En marge du sommet de la francophonie à Tananarivo, le ministre congolais des Affaires étrangères Raymond Tshibanda nous a détaillé l’accord politique intervenu à Kinshasa et les réactions enregistrées.

La francophonie, une nouvelle fois, a insisté sur les droits de l’homme, vus dans leur globalité, droits politiques mais aussi économiques, sociaux et culturels. J’ai aussi eu l’occasion de mettre les Etats membres de l’OIF au courant de la situation qui prévaut dans mon pays et sur les perspectives d’avenir.
J’ai informé nos partenaires au sujet du dialogue qui s’est tenu et de l’accord politiques qui en a résulté et je les ai invités à l’appuyer comme le font déjà l’Union africaine, la conférence des Etats d’Afrique australe, la communauté des Etats de l’Afrique des Grands lacs, la communauté économique de l’Afrique de l’Est, bref toutes les organisations régionales qui nous soutiennent. Au plan international un principe veut que les situations de crise soient d’abord gérées par les institutions régionales et c’est seulement après, si on ne trouve pas de solution à ce niveau, que doit intervenir la communauté internationale via le Conseil de sécurité. Il n’y a pas de raison que le processus qui est en cours en RDC et qui a été appuyé par tous les Etats de la région, qui sont en prise directe avec les réalités du terrain, ne soit pas soutenu par la communauté internationale. Il n’est pas normal que certains partenaires continuent à proposer des schémas hasardeux, qui pourraient mener au chaos et à la violence dans le pays. Il y a un bon accord, responsable. L’effort est d’encourager ceux qui sont encore à l’extérieur de le rejoindre et d’y adhérer.
Dans cet accord, il n’y a pas de violation de la constitution congolaise. Nous entendons les propositions de ceux qui ne veulent pas adhérer à l’accord et le moins que l’on puisse dire est que le schéma qu’ils proposent n’ a rien à voir avec la Constitution, ils en sortent complètement. Il est temps que ceux qui veulent réellement assister le Congo disent la vérité à cette frange de la classe politique, qu’on lui fasse comprendre que ce chemin là est inacceptable. Il faut qu’ils rejoignent le reste de la communauté nationale dans la recherche de solutions qui restent conformes à notre constitution.
Dans le cas de certains de nos partenaires, nous ne sommes pas prêts à entendre des invectives, le Congo est un Etat indépendant et souverain…Nous ne sommes pas prêts à être soumis à une sorte d’inquisition alors que nous avons dit et répété dans toutes les langues que nous entendons respecter la Constitution du premier article jusqu’au dernier. Dans l’accord politique que nous avons produit il n’y a pas de violation de la Constitution congolaise.

Le Rassemblement de l’opposition estime qu’après le 19 décembre le mandat du chef de l’Etat n’étant plus valable ce dernier doit se retirer. En quoi cette position serait elle anti-constitutionnelle ?

Où, dans quel article, cette exigence figure-t-elle dans notre constitution ? Aucun de nos partenaires qui ne cessent d’appeler au respect de la constitution n’ont jamais dit à ces messieurs que là, ils étaient à côté de la plaque…Il y a des Etats qui pensent encore que la République démocratique du Congo est là pour recevoir des leçons sinon des ordres…
Si on veut aider le Congo il est temps que l’on dise la vérité à cette frange de notre classe politique…Leur chemin est une impasse…
Ceux qui gouvernent aujourd’hui la RDC sont des gens qui ont souffert dans leur chair, qui ont connu la dictature, qsui se sont battus les armes à la main pour y mettre fin et qui ont introduit la démocratie dans notre pays organisant deux fois des élections démocratiques. Ils n’ont jamais cessé de réaffirmer qu’ils allaient continuer à travailler à la consolidation de la démocratie. Ce n’est donc certainement pas à ceux là qu’il faut répéter sans cesse ce qu’ils doivent faire. Nous n’avons d’ordre à recevoir que de notre peuple…

Avez-vous réussi à faire valoir votre position dans l’enceinte de l’organisation internationale de la francophonie ?

Certainement. La déclaration de l’OIF est constructive et encourage nos efforts, elle est responsable et nous respecte. L’OIF est déjà engagée à nos côtés. Elle nous a aidés à réaliser l’audit du fichier électoral, à engager des spécialistes en questions électorales qui nous ont aidés durant le dialogue. En matière électorale comme de réforme du secteur de la sécurité, l’OIF est un partenaire de longue date et nous allons poursuivre notre coopération.

