Paul Kagame, président en exercice de l’East African Community (EAC), accueille chaleureusement la candidature de la République démocratique du Congo à rejoindre l’organisation régionale. Malgré des tensions récentes avec l’Ouganda, le président rwandais écarte la possibilité d’un affrontement.

C’est avec bienveillance que le Président rwandais a accueilli la demande congolaise de rejoindre au sein de la Communauté de l’Afrique de l’Est le Burundi, le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda, le Soudan du Sud et la Tanzanie. Elle avait été introduite le 8 juin dernier dans un courrier du Président Félix Tshisekedi à Paul Kagame, président de l’EAC jusqu’en novembre 2019. En marge des Journées Européennes du Développement, qui se sont tenues à Bruxelles, les 18 et 19 juin derniers, Paul Kagame réagit positivement à cette candidature, dans un entretien à La Libre Afrique. 

« Quand un pays africain demande à faire partie d’une organisation comme l’East African Community, je pense que c’est bienvenu, car nous y gagnons tous, comme pays et comme région », explique le président rwandais.

Vous appuiriez ette candidature ?

« Absolument ! »

Vous avez assisté aux funérailles du père du Président congolais, feu Étienne Tshisekedi. Peut-on s’attendre à une plus grande collaboration entre Kinshasa et Kigali ?

« Je le pense. C’est déjà en train de se produire. Par exemple, nous avions demandé au gouvernement précédent du Président Kabila de permettre à notre compagnie aérienne, Rwandair, d’ouvrir une liaison entre Kigali et Kinshasa. Cela avait été refusé. Je n’avais pas compris pourquoi. C’était juste de la politique. Mais, ils ont autorisé ces vols à présent sous la présidence de (Félix) Tshisekedi (le vol inaugural a eu lieu le 17 avril). Le trafic est énorme. L’avion est toujours plein. Il n’y a même pas assez de places. Cela démontre déjà une évolution très positive. Nous sommes même en train de formaliser une coopération dans les domaines de la défense et de la sécurité pour pouvoir traiter régler les problèmes que posent les fauteurs de trouble le long de notre frontière commune. »

En même temps, il y a eu beaucoup de tensions dernièrement avec votre voisin, l’Ouganda. Où en est-on ? Jusqu’à quel point, cela affecte l’économie et le commerce au sein de l’EAC ?

« Toute tension va sans conteste affecter la stabilité de l’économie, du commerce et de tas de choses. C’est pourquoi nous n’avons pas besoin de tension du tout. Mais en politique (sourire), nous voyons ce genre de choses se produire n’importe où dans le monde … Nous avons eu une relation facile pendant de longues années (avec l’Ouganda). Les tensions vont et viennent. Nous espérons un jour en être débarrassés pour toujours. Mais ces temps-ci, nous avons vu l’Ouganda s’impliquer dans l’appui à des groupes (armés, notamment les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda et le Rwanda National Congress) qui oeuvrent contre nous parce qu’ils pensent (à Kampala) que nous ne défendons pas les intérêts de l’Ouganda. Ils n’apprécient pas que le Rwanda ait un gouvernement différent et souhaiteraient qu’il fasse allégeance, quelquechose du genre. »

Comment se manifeste cette hostilité ?

« Nous avons vu des gens se faire arrêter en Ouganda. Des Rwandais croupissent actuellement en prison par centaines en Ouganda. L’Ouganda continue de raconter toutes sortes d’histoires, que ces gens se sont retrouvés là illégalement, que ce sont des espions. Nous avons soulevé le problème parce que nous avons recueilli des informations à ce propos. Et maintenant, voici qu’ils cherchent à développer des accusations autour de cela. Ils (les Ougandais) demandent: “mais comment connaissez-vous tous ces détails ? C’est parce que vous (les officiels rwandais) avez des gens ici qui travailent contre pour votre gouvernement…”. Mais les arrestations ont été indiscriminées. On a arrêté des femmes, des hommes, des jeunes gens et même des élèves, raflés dans les écoles ! La dernière fois que j’ai rencontré Museveni, je lui ai dit que ces accusations n’avaient aucune crédibilité. Deux cents personnes ont été arrêtées. Aucune n’a été inculpée. Cela témoigne de l’ampleur du problème. Et cela a eu pour effet que nous avons dit à nos compatriotes de ne pas aller en Ouganda. Nous ne pouvons pas dire aux Ougandais ce qu’ils ont à faire. Nous les avons priés et nous leur avons même dit: “ si vous avez des personnes en détention, faites-les comparaître devant les tribunaux s’ils ont commis des délits. Les gens viennent nous raconter qu’ils ont été incarcérés pendant neuf mois, un an, pour rien. Mais nous sommes restés calmes. Les gens redoutent un affrontement entre nous. Je ne le vois pas venir parce que je pense que l’Ouganda comprend quel en serait le coût. Et nous, nous ne voulons pas nous embarquer dans cette direction parce que chacun y perdrait. »

Vous avez averti l’Ouganda en avril. Vous avez dit : « si vous voulez mettre le bazar, nous allons nous y mettre en grand ! ”

« Oui. Vous pouvez faire ce que vous voulez sur votre territoire, arrêter des gens par exemple. Mais si on traverse notre frontière et qu’on veut faire des choses sur notre territoire, alors… C’est cela ce que je voulais dire. »

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Posté le 21/06/2019 par rwandaises.com