Le monde de l’Occident est celui qui est composé des pays de l’Europe et d’Amérique du Nord. Ils viennent sans doute de se réveiller avec un grand étonnement. Un chef d’Etat d’un pays pauvre, Dr john Pombe Magufuri de Tanzanie, a dit officiellement que les dames de son pays ne devraient plus pratiquer la limitation des naissances parce le taux d’accroissement ne gênait pas le développement de son pays.

En Occident, quand on parle des facteurs démographiques qui peuvent être favorables au développement, les gens sont effrayés ! Ils ont déjà la phobie d’être envahis par tous les affamés de la Terre qui viendraient par millions prendre leurs biens. Comme le disait le président Lyndon Johnson en 1965, « si la force faisait la loi, ils balaieraient les Etats-Unis et prendraient ce que nous avons. Nous avons ce qu’ils veulent » (Discours devant l’ONU en 1965). Ils ont peur de perdre leurs biens. Et l’économiste suédois Ohlin, prix des sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, ne dit pas autre chose quand il affirme « qu’en l’état actuel des choses, il est facile de montrer à quel point il est aberrant de prétendre que la densité de population, à elle seule, constitue un facteur déterminant de la prospérité économique. Quelle que soit la façon dont on la mesure, on constate que la densité est élevée ou bien faible dans les pays pauvres comme dans les nations opulentes, sans que l’on puisse déceler la moindre tendance systématique »…

Le véritable problème réside dans la rapidité excessive de l’expansion, car elle entrave le processus de modernisation, et il ne se pose pas de façon moins critique dans les pays sous-peuplés d’Afrique ou d’Amérique latine que dans les régions les plus densément peuplées d’Asie. C’était aussi dans les années 1960.

Au moment où les présidents des Etats-Unis et les chercheurs qui les appuyaient montaient au créneau, les économistes des pays concernés à l’époque, les pays de l’Amérique latine, (Raul Prebisch, Celso Furtado et André Gunder Frank spécialement), donnaient les véritables causes de ces déplacements massifs. Ils voient que les économies du monde sont divisées en deux catégories : les économies du centre (les pays développés) et celles de la périphérie (les pays pauvres). Pour Raul Prebisch (1901-1986), « les économies du centre sont caractérisées par une structure à la fois diversifiée et homogène, tandis que celles de la périphérie sont spécialisées et hétérogènes ; le sous-développement ne peut donc s’interpréter comme un retard, comme dans la vision diffusée par W. Rostov. Il résulte de cette dualité de structures et des modalités d’insertion des pays du Tiers-Monde dans le système mondial qui génèrent le double handicap des ponctions opérées sur leur revenu et des obstacles à la diffusion du progrès technique ».

Pour Celso Furtado, (1920-2004) le « développement et le sous-développement sont deux aspects d’un même processus. Il a approfondi l’analyse des relations du Brésil et des autres pays d’Amérique latine avec leur centre, les Etats-Unis. Ce sont des freinages ou des blocages dans l’accumulation » qui ont conduit les gens à vouloir entrer au Centre pour chercher quelque soulagement de leur peine ! Les paramètres démographiques n’y sont pour rien. C’est l’exploitation éhontée des pays pauvres qui ont conduit à cette situation. Dans ce sens, les paramètres démographiques incriminés ne sont que des habillages utiles pour détourner le regard des vrais problèmes qui sont à la base du mal dont souffrent les pauvres. Ils partent en masse parce qu’ils ont été appauvris

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce comportement du Centre s’est répercuté sur l’Afrique à partir de la décolonisation opérée dans les années 1960. Alors, au fur et à mesure que les affamés de la Terre frappent à la porte de l’Occident de plus en plus nombreux, la panique les envahit. Les gens bravent tout pour atteindre cet Occident qui est devenu leur rêve. Aujourd’hui, celui qui exprime cette panique est Paul Ehrlich, biologiste de formation et professeur à Sanford. France Révolution a présenté le 1er Mars 2017, à propos de l’invitation de ce Paul Ehrlich à l’Académie Pontificale des Sciences au Vatican, un message exprimant cette peur toujours aigue. « La population mondiale passera de 7,4 milliards actuellement à 11,2 milliards d’ici à 2100. L’essentiel de la croissance de la population affectera l’Afrique où les taux de fertilité restent deux fois plus élevés que la moyenne mondiale. Cette population passera probablement d’un milliard aujourd’hui à environ 4 milliards. Pouvez-vous seulement imaginer les tensions qui en résulteront, spécialement avec le changement climatique à venir et qui touchera ce continent bien plus qu’ailleurs ? Que pensez-vous qu’il arrivera lorsque les régions arides s’étendront, et que 100 millions d’Africains tenteront de traverser la Méditerranée à la nage ? C’est terrifiant ».

