Entreprise de longue haleine
Ces notes racontent, mois après mois, la mainmise d’un groupe de militaires, de diplomates et de hauts fonctionnaires sur la politique menée au Rwanda dans le plus grand secret par François Mitterrand, « au nom de la France ». En notre nom à tous. Cette politique est un soutien sans failles au régime de Juvénal Habyarimana. Autrement dit, au régime génocidaire, car ce génocide n’a pas soudainement germé le 7 avril 1994 au matin dans le cerveau de quelques esprits malades. Ce projet génocidaire s’est développé sous les yeux de responsables français qui étaient aux premières loges, puisqu’ils soutenaient à bout de bras un régime indéfendable.
Un vrai génocide – et celui-ci n’y échappe pas – est une entreprise politico-militaire de longue haleine. Il commence par la définition de « l’ennemi », se poursuit avec la formation, l’entraînement et l’armement des milices interahamwe, puis le quadrillage de la population, la création de listes de cibles politiques et civiles et la mise en place de l’infâme Radio des Mille Collines appelant au meurtre.
Il continue par des manipulations de l’opinion afin de déclencher des massacres de masse. Enfin, il se conclut par une véritable « guerre sur les arrières » du front – où toute distinction entre civils et militaires s’efface –, outil de prédilection des forces spéciales lorsqu’elles ont affaire à une rébellion. Tout cela, les hommes du président Mitterrand le savaient, l’entretenaient et le stimulaient. Jour après jour.
Et pourtant, tous n’ont pas « consenti » au pire. Tous n’étaient pas d’accord avec les décisions prises dans le secret de l’Elysée. Des diplomates ont contesté cette politique. Un général, patron de la Mission militaire de coopération (MMC) et socialiste, a mis sa démission dans la balance.
« Transparence »
Des analystes de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ont tenté de promouvoir d’autres solutions, contre l’avis de leurs collègues de la Direction du renseignement militaire (DRM) et du Commandement des opérations spéciales (COS). Un ministre socialiste de la défense, Pierre Joxe, a même tenté de sonner l’alerte auprès du président Mitterrand. En vain. Tout cela est connu. Pourtant, la France ne veut toujours pas le reconnaître.
En fait, si François Hollande veut réellement faire œuvre de « transparence », il faut surtout qu’il permette l’accès aux archives de la défense, du Quai d’Orsay, de la Coopération et des services de renseignement, comme l’ont fait depuis longtemps d’autres pays comme la Belgique…
Si le chef de l’Etat veut réellement « faciliter le travail de mémoire », il faut qu’il permette aux juges d’instruction qui enquêtent sur le rôle de la France au …
Lemonde | Par Lemonde
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