Génocide au Rwanda : Hubert Védrine répond à Patrick de Saint-Exupéry
Des photographies de victimes exposées au Genocide Memorial Center de Kigali, au Rwanda. (Ben Curtis/AP/SIPA)

Accusé par la « Revue XXI » d’avoir indirectement participé au génocide perpétré contre les Batutsi en 1994, Hubert Védrine nous a fait parvenir sa réponse.

« Une défaite de l’humanité ». Résumé en ces mots par l’historien Raul Hilberg à la fin de « la Destruction des Juifs d’Europe », le génocide rwandais, qui a fait près de 800.000 morts entre avril et juillet 1994, pourrait bien être en partie une défaite des valeurs morales de la France. C’est du moins ce qu’affirme Patrick de Saint-Exupéry, co-fondateur de la « Revue XXI », dans le dernier numéro du trimestriel intitulé : « Nos crimes en Afrique » et publié le 28 juin.

L’enquête se penche sur le rôle de la France entre le 21 juin et le 22 août 1994. Dans ce laps de temps, soit un mois après la reconnaissance du génocide par le Haut Commissaire des Nations Unies et le vote d’un embargo sur les ventes d’armes au Rwanda, l’Etat français aurait ordonné « le réarmement des génocidaires Hutus », alors en déroute et désarmés dans le sud du pays. L’opération « Turquoise », qui déploie, à partir du 21 juin, 2.500 soldats français à la frontière entre le Rwanda et l’actuelle République démocratique du Congo pour « mettre fin aux massacres », serait donc au contraire venue en aide aux assassins. Et face aux réticences du corps expéditionnaire français, c’est Hubert Védrine en personne, alors secrétaire général de l’Elysée, qui aurait fait appliquer l’ordre.

Les archives, toujours classifiées, sont muettes. Patrick de Saint-Exupéry, qui se consacre à la question depuis sa couverture du génocide en 1994, déploie pourtant de nouveaux arguments. Un haut-fonctionnaire, chargé de relire les annales des années 1990-1994, lui aurait appris l’existence d’un mémorandum annoté de la main d’Hubert Védrine. Dans son ajout manuscrit, Hubert Védrine aurait ordonné aux soldats de « s’en tenir aux directives fixées ». Donc de réarmer les génocidaires.

Dépourvu du document, ne citant pas le nom de ce haut-fonctionnaire, Patrick de Saint-Exupéry admet cependant n’avoir pas de preuves. Quant à Hubert Védrine, actuel président de l’Institut François Mitterrand, il a certes reconnu en avril 2014, devant la commission de la Défense nationale de l’Assemblée, la poursuite des livraisons d’armes pendant le massacre, mais nie toute responsabilité dans cette affaire.

Comme de nombreux médias, nous nous sommes fait l’écho de l’enquête publiée par « XXI ». Nous publions aujourd’hui la réponse d’Hubert Védrine, articulée autour de quatre points.

 

1. Hubert Védrine dément en bloc les allégations et les accusations, fondées sur des spéculations, relancées « sans preuve » selon ses propres termes, par Patrick de Saint-Exupery, dans son article du dernier numéro de sa « Revue XXI ».

2. Ces accusations répétées contre l’action de la France au Rwanda, notamment pendant l’opération « Turquoise », autorisée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, ont été maintes fois démenties avec précision par les autorités gouvernementales, parlementaires et militaires françaises. La France a été le seul pays à mesurer, dès 1990, les risques de guerre civile et de massacres au Rwanda ; le seul à s’engager pour trouver un compromis politique par les accords d’Arusha en 1993 ; le seul à avoir agi pour porter secours aux populations pendant le génocide par l’opération « Turquoise », du 22 juin au 22 juillet 1994 qui a permis de sauver des dizaines de milliers de Tutsis.

3. On ne peut pas ne pas s’interroger sur les motifs de cette énième campagne d’accusation contre des responsables français. En effet, il est de notoriété publique que les dirigeants du Rwanda ne décolèrent pas contre les autorités judiciaires françaises dont elles attendent un non-lieu, qui ne semble pas à l’ordre du jour, et qui dégagerait leur responsabilité dans l’instruction menée pour déterminer les responsables de l’attentat du 6 avril 1994 qui a coûté la vie aux présidents du Rwanda et du Burundi, et déclenché le génocide.

4. On ne peut que regretter que beaucoup de médias aient répercuté sans aucun recul ni éléments de preuves des accusations aussi graves sans jamais rappeler les démentis les plus officiels, ni que Patrick de Saint-Exupery a déjà été définitivement condamné en justice en 2015 pour des accusations similaires.

Nous prenons acte de la défense d’Hubert Védrine, dans l’attente que la déclassification des archives jette toute la lumière sur cette affaire.

Emile Boutelier

 Emile Boutelier 
 http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20170721.OBS2427/genocide-au-rwanda-hubert-vedrine-repond-a-patrick-de-saint-exupery.html?xtref=https%3A%2F%2Fwww.facebook.com%2F#https://www.facebook.com/
Posté le 22/07/2013 par rwandaises.com