Voilà le discours tenu par le monde occidental ! Tout le monde est donc mis à contribution pour faire accréditer cette thèse. On peut s’opposer la question sur les raisons de cette extension de la désertification. Le président Kadhafi avait montré qu’il y a de l’eau dans ces déserts ! Ces pays devaient faire comme lui pour rayer cette désertification.

Mais en fait, c’est le même discours tenu depuis Thomas Robert Malthus. Les grands propriétaires fonciers du 18e siècle, après s’être partagé toutes les terres de l’Angleterre lors du mouvement des enclosures, ont affamés les pauvres de ce pays. Ils ont alors cherché une justification de leur action. Un parmi eux, Thomas Robert Malthus, a fait une thèse dans ce sens : Essai sur le principe de la population. En observant ces affamés qui erraient dans cette Angleterre du 18e siècle, il proclama que « seuls doivent fonder un foyer ceux qui sont sûrs d’avoir les moyens de faire subsister une famille ». Ceux qui ont analysé sa thèse affirment que Malthus pensait avoir trouvé une loi économique. C’était seulement une déclaration ex abrupto ! En réalité, il défendait la position de ses congénères ! C’est pourquoi, un autre économiste et humaniste, Karl Marx, qualifia Malthus d’homme vendu. Pour lui, « la haine des classes ouvrières contre Malthus est tout à fait justifiée. Les gens avaient raison là en sentant instinctivement qu’ils étaient confrontés non pas à un homme de science, mais à un avocat vendu, qui plaidait pour le compte de leurs ennemis, un sycophante éhonté des classes dirigeantes ». Ils erraient parce qu’ils avaient été privés par ce mouvement des enclosures des communaux qui les faisaient vivre.

Il en est de même aujourd’hui. Les gens partent parce qu’ils n’arrivent à tenir devant la pauvreté qui les tenaille. Pour la plupart d’entre eux, ils ont quitté leur outil de travail qu’est la terre et sont venus s’agglutiner dans les périphéries des villes et sont tombés dans la sous-alimentation. Quand on leur dit qu’il y a de l’espoir au Nord, ils vont vers là. C’est pourquoi ils acceptent tout pour y aller. Ils partent donc pour la plupart d’entre eux parce qu’ils ont été appauvris. Cette pauvreté provient du fait que les matières premières qui devaient donner du travail aux gens qui habitent les villes des pays pauvres sont parties dans les pays du Nord. Le même président Magufuri avait dû d’ailleurs tempêter une année avant (septembre 2017) à cause des pratiques de ramassage des produits exportés des pays pauvres. Ces pays font donc ce qu’on peut appeler l’économie de ramassage telle qu’initiée par exemple par le roi Léopold II dans sa propriété privée, l’Etat Indépendant du Congo (EIC) à la fin du 19e siècle. Ceci est encore fait aujourd’hui là-bas dans ce pays devenu entre temps la RD Congo ! On ramasse tout et la transformation se fait dans les pays riches. On l’a vu à Tenge et Fungureme dans le Katanga congolais dans les années 1980 par une société japonaise. Ce n’est pas fini. On l’a vu encore l’année dernière avec une société australienne en Tanzanie. Le président de la Tanzanie, M. John Pombe Magufuri a dû hausser le ton pour dire non à cette façon de faire.

En quoi consiste cette opération ? Ces sociétés creusent les minerais et embarquent tout (y compris les poussières) sur leurs engins pour aller faire toutes les transformations chez eux. En réalité, les pays exportateurs ne savent pas exactement ce qu’ils exportent. Le minerai exporté peut être associé à d’autres minerais souvent de grande valeur qui ne sont pas dans ce qui est déclaré et perdent alors à l’exportation. Mais aussi ils donnent peu de travail aux pays possesseurs de ces minerais. Tout le travail de transformation enrichit alors ces pays qui ont investis les capitaux et laisse peu de revenu à ceux qui fournissent les matières premières.

Maintenant, le président Magufuri affirme que le taux de croissance de la population de son pays ne pose aucun problème pour son développement. Ceci a fait que cette prise de position est à l’Une des journaux des pays riches à destination de l’Afrique. RFI (Radio France Internationale) par exemple, l’a diffusé trois jours durant dans ses journaux destinés à l’Afrique. Mais en réalité, en scrutant les statistiques des pays de l’Afrique équatoriale, on voit que dans ces pays, les facteurs démographiques (densité et taux d’accroissement de la population essentiellement) ne gênent pas leur développement. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer aux implications qu’ils peuvent avoir sur les statistiques économiques, notamment le produit intérieur brut (PIB).

