Alain Juppé, ancien ministre français

Une « parenthèse ». C’est par ce mot lapidaire qu’Alain Juppé achevait sa brève réponse aux questions des journalistes de France culture qui l’interrogeaient le 1er avril dernier sur sa responsabilité et celle des autres politiciens français de 1990-1994 dans le génocide des batutsi du Rwanda. Une « parenthèse », donc, l’appui diplomatique et militaire de l’État français apporté au régime ayant orchestré le dernier génocide du XXe siècle ? Une parenthèse, l’opération militaro-humanitaire, « Turquoise » déclenchée par la France pour venir en aide à son allié génocidaire alors que le génocide est quasi-totalement consommé ? Une « parenthèse », ce million de victimes assassinées sur leurs collines, les églises, les hôpitaux, les écoles pour le simple fait qu’ils étaient batutsi ? Une « parenthèse », la douleur infinie des survivants à qui Alain Juppé n’exprime que du mépris?

Selon lui, « les auteurs eux-mêmes de l’action française au Rwanda, que ce soit des politiques ou militaires, ont défendu dans les médias leur action, ce qu’ils considèrent comme l’honneur de la France. On a par exemple eu Alain Juppé devant l’Assemblée nationale qui a déclaré que si c’était à refaire, il recommencerait à l’identique », fait remarquer l’interlocuteur de Sputnik.

Arcbouté sur une défense ridicule à force d’être répétée de manière incantatoire de la politique française au Rwanda entre 1990 et 1994, Alain Juppé renvoie tous ceux qui s’emploient à exiger la vérité dans le camp des « falsificateurs de l’histoire. » Curieuse conception de l’histoire pourtant qui consiste à nier les faits les mieux établis. La visite diplomatique à Matignon et à l’Élysée de deux membres éminents du gouvernement criminel de Kigali le 27 avril, en plein génocide, relève-t-elle de la « falsification historique » ? Rappelons que ce gouvernement fut formé à l’ambassade de France à Kigali. À cette époque, Alain Juppé alors ministre des Affaires étrangères ne peut ignorer la « qualité » de ses hôtes rwandais. L’un était ministre, l’autre propagandiste zélé de la haine anti-tutsi. Ils s’étaient vus refuser des visas par tous les autres pays occidentaux. Pas en France où ils furent accueillis sous les ors du palais présidentiel. Comme l’écrit avec force l’historienne Alison Des Forges, une telle visite « rendait le génocide respectable à Paris, ses partisans au Rwanda étaient encouragés. »

On pourrait multiplier les exemples des soi-disant « falsifications » dénoncées par Alain Juppé qui sont autant de vérités dont le problème n’est pas tant leur dévoilement que leur reconnaissance par des hommes politiques et des officiers français persistant dans le déni de leurs responsabilités, de leurs engagements criminels. Le déni, voilà la question tenace posée à la classe politique au pouvoir pendant le génocide.

Lire la suite :

www.huffingtonpost.fr/alain-ngirinshuti/genocide-rwanda-tutsi_b_9659962.html?utm_hp_ref=france

Posté le 11/04/2016 par rwandaises.com