Alors que la justice française rouvre le dossier de l’attentat du 6 avril 1994 afin d’entendre un opposant rwandais en exil, Kayumba Nyamwasa, Kigali menace de rompre ses relations diplomatiques avec Paris.
«Si tout recommencer doit s’apparenter à une épreuve de force, nous irons vers l’épreuve de force. » Il n’aura fallu que trois jours à Paul Kagame, après l’annonce de la réouverture par la justice française de l’instruction relative à l’attentat commis en 1994 contre l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, pour déterrer la hache de guerre.
Le 10 octobre, devant le Parlement, à l’occasion de la cérémonie d’inauguration de l’année judiciaire, le chef de l’État a clairement envisagé une nouvelle rupture diplomatique avec la France.
Une relance qui ravive les tensions
En guise de casus belli, une goutte d’eau judiciaire venue faire déborder un vase déjà empli de rancœurs anciennes. Le 7 octobre, l’AFP annonçait que les juges antiterroristes Nathalie Poux et Jean-Marc Herbaut relançaient l’instruction relative à l’attentat du 6 avril 1994, qui avait causé la mort de douze personnes (dont les présidents rwandais et burundais, ainsi que trois membres d’équipage français) et coïncidé avec le déclenchement du génocide des Tutsis.
Les magistrats français comptent en effet auditionner Kayumba Nyamwasa, 58 ans, un officier issu du premier cercle du Front patriotique rwandais (FPR, l’ex-rébellion tutsie autrefois commandée par Paul Kagame). Devenu un farouche opposant au régime de Kigali, Kayumba Nyamwasa, exilé depuis 2010 en Afrique du Sud, où il a subi une double tentative d’assassinat, promet depuis plusieurs années des révélations sur la responsabilité de Paul Kagame dans l’attentat.
Longtemps, les magistrats instructeurs ont tenté de recueillir son témoignage – en vain. L’intéressé, qui fut successivement directeur du renseignement militaire et chef d’état-major de l’armée rwandaise avant d’occuper les fonctions d’ambassadeur en Inde, est lui-même incriminé par plusieurs transfuges issus du FPR qui se sont succédé devant le juge français Jean-Louis Bruguière (alors chargé du dossier) au début des années 2000. Une position inconfortable qui lui vaut, depuis dix ans, d’être sous le coup d’un mandat d’arrêt international.