Deuxième partie : Pour un modèle endogène de défense et promotion des droits de l’homme- le cas du Rwanda. Par André Twahirwa, Africaniste et élu local en Île-de-France

.« Agaciro ni wowe ukiha » (Litt. La valeur, c’est toi qui de la donnes), adage rwandais

 

FIDH, AMNESTY INTERNATIONAL, RSF et HRW, les quatre multinationales droits-de-l’hommistes n’ont de « non gouvernemental » que le nom : elles sont l’outil contemporain de la sempiternelle ingérence de l’Occident au nom de l’ « universalisme européen ». Se libérer de l’ingérence extérieure pour retrouver la maîtrise de son destin n’est pas une option. Mais la libération de cette ingérence ainsi que les solutions ne peuvent venir que de l’intérieur car tout développement durable ne peut être qu’endogène. Y compris dans le domaine, essentiel, de la défense des droits de l’homme. Tel est le cas au Rwanda, le pays qui a payé par un génocide l’ingérence de l’Occident dans son Histoire et qui est devenu, en Afrique, la tête de turc de la bande des quatre droits-de-l’hommistes. Ceci expliquant cela.

Depuis Paris (FIDH, RSF), Londres (Amnesty international) ou New-York (HRW), nos quatre multinationales droits-de-l’hommistes défendraient vraiment les droits de l’homme dans le monde entier !? Sans aucun agenda politique caché ! La vérité, c’est que nos « big four », toutes d’obédience occidentale, n’ont de « non gouvernemental” que le nom : elles sont l’outil contemporain de la sempiternelle ingérence au nom de l’ “universalisme européen ».

Lire aussi : Des dessous des multinationales droits-de-l’hommistes
http://www.rwanda-podium.org/index.php/actualites/politique/3854-interventionnisme-des-multinationales-droits-de-l-hommistes-et-de-comment-se-liberer-de-leur-ingerence

« Donnez-moi un point d’appui et un levier et je soulèverai le monde » disait Archimède, le plus ancien des physiciens grecs. Pour sortir de l’ingérence et recouvrer la maîtrise de son destin, il n’y a qu’un seul levier : renouer avec ses racines, multiséculaires et donc toujours vives malgré tant de piétinements. La dénonciation de l’usurpation d’identité ne suffit bien sûr pas : il faut passer aux actes. Il faut bâtir un modèle de défense et de promotion des droits humains endogène, le seul susceptible de marcher car conforme aux valeurs et au contexte socio-historique ainsi qu’aux besoins réels des populations concernées. C’est ce qu’a fait le Rwanda de l’après-Génocide et qui explique « le miracle rwandais » mais qui explique aussi le fait que le Pays de mille collines soit devenu la cible privilégiée, en Afrique, de nos multinationales droits-de-l’hommistes.

Les quatre droits-de-l’hommistes et le Rwanda de l’après 1994

Au palmarès RSF 2018, le Rwanda est classé 156e sur 180. Presque le même depuis 2002. Commentaire laconique : « Malgré une nouvelle loi sur les médias en 2010 et des efforts pour développer le réseau Internet à travers le pays, la censure et l’autocensure sont omniprésentes au Rwanda. Le spectre du génocide de 1994 permet encore de taxer les médias critiques du gouvernement de « divisionnistes ». C’était exactement le même commentaire en 2017, en 2016, en 2015…Du copier-coller. La FIDH et Amnesty international tiennent, sur le Rwanda de l’après-génocide et sur son actuel président, un discours similaire. Et pourtant, du début des années 1960 au début des années 1990, elles n’avaient pas trouvé grand-chose à reprocher au régime de la Première et de la Deuxième République rwandaise, dont l’idéologie divisionniste et ethniciste a conduit au Génocide contre les Batutsi.
Pour ce qui est de HRW, laissons la parole à celui qui connaît, de l’intérieur, sa « trahison » : «Il est tristement ironique aussi bien que moralement répréhensible que Human Rights Watch ait, depuis 2010, mis son prestige et son influence au service d’une tentative des héritiers politiques directs du régime génocidaire de 1994 de réinvestir le champ politique au Rwanda. Que HRW procède à cette fin par la dissimulation de l’histoire du RDR [une refondation du tristement célèbre Hutu Power] à son auditoire occidental est un surcroît d’infamie » (Richard Johnson, Rwanda : La Trahison de Human Rights Watch, éditions Izuba, 2014, p.30).
Le discours des droits-de-l’hommistes, relayé par les tout puissants médias occidentaux, est distillé en dehors de l’Occident. Jusque dans des médias et chez certains intellectuels de l’Afrique francophone. Des observateurs extérieurs bienveillants, tout en saluant les avancées sociales et économiques réalisées en moins d’un quart de siècle, recourent à des antithèses ou autres oxymorons pour désigner le « régime de Kigali » : « dictature du développement », « dictature modèle » ou, en parlant du Président Paul Kagame, « bon dictateur » ou « despote éclairé ». Comme si un développement d’une telle ampleur pouvait être atteint sans le concours et la mobilisation de tout un peuple, sans démocratie.

