Le Rwandais Joseph Areruya sera le 14 avril prochain au départ de Paris-Roubaix. C’est la première fois qu’un coureur noir africain est prévu sur la « Reine des Classiques », information confirmée à RFI par son équipe, Delko-Marseille-Provence.

Il connaissait les pavés de Kigali, la capitale du Rwanda, il va découvrir ceux de « L’Enfer du Nord ». Joseph Areruya, 23 ans, va, sauf accident, rentrer dans l’histoire du cyclisme, de son pays, et du continent africain, le 14 avril 2019 à Compiègne, traditionnelle ville-départ de Paris-Roubaix.

Paris-Roubaix l’un des 5 Monuments

Avec ses 55 kilomètres de secteurs caillouteux (sur 257 au total), la «Reine des classiques» est une course technique, une affaire de spécialistes, souvent issus des nations traditionnelles du sport cycliste (Belgique, Pays-Bas, France, Italie…).

Jamais, en 116 éditions, un coureur d’Afrique noire n’avait pris le départ de la plus dure, la plus atypique classique du calendrier mondial, un des 5 Monuments (Milan-San Remo, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège et le Tour de Lombardie). Jusqu’à aujourd’hui, le continent africain avait été représenté par le Marocain Rafaâ Chtioui en 2011 et 2012. Un Algérien, un Tunisien, et plusieurs Sud-Africains blancs s’étaient aussi risqués sur les pavés. Ces dernières années, les Erythréens Merhawi Kudus et Daniel Teklehaimanot avaient, eux, pris part à Liège-Bastogne-Liège.

Jamais, s’il n’avait décidé de quitter le Rwanda, il y a un an, pour rejoindre l’équipe professionnelle Delko Marseille-Provence, Joseph Areruya n’aurait pu espérer un tel destin. Invitée par les organisateurs depuis 2015, la formation française a fait le pari de lancer dès cette année son espoir africain : « Joseph a eu le droit la semaine dernière à une petite initiation avec trois courses pavées en Belgique et dans le Nord de la France, explique Frédéric Rostaing, le manager général de Delko. On avait déjà en tête l’idée de l’aligner sur Paris-Roubaix, il a tenu le choc. Maintenant, il est prêt pour relever le défi Roubaix. »

Objectif : voir Roubaix

Sacré cycliste africain de l’année 2018, vainqueur de la Tropicale Amissa Bongo la même année et de son Tour national en 2017, le Rwandais est une star sur le continent africain, mais un coureur encore très peu expérimenté en Europe. Avant d’espérer rivaliser avec Peter Sagan, le vainqueur sortant de « L’Enfer du Nord », il faudra du temps. Son défi, Joseph Areruya l’aura relevé s’il franchit dans les délais la ligne d’arrivée, au Vélodrome de Roubaix. C’est d’ailleurs l’objectif fixé par son équipe. « Avec son physique robuste et résistant, Joseph a les qualités pour être performant sur les pavés, poursuit Frédéric Rostaing, mais pour l’instant, les ambitions sont mesurées: finir et, si possible, être acteur de la course à un moment donné. »

D’ici le 14 avril, Joseph Areruya devrait poursuivre sa formation accélérée. Au programme, un stage avec reconnaissance sur les secteurs pavés et visionnage de vidéos. Histoire de s’imprégner, déjà, de l’ambiance si particulière de la « Reine des Classiques ».

Andy Flickinger : «Pour Paris-Roubaix, il faut avoir un esprit conquérant»

Andy Flickinger, directeur sportif de Joseph Areruya a répondu aux questions de RFI.

RFI : Un coureur rwandais sur Paris-Roubaix, qu’est-ce que cela vous inspire ?

Andy Flickinger : C’est une grande première. Nous sommes très fiers de proposer à Joseph Areruya d’y participer.

Quelles sont les qualités necessaire pour au moins terminer cette course ?

Il faut de l’endurance avant-goût. Mais il faut aussi savoir prendre des risques, car c’est une des caractéristiques de cette course. Il faut aussi avoir envie d’aller au bout, avoir un esprit conquérant, rouler sur les pavés ce n’est pas évident. Mais je sais que c’est une très belle expérience pour un coureur.

Vous êtes le coach de Joseph Areruya, est-ce qu’il a les qualités pour bien figurer dans cette course ?

Joseph a les qualités physiques de base. Ce qui lui manque, c’est de pouvoir trouver sa place dans un peloton de 200 coureurs. Il y a beaucoup de hargne et d’envie de la part des coureurs dans cette épreuve et ce n’est pas facile de faire sa place. Mais il est intelligent et fort physiquement. Il a besoin de se confronter à ces courses très spéciales pour progresser davantage.

Quels sont les objectifs de sa deuxième saison en Europe ?

Il faut qu’il fasse des résultats et qu’il montre qu’il a le niveau pour courir en Europe. C’est vrai qu’il est à l‘aise sur les routes du Rwanda, mais sur le continent européen, les places sont chères. Nous attendons de lui qu’il progresse davantage et qu’il trouve sa place au sein d’un peloton. En Afrique, il a évolué dans des petits pelotons sur de grandes routes, et c’est plus facile de naviguer. Ici, la marche est plus haute. Joseph a toutes les caractéristiques physiques pour réussir, mais je sais qu’il est loin de chez lui, et que l’adaptation n’est pas aussi simple. Il faut qu’il trouve du plaisir à vivre ici et à s’épanouir à la fois sur le vélo et dans la vie.

Propos recueillis par Farid Achache