De Paris à Bruxelles, tour d’horizon d’une diaspora africaine déterminée à faire entendre sa voix pour les élections à venir à Abidjan, Conakry et ailleurs. Focus sur l’opposition rwandaise qui tente de s’unir pour préparer 2017. Mais ses divisions sont profondes, et la peur omniprésente.

«Un café de la communauté rwandaise ? Non, j’évite les lieux publics. Je risquerais de m’y faire agresser ou empoisonner. Les agents de Kigali rôdent. » Comme une bonne partie des opposants rwandais en Belgique, Jean-Marie Micombero vit dans la psychose ces dernières semaines. Début août, la presse a fait ses titres sur les « escadrons de la mort » qu’aurait envoyés Kigali pour les traquer. La preuve ? La protection accordée par la Sûreté de l’État belge à Judi Rever, une journaliste canadienne très critique du régime de Paul Kagamé, lors d’un récent passage à Bruxelles.

Méfiance au RNC

En Belgique, Micombero est le principal dirigeant du Congrès national rwandais (RNC), fondé par d’anciens cadres du Front patriotique rwandais (FPR, au pouvoir) en exil. L’un d’entre eux, Patrick Karegeya, a été retrouvé mort le 1er janvier 2014 à Johannesburg. Et pourtant, Micombero se déplace sans protection de l’État belge… Ces « escadrons » font en tout cas beaucoup rire Eulade Bwitare, consultant à l’ambassade du Rwanda à Bruxelles. « C’est ridicule. Les membres du RNC se font peur tout seuls. » Il n’empêche, la méfiance reste de mise dans cette communauté éclatée.

Les gesticulations et manifestations depuis Bruxelles, cela ne sert à rien, ce qu’il faut c’est ouvrir l’espace politique au Rwanda »

Jusqu’en 1994, l’ancienne puissance coloniale accueille surtout des réfugiés tutsis. Ils ne sont que quelques milliers tout au plus, mais contribuent grandement à l’effort de guerre des rebelles du FPR face au régime hutu de Juvénal Habyarimana. Après le génocide des Tutsis et la victoire du FPR, ces réfugiés vont, pour beaucoup, rentrer au Rwanda.

En sens inverse, des rescapés, dégoûtés par le pays de leur martyre, débarquent à Bruxelles. Mais ce sont surtout des Hutus, plus ou moins proches de l’ancien régime, qui fuient à leur tour en Belgique. « Beaucoup avaient gardé des contacts dans l’administration belge du temps où ils étaient aux affaires, analyse Eulade Bwitare, à l’époque diplomate à l’ambassade. Cela a facilité leur arrivée, et la présence rwandaise a considérablement augmenté. On compte aujourd’hui entre 25 000 et 30 000 personnes. »

Une diaspora très divisée

À Bruxelles, les cafés rwandais sont le reflet des divisions de cette diaspora. Ceux réputés proches du pouvoir se situent principalement dans les étroites rues du quartier « africain » de Matonge. On s’y assoit loin des fenêtres les jours de manifestations d’opposants congolais. En 2011, un rassemblement avait dégénéré en violences contre les Rwandais et les vitrines de quatre établissements avaient volé en éclats.

Les lieux dits proches de l’ancien régime se trouvent quant à eux près des rives du canal. Des rixes y éclatent parfois, quand un « traître » qui fait des allers-retours au Rwanda ose s’y pointer… Mais ces cafés « d’extrémistes », comme les désigne Kigali, sont eux-mêmes souvent divisés entre « nordistes » et « sudistes », en fonction de la région d’origine de leur clientèle.

La présidentielle en ligne de mire

Malgré ces fractures, le RNC tente de se rassembler pour préparer la présidentielle de 2017. C’est d’ailleurs à Bruxelles que, mi-août, le mouvement a scellé une alliance avec trois partis à dominante hutue : le Pacte démocratique du peuple (PDP-Imanzi), le Parti social (PS-Imberakuri) et les Forces démocratiques unifiées (FDU-Inkingi) de Victoire Ingabire.

Cette opposante purge une peine de quinze ans de prison à Kigali pour sa collaboration supposée avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR, rébellion hutue issue de la fuite des génocidaires en 1994). « Ces accusations sont fausses, défend Jean-Marie Micombero. Mais peu importe, il faudra dialoguer avec toutes les forces pour parvenir à l’unité nationale. »

Cet attelage n’a pas convaincu Faustin Twagiramungu. L’ex-Premier ministre (de juillet 1994 à août 1995) vit en exil en Belgique depuis vingt ans, si l’on excepte une éphémère campagne présidentielle en 2003 (il avait remporté 3,62 % des suffrages). « La seule manière de faire changer les choses, c’est d’ouvrir l’espace politique au Rwanda, s’agace-t-il. Les gesticulations et manifestations depuis Bruxelles, cela ne sert à rien. »

 La seule manière de faire changer les choses, c’est d’ouvrir l’espace politique au Rwanda, s’agace-t-il. Les gesticulations et manifestations depuis Bruxelles, cela ne sert à rien. » dit Mr Twagiramungu
Et elle est plus qu’ouverte. Plus ouverte que du temps du parti unique (le MDR- Parmehutu, sous Kayibanda ou le MDR, sous Habyarimana) et de la « majorité ethnique» (sic).
Plus ouverte parce tout le peuple est mobilisé et à tous les échelons. On appelle cela la « démocratie participative », une démocratie qui se décline et s’incarne dans la tradition (IMIHIGO, UMUGANDA, UBUDEHE, UMUSHYIKIRANO, UMWIHERERO, GIRINKA, ABUNZI).
Et quoi de plus ouvert qu’un espace dans lequel « ndi* umuhutu» ou « ndi umututsi » ou « ndi umutwa » ont laissé la place à « Ndi Umunyarwanda » et fier de l’être(Agaciro) et refusant de singer le « Maître »!
Car la démocratie (« pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple ») n’est pas sortie toute armée de la tête de son père, telle Athena : chaque peuple a son « génie » et ses propres solutions démocratiques !
* « Ndi » = « je suis »
http://www.jeuneafrique.com/mag/262364/societe/a-bruxelles-la-mefiance-regne-dans-la-diaspora-rwandaise/
Posté le 22/09/2015 par rwandaises.com