Face au tir groupé de nos « big four », réaction du Président rwandais : « [Certains] m’insultent tous les jours. Je n’en ai que faire. Dans des dessins, ils m’appellent Hitler. Je les ignore» (Paul Kagame, Discours prononcé lors de la 16e commémoration du génocide, le 08 avril 2010). Il est, en effet, vain de chercher à leur faire changer d’avis puisqu’elles ne font que ce pour quoi ils sont payés. Mais surtout la souveraineté d’un peuple et la maîtrise de son destin n’ont pas de prix et elles ne peuvent venir que du peuple lui-même : « Agaciro ni wowe ukiha »(Litt. La valeur, c’est toi qui te la donnes), aime-t-on répéter du côté de Kigali. Et, après le traumatisme national de 1994, ce n’est qu’en renouant avec ses racines que le pays de Gihanga pouvait et a pu renaître de ses cendres. Il fallait nécessairement rebâtir la nation sur des fondations solides et sur un modèle nouveau, un modèle politique endogène.
Le recours aux « solutions endogènes »

Le recours aux « solutions maison » est gravé dans la Constitution de 2003, révisée en 2015, dans son article 11 (Culture rwandaise comme source de solutions endogènes). L’on connaît l’ « umuganda », réintroduite en 1998 : tous les derniers samedi matin du mois, chaque rwandais qui a atteint l’âge de majorité (18 ans) est appelé à participer aux travaux communautaires. L’on connaît surtout les juridictions populaires dites Gacaca (prononcer Gatchatcha) : en quelque 8 ans, entre 2005 et 2012, année de leur fermeture officielle, plus de 12.000 tribunaux communautaires ont effectué plus de 1,2 millions de jugements de présumés génocidaires à travers le pays. Tout en concevant la dimension traditionnelle de cadre de la réconciliation entre voisins. L’on sait ce que pens(ai)ent nos « mis » occidentaux de ces tribunaux « populaires » : de la justice au rabais ! En ce jour, 12 SLC ont été mises en pratique, la plus récente étant « le Fonds de développement Agaciro ». Créé en 2012, il est destiné à accroître l’autonomie financière du pays : le nom « Agaciro » (du verbe « gucira » au sens de “donner une valeur”) traduit l’idée de « dignité », considérée comme la valeur morale essentielle du Rwanda dans son cheminement vers un développement socio-économique durable.
La mise en place progressive des solutions endogènes est un des principaux facteurs du « miracle rwandais »: elles structurent en profondeur toute la vie nationale et caractérisent la démocratie (à dominante) participative.

Démocratie (à dominante) participative

Le modèle participatif est dans l’ADN du peuple rwandais. En effet, la société rwandaise est une “société du NOUS” c’est-à-dire une société centrée plus sur le groupe et la communauté que sur l’individu. Cette vision communautaire du monde, autour du partage comme vertu cardinale, s’incarne dans une solidarité « horizontale » : une solidarité entre voisins, plus ou moins proches, à l’occasion d’événements majeurs de la vie privée (naissance, mariage, funérailles…) mais aussi dans la vie de la cité en ce qui concerne par exemple la justice ou la sécurité ou encore l’économie (culture des champs et autres travaux communautaires).
Les solutions localement conçues sont bel et bien «l’ensemble des dispositifs et des procédures qui permettent d’augmenter l’implication des citoyens dans la vie politique et d’accroître leur rôle dans les prises de décision et dans leur réalisation» qui caractérisent la démocratie (à dominante) participative : c’est le « par le peuple » qui différencie les différentes formes de démocratie (« pouvoir du peuple, pour le peuple et PAR le peuple »). Le Pays des mille collines est celui qui pratique le plus la démocratie participative et est sans doute le seul à l’inscrire dans sa Constitution : «Tous les citoyens ont le devoir de contribuer au développement du pays par leur travail, en sauvegardant la paix, la démocratie, l’égalité et la justice sociale et de participer à la défense de leur pays» (Article 48). Tous, y compris ceux de la Diaspora («la sixième Province»).