Avez-vous eu des entretiens bilatéraux avec MM. Rudy Demotte ou Reynders ?

Non, cela ne s’est pas fait, il y avait déjà eu de échanges entre nos délégations lors des réunions préparatoires du sommet et il n’y avait peut-être plus rien à discuter, de part et d’autre les choses avaient été dites clairement.

Les relations entre la Belgique et le Congo ne sont donc pas troublées ?

Elles ne sont pas troublées, mais il est clair que nous nous sommes entendus voici quelques années sur le fait que ces relations seraient basées sur des principes qui ont été rendus publics dans une déclaration conjointe. Aussi longtemps que l’on reste dans les limites de ce communiqué, il n’y aura jamais de problème, c’est ce que tout le monde souhaite. Ces principes ont été également signifiés à nos interlocuteurs français auxquels j’ai eu l’occasion d’expliquer la position de la RDC.
Lorsqu’il a été question de la paix et de la sécurité en Afrique pendant le sommet, la position de la RDC a été évoquée et nous avons pu donner notre point de vue.
Il faut comprendre une chose : même s’il y a des différends, qui peuvent même être assez forts, au sein de la classe politique congolaise, vouloir accréditer la crise selon laquelle le Congo est au bord d’une crise politique sévère et même serait au bord de l’implosion, c’est une prophétie autoréalisatrice, qui sert à valider certains schémas…
Nous connaissons notre pays et nous savons que le dialogue est la seule voie responsable pour régler des différends politiques mais dire que notre pays serait au bord de l’implosion, c’est à la fois faux et dangereux…On joue avec le feu…Il faut cesser de tenir de tels discours, c’est dangereux, le pays reste fragile…Il n’y a pas seulement ingérence, il y a instrumentalisation planifiée de certaines fixations, de certaines frustrations qui sont normales dans des pays jeunes où l’on n’a pas encore répondu à apporter une réponse à tous les besoins de la population, à toutes les insatisfactions..

Faites vous allusion aux revendications de la jeunesse ?

Il est vrai que nous n’avons pas encore su répondre à toutes les revendications en matière d’emploi mais même des économies développées connaissent le même problème. Il y a une stratégie d’instrumentalisation de ces réalités pour tenter de provoquer un changement par des voies qui ne sont pas constitutionnelles. C’est là jouer avec le feu parce qu’on a vu ce qui s’est réalisé ailleurs et où cela a pu mener…Nous refusons d’offrir cela comme avenir azu peuple congolais…

Un « printemps congolais » n’ est donc pas envisageable ?

Non, nous n’avons pas besoin de cela…Notre printemps, nous l’avons déjà eu et aujourd’hui nous sommes engagés dans la consolidation de tous nos acquis, sur le plan sécuritaire, politique, économique. Je le dis, je le signe : dans notre région, pour ne pas dire sur le continent, il y a très peu d’expériences aussi avancées que nous en matière de démocratie et de progrès économique. Il faut qu’on arrête de vouloir nous dépeindre comme si nous étions les derniers de la classe, alors que c’est l’inverse. A la limite, il est plus facile de gérer une dictature, car là personne ne parle et vous avez une certaine tranquillité,on dit de vos dirigeants « eux au moins savent tenir leur pays… Quand vous avez une démocratie, c’est beaucoup plus complexe mais tel est le choix que nous avons fait…Quand nous entendons des gens qui expriment avec véhémence dans les rues de Kinshasa il ne faut pas que l’on s’en émeuve outre mesure, que l’on crie au chaos…Que se passe-t-il dans les grandes cités américaines ? Là aussi on a cassé…
Chez nous on assiste à un processus complexe, qui prend du temps mais qui est la construction d’une démocratie…Si au sein de la francophonie on milite pour la diversité, il faut aussi accepter qu’il n’y a pas de modèle unique…Quant au calendrier, les experts reconnaissent qu’avant le 31 juillet 2017 il n’y aura pas moyen de terminer les opérations d’enrôlement des électeurs et les élections pourraient avoir lieu en avril 2018. Avant cela, c’est irréaliste, aucun expert ne pense que c’est faisable…

Propos recueillis à Tananarivo

http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/

Posté le 04/12/2016 par rwandaises.com