Le président de l’ONG Urgences Panafricanistes, Kemi Seba, a été placé sous mandat de dépôt vendredi soir, à la prison centrale de Rebeuss, au terme d’une journée de garde à vue devant les enquêteurs de la Division des investigations criminelles (DIC). Il lui est reproché d’avoir brûlé un billet de 5 000 Fcfa lors d’un rassemblement, le 19 août à Dakar.
Incarcéré à la prison de Rebeuss, à Dakar, comme un autre membre (sénégalais) d’Urgences panafricanistes, le Franco-Béninois Kemi Seba doit comparaître mardi 29 août devant le tribunal des flagrants délits. « Nous sommes en train de constituer un pool d’avocats. Nous organiserons une conférence de presse et des mobilisations à Dakar à la veille du procès », indique à Jeune Afrique le coordinateur stratégique de l’ONG, Hery Djehuty. Lors de sa garde à vue, Kemi Seba était assisté par Me El Hadji Diouf, l’un des principaux ténors du barreau sénégalais.
Celui qui ce définit sur sa page Facebook comme « résistant africain » et « penseur panafricaniste » avait été interpellé à son domicile dakarois, vendredi 25 août au matin. Cette procédure fait suite à un rassemblement « contre la Françafrique » organisé par son ONG le 19 août sur la place de l’Obélisque, à Dakar, au cours duquel Kemi Seba avait publiquement brûlé un billet de 5 000 Fcfa pour dénoncer cette monnaie qu’il qualifie de « scandale économico-politique d’ordre colonial ».
Une provocation assumée, dont l’auteur connaissait les risques. Dans la nuit de jeudi à vendredi, quelques heures avant son interpellation, il avait en effet posté un message sur sa page Facebook, intitulé “Franc CFA : La BCEAO porte plainte pour le billet colonial que j’ai brûlé”, où il déclare : « Je savais qu’en effectuant cet acte purement symbolique, la BCEAO (Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest), sans doute sur commande de la Banque de France, engagerait une procédure visant à me mettre en prison. Je le savais, et je suis prêt à en payer le prix du plus profond de mon âme. »
Pour l’heure, le porte-parole de la BCEAO – que Jeune Afrique a tenté de joindre, en vain, vendredi – n’a pas confirmé que la banque était à l’origine de la plainte. Le Sénégal dispose en effet de la prérogative d’engager lui-même des poursuites, puisque l’article 411 du code pénal prévoit que « quiconque aura volontairement brûlé ou détruit, d’une manière quelconque, des registres, minutes ou actes originaux de l’autorité publique, des titres, billets, lettres de changes, effets de commerce ou de banque(…) Si les pièces détruites sont des actes de l’autorité publique ou des effets de commerce ou de banque, la peine sera d’un emprisonnement de cinq ans à dix ans ».
Ancien leader de la Tribu Ka, un groupuscule suprémaciste qui avait été dissous par le gouvernement français en 2006, et plusieurs fois condamné en France dans les années 2000, Kemi Seba réside au Sénégal depuis 2011. Après avoir officié pendant plusieurs années en tant que « polémiste » dans Le Grand Rendez-Vous, un talk Show de la 2STV, il anime depuis janvier une chronique géopolitique sur la chaîne Vox Africa, Afropertinent.
Le 18 août, interrogé par J.A, il indiquait avoir rompu les liens avec certaines personnalités sulfureuses – comme Dieudonné ou Alain Soral – et avoir réorienté son combat dans une logique plus politique que raciale. « Quand je vivais en région parisienne, je voyais mon peuple humilié, soumis à la négrophobie. J’ai été très provocateur, c’est vrai. Pour moi, c’était ‘les noirs contre le reste du monde’. Mais en voyageant et en prenant de l’âge, mon combat s’est déracialisé. Nous sommes passés d’une contestation identitaire à une contestation sociale, et même géopolitique. »
Par Charles Bouessel du Bourg et Mehdi Ba
http://www.jeuneafrique.com/468845/societe/franc-cfa-incarcere-a-dakar-pour-avoir-brule-un-billet-de-banque-lactiviste-kemi-seba-sera-juge-mardi/
Posté le 27/08/2017 par rwandaises.com