Hérité de la colonisation, le modèle institutionnel occidental à dominante représentative (les trois pouvoirs, le multipartisme…), propre à une société du JE, centrée sur l’individu, n’est pas transposable tel quel dans une société du NOUS : le Rwanda d’après 1994 l’a ainsi repris mais l’a organisé, naturellement, dans le cadre du « partage du pouvoir », destiné à mobiliser toutes les composantes de la nation pour le bien commun (la res publica) et inscrit dans la Constitution de l’après-Génocide.

Le Génocide contre les Batutsi, événement fondateur

L’Histoire de chaque peuple est marquée par un événement fondateur c’est-à-dire un événement qui crée «un avant» et « un après» et qui inspire les principes fondamentaux, inscrits (généralement) dans le Préambule de sa Loi fondamentale. En France, cet Événement est la Révolution de 1789 et le Préambule de la Constitution de 1958 reprend celui de 1946 (IVème République), qui «énonce des libertés et des droits fondamentaux qu’il est apparu nécessaire d’ajouter à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 au lendemain de la Seconde Guerre mondiale».
Au Rwanda, il y a «un avant» et «un après» le Génocide et le Préambule la Constitution de 2003, révisée en 2015, énonce les principes sur lesquels le peuple rwandais a choisi de bâtir un État de droit au lendemain du génocide perpétré contre les Batutsi: c’est «conscients du génocide perpétré contre les Batutsi qui a décimé plus d’un million de fils et filles du Rwanda et conscients du passé tragique qu’a connu [le] pays» que le peuple rwandais est déterminé «à bâtir un État de droit fondé sur le respect des droits de la personne, des libertés et du principe d’égalité de tous les Rwandais devant la loi et celui d’égalité entre hommes et femmes» et sur «une démocratie consensuelle et pluraliste basée sur le partage du pouvoir, l’unité et la réconciliation du peuple rwandais, la bonne gouvernance, le développement, la justice sociale, la tolérance et la résolution des problèmes par la voie du dialogue».

L’égalité, le dialogue à la recherche du consensus, le partage du pouvoir et la participation de tou(te)s au pouvoir tels sont donc les principes fondamentaux sur lesquels est bâtie la vie nationale de l’après 1994, à commencer par la vie politique.

Multipartisme et partage du pouvoir institutionnalisé

La seule interdiction qui frappe les formations politiques est celle de « s’identifier à une race, une ethnie, une tribu, un clan, une région, un sexe, une religion ou à tout autre élément pouvant servir de base de discrimination » (article 57). Et pour cause. Au pays du partage, les clivages idéologiques de type gauche/droite n’ont, évidemment, aucune légitimité, historique ou culturelle. Mais la Belgique et la France n’en avaient cure quand elles ont imposé leur multipartisme d’affrontement et de bagarre, la Belgique en 1959 et la France en 1991. La première expérience a mené, dès 1963, le pays à la « démocratie ethnique » et aux pogroms à répétition contre les Batutsi; quant à la seconde, elle a mené, en 1993, à la création du Hutu power, le fer de lance du Génocide contre les Batutsi. La soi-disant « opposition en exil », qui a pignon sur rue en Occident, ne rêve que d’une chose : rétablir la “démocratie ethnique” et, pour la troisième fois – après 1959 et 1991 – le multipartisme d’affrontement, celui-là même qui a mené inéluctablement au Génocide et qui est, même dans les démocraties occidentales, en crise profonde : l’opposition frontale et systématique, érigée en dogme, et le fonctionnement pyramidal peu inclusif en sont la cause.

Au Rwanda de l’après-Génocide, dans le cadre républicain, le « partage équitable du pouvoir » dans le cadre du « Forum national de concertation des formations politiques » est gravé dans la Constitution (article 59 de la Constitution de 2003, révisée en 2015). Il s’agit d’un partage et non d’un simple départage. Partage d’un projet commun. Le projet commun porte le nom de Vision 2020, résultat d’un long processus de consultations nationales qui ont été initiées en 1997 et qui ont duré plus d’une année (mars1998-mai1999). Plus de la moitié des 11 partis _ 6 aux dernières élections _ participent au Forum sont représentés au Parlement. Et, au pays du tourisme durable, de la diversification des énergies, du zéro sac plastique et d’un arbre abattu-un arbre planté, le Parti démocratique vert a toute sa place dans le Forum. Par ailleurs si, aujourd’hui, le Front patriotique est majoritaire, de par son rôle dans l’Histoire récente du pays et le charisme de son président, il ne peut détenir plus de 50% des portefeuilles ministériels.

