, indique qu’il soutiendra devant la Cour que cette loi ne peut pas faire de distinction car selon la Constitution française tous les citoyens sont égaux devant la loi. Selon lui donc, la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse ne peut pas laisser de côté les citoyens français d’origine rwandaise.

Si les Juges de la Cour d’Appel de Paris devait confirmer cette thèse du Ministère Public,Maître Richard Gisagara indique qu’il entend alors leur demander de saisir le Conseil Constitutionnel afin que celui-ci se prononce sur la question de savoir si cette distinction est compatible, entre autres, avec l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, selon laquelle la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».

En effet, en droit français, la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution permet aux justiciables qui estiment qu’une loi est contraire à la Constitution de demander aux juridictions saisies d’interroger le Conseil Constitutionnel sur la conformité à la Constitution d’une loi applicable à leur affaire.

Il s’agit d’une procédure qui peut être comparée à celle prévue au Rwanda par les articles 53 et suivant de la Loi Organique portant organisation, fonctionnement et compétence de la Cour Suprême qui permet aux justiciables de saisir la Cour Suprême s’ils estiment qu’une loi applicable à leur affaires est contraire à la Constitution.

Les propos de ce sketch avaient suscité émoi et indignation après sa diffusion et la Communauté Rwandaise de France avait organisé une manifestation pour les dénoncer.

Cette manifestation avait débuté au siège de Conseil Supérieur de l’Audiovisuel français à Paris et s’était terminée devant le siège de la Chaîne Canal Plus.

Le 29 janvier 2014, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel sortait un communiqué qui dénonçait ce sketch en indiquant qu’en le diffusant, Canal Plus n’avait pas respecté la loi sur l’Audiovisuel et avait manqué à ses obligations.

Malgré une pétition signée par plus de 20 mille citoyens ainsi qu’une mise en demeure que Maître Gisagara lui avait adressé, la chaîne CANAL PLUS rediffusait le sketch litigieux le 31 décembre 2013 et le 1er janvier 2014.

C’est dans ces conditions que la Communauté Rwandaise de France a déposé la plainte qui sera donc examinée ce lundi par la Cour d’Appel de Paris.

A l’issue de cette audience, la Cour d’appel de Paris va mettre sa décision en délibéré et préciser la date à laquelle elle sera rendue.

http://fr.igihe.com/tourisme/l-apologie-du-genocide-des-tutsi-devant-la.html

Posté par rwandaises.com