Pour la presse bien-pensante occidentale, le Rwanda est une dictature et même, pour certains une parmi les pires du monde: Paul Kagame est classé dans le top 10 des «dictateurs» c’est-à-dire, selon le critère retenu par Slate.fr (avril 2015), dans le «club fermé des chefs d’Etat élus avec plus de 90% des voix»!? Sauf que si la dictature est le pouvoir d’un seul à son profit, tel n’est pas le cas au Rwanda.
« Les faits sont têtus »: 20 ans après le génocide de1994, le Rwanda est un des très rares pays à avoir atteint voire dépassé tous les 8 Objectifs du Millénaire (croissance frisant 7%; mortalité infantile en chute de 70% ; espérance de vie en hausse de 20 ans; 90 % des enfants de moins de 12 ans scolarisés; le parlement le plus féminin au monde à 64% de femmes…); World Economic Forum; 5ème contributeur des forces de maintien de la paix de l’ONU, avec plus de 5000 casques bleus ; champion des «villes propres»; zéro sac plastique…
Une telle success story, un tel «miracle» ne peut pas se faire sans l’adhésion du peuple, sans la rencontre d’un grand homme d’Etat et d’un peuple (meurtri), sans démocratie. Sauf que le modèle démocratique d’un des plus vieux Etats-Nations du continent, la démocratie participative, n’est pas monnaie courante et passe, pour les nostalgiques de la suprématie «blanche», pour une démocratie «tropicale», bananière avec un président réélu, en 2010, à 93% des suffrages enregistrés». (Slate.fr, avril 2015).
I.DE LA DEMOCRATIE
La démocratie est le «gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple». La définition d’Abraham LINCOLN a le mérite de poser le principe fondamental et de faire l’unanimité: c’est d’ailleurs la plus respectueuse de l’étymologie. Mais «ceux qui défendent un régime quel qu’il soit, le proclament démocratique et craignent de devoir cesser d’employer le mot démocratie, dès lors qu’il n’admettrait plus qu’une seule signification» nous met en garde George ORWELL, le créateur du Big Brother et auteur de La Ferme des animaux et de 1984.
Aussi, le principe universel une fois rappelé, importe-t-il de réaffirmer fermement qu’il existe plus d’une forme de démocratie ou plutôt plusieurs de «dominantes» dans les pratiques démocratiques.
En effet, si, en démocratie, le peuple possède tous les pouvoirs de gouvernement, il en délègue toujours plus ou moins une partie à des représentants et tous les systèmes sont mixtes.
Les différents systèmes démocratiques.
Selon le degré de délégation des pouvoirs, l’on peut distinguer quatre formes de démocratie.
La démocratie à dominante «directe». C’est la forme la plus fidèle aux origines et du mot et du concept.
La représentativité à Athènes, du temps de l’Agora et de l’Ecclésia, était réduite à sa plus simple expression : le principal travail des conseillers (la Boulè) était de recueillir les propositions de loi présentées par les citoyens, puis de préparer les projets de loi pour pouvoir ensuite convoquer l’Ecclésia. Quant aux magistrats, ils géraient les affaires courantes en veillant à l’application des lois.
L’applicabilité à l’échelle des grandes nations du modèle athénien est remise en cause, y compris à Athènes même dès le IVème siècle av. J.-C, à l’époque de Démosthène. De nos jours semble s’en approcher la Suisse avec ses 26 cantons pour un pays d’un plus de 40 mille km² et ses nombreuses votations populaires(près d’une vingtaine depuis 2010).
La démocratie à dominante «représentative»: le peuple possède tous les pouvoirs mais il en délègue un certain nombre à des personnes ou groupes de son choix, selon des règles définies par lui et modifiables à son gré. Elle est dite aussi «libérale».
En effet, le principe dominant et structurant est avant tout le libre choix des gouvernants par la totalité des citoyens. La primauté est donc donnée au suffrage universel, au multipartisme et à l’alternance au pouvoir des partis.
Il s’agit du modèle «occidental» devenu, avec grâce à ou à cause de la colonisation puis de la mondialisation «libérale» de l’après-guerre froide, le modèle dominant et de référence.
La démocratie à dominante «populaire». Ce pléonasme exprime la condamnation du modèle «libéral» dans lequel une minorité «bourgeoise» usurperait les pouvoirs. Le peuple possède les pouvoirs mais il les délègue tous pour une certaine période sans pouvoir les reprendre avant que cette dernière ne soit terminée c’est-à-dire, en termes marxistes, jusque à l’avènement d’une société sans «classes» (sociales).
Seuls Cuba, la Chine, le Vietnam et la Corée du Nord se réclament encore aujourd’hui de se modèle.
La démocratie à dominante «participative» ou «l’ensemble des dispositifs et des procédures qui permettent d’augmenter l’implication des citoyens _TOUS ET TOUTES _ dans la vie politique et d’accroître leur rôle dans les prises de décision » (La Toupie).
La démocratie participative met donc l’accent sur l’engagement actif de tous les citoyens et citoyennes à tous les niveaux de la gestion des affaires publiques pour l’intérêt national : ce système favorise une pleine participation de tous les citoyens au processus démocratique. Elle est «inclusive»!
Le «moins mauvais» des quatre systèmes.
Il va de soi que c’est à la démocratie de type libéral que pense Winston Churchill en déclarant: «La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous. » ou «le pire des régimes — à l’exception de tous les autres déjà essayés dans le passé». Pierre Mendès-France précise en quoi ce système peut être mauvais et même être considéré comme le pire (www.la-democratie.fr):
«La démocratie ne consiste pas à mettre épisodiquement un bulletin dans une urne, à déléguer les pouvoirs à un ou plusieurs élus puis à se désintéresser, s’abstenir, se taire pendant cinq ans. Elle est action continuelle du citoyen non seulement sur les affaires de l’Etat, mais sur celles de la région, de la commune, de la coopérative, de l’association, de la profession. […]La démocratie n’est efficace que si elle existe partout et en tout temps.»
Tout en soulignant les défaillances du modèle libéral, l’homme politique français semble faire, a contrario et en filigrane, l’éloge du modèle participatif et de son efficacité.
Et le succinct rappel typologique ci-dessus, permet d’affirmer que la démocratie participative est la moins mauvaise de toutes les quatre. En effet, en dehors du modèle grec difficile à appliquer voire inapplicable et pas seulement à l’échelle des grandes nations, le modèle participatif est celui qui permet au peuple, le plus large possible, d’exercer, le plus possible, les pouvoirs de gouvernement les plus étendus. Et cela sans attendre «le Grand soir».
Le modèle viendrait ainsi corriger les lacunes du modèle (à dominante) «représentative» : non représentation des diversités nationales, éloignement des élus de la réalité quotidienne qui engendrerait une forte tendance à la méfiance envers les hommes politiques et (donc) l’abstention.
Le Rwanda est sans doute le seul pays qui approche de cette forme de démocratie. Nous verrons surtout que si les succès socio-économiques du Pays des mille collines reconnus par tous sont associés à un leader visionnaire et charismatique, ils s’expliquent aussi par un choix politique majeur, le choix de la démocratie (à dominante) participative.
Par TWAHIRWA André

Posté le 25/10/2015 par rwandaises.com