C’est ce partage du pouvoir, cette union nationale qui a facilité la mise en place et la réalisation de politiques à long terme : la « Vision 2020 », qui est entrée dans sa dernière phase, et bientôt la « Vision 2050 », en gestation depuis décembre 2015 dans le cadre du Dialogue national (Umushyikirano).
Égalité et interdiction de toute discrimination, dialogue à la recherche du consensus et participation de tous au pouvoir, les trois principes inspirent aussi les 29 Droits et libertés inscrits dans le chapitre IV (articles 12 à 40) de la Constitution rwandaise de l’après-Génocide. Les mêmes _ ou presque _ que les 30 inscrits dans la Déclaration universelle de 1948 même s’ils ne sont pas présentés dans le même ordre et qu’ils n’ont pas la même portée, la même valeur.

Des droits et des libertés publiques au Rwanda de l’après-Génocide

On appelle « libertés publiques » l’ensemble des libertés individuelles et collectives garanties par les textes législatifs et donc par l’Etat. Et elles ne sont que la traduction dans le droit positif des droits fondamentaux, universels et inaliénables, attachés à l’être humain de par son appartenance à l’espèce humaine. La Déclaration universelle des droits de l’homme est la première traduction de ces derniers dans le droit positif international. Mais, au nom du droit à la souveraineté, absent dans le texte de 1948 _ et pour cause _ le modèle occidental ne peut se considérer comme universel. C’est donc à chaque peuple qu’il revient d’aménager les droits fondamentaux en libertés publiques dans le respect de sa Culture et de son Histoire.
S’agissant des droits socio-économiques (éducation, santé et, donc, environnement sain), au sortir du Génocide, ils avaient, non la primauté, mais la priorité. Aujourd’hui, le Rwanda est unanimement reconnu comme un des champions de leur effectivité. Et cela «parce que le processus de décentralisation et la mise en place les solutions endogènes vont de pair» (Banque Mondiale, Rwanda – Vue d’ensemble, 06 oct. 2015).

Pour ce qui est des droits civiques et civils, le Rwanda est surtout reconnu comme exemplaire en matière d’égalité femmes/hommes. Dans le classement 2018, il est toujours 1er de la liste de la parité au Parlement et il est monté à la 4ème place, avant la Suède et juste après la Finlande, sur la base sur quatre critères : l’accès aux soins de santé, l’accès à l’éducation, la participation économique (salaires, participation au marché du travail, fonctions dirigeantes) et la représentation politique. Ce succès est lié au choix et à la promotion de la démocratie (à dominante) participative.

On connaît moins les grandes avancées dans le domaine des autres droits civils ou civiques. En voici quatre qui, dans le contexte post-génocide, ont connu un changement radical. Aujourd’hui, le droit à la patrie et à la nationalité est une réalité : toutes les personnes d’origine rwandaise et leurs descendants ont le droit de rentrer au pays et/ou d’acquérir la nationalité rwandaise, s’ils le demandent. S’agissant du droit à la liberté de circulation et de résidence, l’octroi du passeport n’est plus un privilège : il s’est totalement démocratisé et il se fait dans des délais très courts (quatre jours ouvrables pour la première fois et deux pour le renouvellement). Quant au droit de participer à la direction des affaires publiques, longtemps interdit à beaucoup de rwandais relégués en de seconde zone_ et pas uniquement aux membres de la Communauté des Bututsi _ il est aujourd’hui une réalité au pays de la démocratie (à dominante) participative. Et l’accès aux études et aux bourses d’études, qui permettent d’y accéder, est ouvert à tous et à toutes selon le mérite. Enfin, s’agissant du droit d’asile, qui parle de façon toute particulière aux nombreux Rwandais qui ont vécu en exil pendant plus de trente ans, non seulement le Ministère des Réfugiés encourage le retour massif des réfugiés qui avaient fui en 1994 mais ce pays de moins de 30.000 km2 pour plus 12 millions d’habitants accueille et accueille bien plus de 55.000 réfugiés burundais et sans doute autant de réfugiés congolais et d’autres issus de pays africains en guerre comme la Somalie.