Pour la densité, un rapport de l’UA (Union Africaine) de janvier 2018 vient de montrer que dans les 55 pays de l’Afrique, seuls 17 ont été jugés recevables dans l’évaluation de la déclaration de Malabo sur l’Agriculture africaine. La côte minima exigée était 3.94/10. Ils ont été côtés de la manière suivante par ordre décroissant.

En Afrique, les pays les plus densément peuplés sont par ordre d’importance les suivants : Maurice (630 habitants au km2), Rwanda (469 habitants au km2), Burundi (415 habitants au km2), Seychelles (212 habitants au km2), Malawi (192 habitants au km2), Uganda (153 habitants au km2), Togo (140 habitants au km2), Cap Vert (134 habitants au km2), Ghana (124 habitants au km2) et Ethiopie (102 habitants au km2). Alors, sur 55 pays de l’Afrique, seulement 10 dépassent 100 habitants au km2 ; soit 18%. C’est le continent le moins densément peuplé du monde. Quoi qu’il en soit, tous ces pays qui ont 100 habitants au km2 sont sur la liste de ceux qui ont satisfait à l’évaluation de la déclaration de Malabo.

Une étude menée sur l’Afrique équatoriale montre aussi que pour stabiliser la population dans les campagnes, il faut que la densité ait atteint au moins 60 habitants au km2. La Tanzanie a, à peine, atteint cette densité. Elle a 62 habitants au km2. Elle est entrée, à peine, dans cette situation de stabilisation de la population. On peut comprendre que son président cherche à stabiliser davantage la population de son pays. C’est d’ailleurs la politique qui fut adoptée par le premier président de ce pays : Mwalimu Julius K. Nyerere.

Sa politique de villagisation « ujamaa » était de concentrer les populations dans des villages qui pouvaient rentabiliser les infrastructures de base : écoles, formations sanitaires, routes. Ainsi les gens ayant ces services dans leur proximité, pouvaient rester là où ils sont et travaillent. Mais ceci exigeait des déplacements de populations pour aller habiter loin de chez eux. Il y a alors une continuité dans la philosophie de développement de ce pays : s’appuyer sur le travail de la population nationale pour organiser le développement du pays. On remarquera d’ailleurs que parmi les pays qui ont satisfait à la mise en application des normes de la déclaration de Malabo, le Tanzanie n’y est pas. Elle est parmi les pays qui sont encore dans le rouge comme le montre la carte de l’Afrique dressée à cette occasion

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En ce qui concerne le taux d’accroissement de la population qui inquiète beaucoup les pays riches, il ne gêne en rien le développement des pays pauvres. Nous allons nous appuyer sur trois pays de la région (Kenya, Rwanda, Tanzanie) qui ont, depuis plus de 20 ans, une stabilité politique, pour examiner le rôle de ce taux sur le produit national brut (PIB). Pour les malthusiens, ce sont des pays qui ont des problèmes. Paul Ehrlich va jusqu’à dire que s’il leur arrivait d’avoir une famine, il faudrait les laisser mourir de faim.

Pourtant, les paramètres de développement montrent que ce sont des pays qui croissent normalement. Le Kenya, la Tanzanie ou le Rwanda ont réalisé ces trois dernières années des taux importants d’accroissement de leur produit intérieur brut. Ces pays dont les taux d’accroissement de la population (TAP) sont importants (Kenya : 2.69%, le Rwanda : 2.40% et la Tanzanie : 3.21%), ont connu en même temps des taux d’accroissements du PIB aussi importants comme le montrent le tableau et le graphique suivants.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Tanzanie qui a le plus haut taux d’accroissement de sa population (3.21%) a aussi le plus haut taux d’accroissement de son produit intérieur brut. Ce qui est contraire aux prévisions de Malthus et ses disciples. Dans l’ensemble, ce sont des pays qui voient leur avenir avec optimisme. Faisons encore un graphique de ces PIB en rapport avec les taux d’accroissement des populations.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces taux d’accroissement de la population qui dépassent tous le double du taux mondial ne les ont pas empêchés d’avoir les meilleurs PIB de la région. Ils sont mêmes parmi les meilleurs du monde. Vouloir clouer au pilori la Tanzanie à cause des déclarations de son président est en quelque sorte chercher à freiner le développement de ce pays.

L’auteur de ce texte Simon Sebagabo Muvunyi est un économiste agricole, chercheur et écrivain rwandais.

http://fr.igihe.com/opinions-reactions/la-politique-nataliste-du-president-tanzanien.html


Posté le 19/09/2018 par rwandaises.com