Figurant dans les articles 31 à 40 de la Constitution, les libertés d’association ou d’expression (du droit de former des syndicats et des associations d’employeurs au droit à la liberté de réunion en passant par la liberté de conscience et la liberté de presse, d’expression et d’accès à l’information) portent l’empreinte des mêmes principes fondamentaux. Et, moins d’un quart de siècle après le génocide perpétré contre les Batutsi, elles aussi sont connu une progression exceptionnelle dans leur effectivité.

Des corps intermédiaires

On dénombre aujourd’hui quelque 1400 ONG, dont de très nombreuses organisations religieuses. En effet, la laïcité (article 4) et la liberté de conscience et de religion (article 37) ne sont plus des vœux pieux : le catholicisme a cessé d’être la religion (quasi)officielle. En effet, depuis 1994, l’islam et surtout les églises « nouvelles » d’inspiration protestante, organisées en petites communautés « horizontales », ont le vent en poupe. Dans le domaine des droits de l’Homme, les associations des rescapés du génocide ou de lutte contre le génocide sont tout naturellement les plus actives. Mais il est d’autres associations des droits de l’Homme, dont certaines (le CLADHO, l’ADL, la LIPRODHOR) datent d’avant le génocide et se sont affranchies de la tutelle des « parrains » occidentaux.
S’agissant des médias, en une vingtaine d’années, le nombre des stations de télévision est passé de 1 à 6 et celui de stations radio de 1 à 29. Il existe actuellement plus de 45 titres de journaux, dont beaucoup sont en kinyarwanda et sont superbement nos droits-de-l’hommistes, et plus de 80 sites-web d’information.

La progression est la même pour les syndicats. Il ne cesse d’en naître de nouveaux, y compris dans le secteur informel : le dernier à voir le jour est sans doute le « Syndicat de travailleurs domestiques et de tous ceux qui font des travaux connexes comme les employés des hôtels, bars et restaurants », lancé en septembre 2016. Ils sont organisés par profession ou par catégorie socioprofessionnelle et regroupés en centrales syndicales, fédérations et confédérations (Arrêté ministériel n°11 du 04-09-2010 déterminant les conditions et modalités d’enregistrement des syndicats et des organisations patronales). Leur rôle est de défendre les intérêts des adhérents. En dehors de toute appartenance politique ou idéologique. Il en est de même des autres corps intermédiaires : ils sont libres et en même temps citoyens.

Des corps intermédiaires, libres ET citoyens

Dans une société du NOUS, au pays de l’Ubuntu («Tu es donc je suis») et de la démocratie participative, liberté rime avec citoyenneté: «être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes, c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres» (Nelson Mandela, Un long chemin vers la liberté)». Autrement dit, nous nous accomplissons en prenant soin des autres autour de nous. Aussi, comme les partis politiques, les corps intermédiaires (ONG, syndicats et médias) sont-ils libres Et citoyens : ils remplissent leur rôle d’inter-médiaire au service de l’intérêt collectif en dehors de tout esprit partisan, en dehors de toute polémique inutile et de toute bagarre qui détruit et qui n’est pas dans l’ADN culturel du pays.
Les syndicats sont (acteurs) citoyens. Il en est ainsi de la Fédération des coopératives des conducteurs des taxis motos (FERWACOTAMO) pour sa contribution aux programmes tels que le «One dollar Campaign», destiné à aider chaque orphelin rescapé à se construire une maison. Il en est de même pour les ONG: c’est le Collectif des ligues et associations des droits de l’Homme (CLADHO), qui a lancé, le 26 septembre 2016, «le Syndicat de travailleurs domestiques et de tous ceux qui font des travaux connexes comme les employés des hôtels, bars et restaurants». Il en est de même, d’ailleurs, des corps constitués comme l’armée, une armée citoyenne et pas uniquement pendant la «Semaine de l’Armée». Une semaine qui a duré deux mois en 2017: du 4 mai au 4 juillet, les équipes médicales militaires sont allées à la rencontre des patients dans presque tous les hôpitaux du pays.

Quant aux médias, il s’agit d’informer et d’expliquer_ en mettant l’information en perspective_ de médiatiser sans chercher à s’ériger en un « quatrième pouvoir » _ alors qu’ils ne jouissent d’aucune légitimité populaire _ et de jouer pleinement leur rôle de vigilance et d’alerte : ils ne se privent pas de critiquer le pouvoir et de dénoncer les abus de certains responsables politiques, qui bénéficient d’une protection pour leur vie privée excepté quand celle-ci peut avoir un effet sur la vie publique (article 21 du Code de déontologie). Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les journaux, surtout ceux en langue nationale, ou d’écouter les radios notamment les radios libres: la parole est libre et les auditeurs réagissent notamment au téléphone (portable) et sur les réseaux sociaux, très développés au Pays des mille collines.

C’est là toute la différence avec les médias occidentaux : la presse y est politique et partisane mais surtout l’information est devenue une marchandise comme les autres ; d’où, la course au scoop pour faire le buzz et la polémique-spectacle notamment sur les chaînes d’information continue. Et, pour vendre l’information et donc de la publicité, rien de tel qu’un scandale. Surtout quand on peut faire remonter l’affaire au sommet de l’État.
« Démocratie (sociale et politique) aseptisée », pour les observateurs extérieurs bienveillants. « La pire des dictatures » entonnent en choeur les quatre multinationales droits-de-l’hommistes, suivies par l’opinion occidentale. Qui n’en demande pas plus.
Sauf que si cette forme de démocratie apaisée a porté ses fruits, c’est non seulement parce qu’elle est conforme aux valeurs de partage de la société rwandaise mais aussi parce qu’elle s’inscrit dans une continuité historique des pratiques politiques du Rwanda. En effet, avant la colonisation, les pôles du pouvoir central étaient occupés par des clans différents: le roi appartenait au clan des Abanyiginya tandis que la reine-mère était issue des clans matri-dynastiques (Abasinga, Abega, Abakono, Abaha) ; enfin, les gardiens de la Constitution dite Code dynastique, les Abiru, étaient principalement des Abatsobe (Bernardin Muzungu, Histoire du Rwanda Précolonial, l’Harmattan, 2003, pp 96-99).

Quant à l’administration civile, elle était répartie entre les chefs des pâturages  et les chefs du sol . De même les armées étaient composées de professionnels  et des conscrits . Et la petite minorité des Batwa a donné à la nation d’excellents guerriers reconnus et promus par les rois: ce fut le cas pour les Bashyete sous le règne du roi Cyilima II (1770-1786).
Enfin, au niveau local, il existait quatre outils de démocratie de proximité, quatre institutions ou instances de démocratie directe : l’Ingando et l’Ubudehe, proches de la Boulè athénienne (Conseil délibératif), ainsi que l’Agacaca et les Abunzi, proches de l’Héliée (Tribunal populaire). Et, c’est tout naturellement que les outils de démocratie de proximité ont été restaurés et (ré) introduits, après le Génocide contre les Batutsi, pour (re)bâtir un modèle politique endogène: l’Ingando en 1997, l’Ubudehe dès 2001, les Gacaca en 2002, les Abunzi en 2004. Ainsi la démocratie de proximité a évolué vers la démocratie (à dominante) participative : celle-ci est, en dehors de la démocratie directe, celle qui permet au peuple, le plus large possible, d’exercer le plus possible les pouvoirs de gouvernement les plus étendus.

FIDH, AMNESTY INTERNATIONAL, RSF et HRW, la question n’est pas tellement de savoir si ce que nos quatre multinationales droits-de-l’hommistes publient dans leurs rapports ou autres communiqués est vrai ou non mais si elles sont vraiment au service de la défense de droits de l’Homme dans le monde. Si tel était le cas, elles défendraient le droit inaliénable des peuples à disposer d’eux-mêmes et se battraient donc contre l’ingérence de leur pays respectif à travers le monde. Au lieu d’en être un outil. Pour un pays comme le Rwanda, qui a payé par un génocide l’ingérence de l’Occident dans son Histoire, elles salueraient et accompagneraient, dans le respect et loin de toute hostilité, ce qui se fait de mieux pour se libérer de l’aliénation coloniale dans le but de se reconstruire après le Génocide. C’est ce que font les (vraies) ONG nationales ou internationales : elles participent, chacune dans son domaine spécifique, aux programmes selon l’ordre des priorités fixées par le gouvernement. Tel est le cas de Médecins du monde, qui œuvre dans le domaine de la santé (mentale) en accompagnant spécialement les associations des rescapés du Génocide.

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Posté le 02/10/2018 par rwandaises.com