« Rwanda, du chaos au miracle », documentaire de Sonia Rolland, évoque bien le « miracle  rwandais ». Tous les observateurs et les institutions internationales ne tarissent pas d’éloges à propos des succès, …





Par André Twahirwa, Enseignant à la retraite, Africaniste et ancien consultant de l’UNESCO, Division Arts et Culture.

« Aussi longtemps que les lions n’auront pas
leur historien, les récits de chasse tourneront
toujours à la gloire du chasseur. » Proverbe africain

« Rwanda, du chaos au miracle » : le titre du documentaire de Sonia Rolland diffusé en novembre 2014 évoque bien le « miracle rwandais ». Tous les observateurs et les institutions internationales ne tarissent pas d’éloges à propos des succès, dans pratiquement tous les domaines : l’éducation, la santé, les TIC, la préservation de l’environnement, la promotion de l’égalité des sexes….

Mais, pour une certaine opinion internationale, c’est au prix de la « dictature du développement » incarnée par Paul Kagame : « l’homme fort » de Kigali mènerait à marches forcées le « Singapour africain ».

Sans aucune adhésion de la population.

Sauf qu’un développement socio-économique de cette ampleur repose nécessairement sur des choix politiques forts, des choix qui ont permis la Renaissance de la nation rwandaise. Il est le fruit d’un modèle politique endogène et éminemment inclusif.

Tout le contraire d’une dictature.

C’est de ce modèle, guère connu en dehors du Rwanda, que nous allons esquisser les grandes lignes en quatre points :

– Le programme « Ndi umunyarwanda » (« Je suis rwandais ») et la Renaissance de la nation ;
– La mise en place des « solutions localement conçues » et de la démocratie participative ;
– La décentralisation dans le cadre de la « Vision 2020 » ;
– Le partage du pouvoir.

Le programme Ndi Umunyarwanda
« Je suis rwandais »
et la renaissance de la nation

En 1994, Le Rwanda est un pays plus que meurtri, un pays ravagé non par la guerre mais par le crime des crimes survenu un siècle après la Conférence de Berlin et le partage de l’Afrique de 1885 ; d’où, les spécificités de la reconstruction et de la renaissance de ce pays de moins de 30 mille km² pour plus de 11 millions d’habitants.

Mais qui a un atout majeur.

En effet, le Rwanda constitue une exception dans la longue et riche Histoire du Continent : c’est – avec le Burundi, son « (faux) frère jumeau » – le seul pays dans lequel l’ensemble de la population partage la même langue, la même religion et la même culture, critères employés habituellement pour définir l’ethnie. Et c’est le seul État-Nation qui existait plus de 10 siècles avant la colonisation : en 1900, le Rwanda est un royaume à la tête duquel 25 rois se sont succédé. C’est un des rappels du Préambule de la Constitution de 2003, révisée en 2015 :

« Considérant que nous avons le privilège d’avoir un même pays, une même langue, une même culture et une longue histoire commune qui doivent nous permettre d’avoir une vision commune de notre destin… »

Entre avril et juillet 1994, c’est l’apogée d’une discrimination et d’un rejet constant de la composante tutsi par les dirigeants hutus au Rwanda : 1.074.17 victimes, selon le recensement de 2000-2002, dont 934 218 victimes identifiées avec certitude et tous tutsi ou assimilés.

L’urgente nécessité de réconciliation nationale s’est fait naturellement sentir dès le lendemain du génocide : gouvernement d’unité nationale (juillet 1994), création de la Commission Nationale pour l’Unité et la Réconciliation du Rwanda en 1999 lors de la grande consultation nationale à Urugwiro (siège de la Présidence) de mai 1998 à mars 1999, qui a accouché de la « Vision 2020 », dont l’un des objectifs majeur est de reconstruire l’identité rwandaise.

En novembre 1996, deux ans après le génocide des Tutsi, le nouveau Gouvernement rwandais d’Union nationale décide de rapatrier les réfugiés hutu majoritairement installés dans l’ex-Zaïre, l’actuel RDC. Progressivement, survivants et génocidaires sont contraints de vivre au sein des mêmes communautés. C’est pourquoi le vivre ensemble est le premier grand défi que devait relever et qu’a réussi avec un succès certain le pays de Gihanga.

Une des toutes premières grandes mesures prises par le gouvernement rwandais au lendemain du génocide, c’est la mise aux oubliettes de la tristement célèbre carte d’identité avec mention « ethnique » associée à la désignation des victimes pendant le génocide.

Il s’agit d’une mesure plus que symbolique : elle est l’expression concrète de cette forte volonté politique de renouer avec Imbaga y’inyabutatu (« Peuple immense – en trois ») et de bannir à jamais le modèle Rubanda nyamwinshi (« Petit peuple majoritaire-hutu ») de l’esprit et des cœurs de tous les citoyens rwandais, les Banyarwanda.

Non pour gommer ou cacher les différences mais pour les dépasser. Dans l’intérêt des uns et des autres, de tout le peuple rwandais.

C’est le programme Ndi umunyarwanda (« Je suis rwandais ») qui est au cœur de cette volonté de reconstruction et de réconciliation nationale. Sa formalisation date de 2013. Voici la conclusion de sa présentation :

« Ndi Umunyarwanda », c’est revenir aux origines de l’identité rwandaise, nos origines qui ont été longtemps déshonorées pendant le siècle passé (les colonisateurs, les républiques basées sur le divisionnisme et sur la propagation de la haine jusqu’au génocide). C’est le passage obligé vers l’unité et la réconciliation et c’est un long processus qui exige de persévérer et la participation à tous les niveaux. (Traduction personnelle du kinyarwanda).

Et voici ce que dit le Président Paul Kagame, lors de la Retraite gouvernementale du 8 au 9 novembre 2013 consacré au programme Ndi umunyarwanda :

« Nous ne pouvons pas continuer à blâmer les autres, nous ne pouvons que nous blâmer nous-mêmes. Nous avons perdu notre humanité lorsque les Rwandais ont accepté de se haïr et de se tuer les uns les autres à cause d’un nom, alors que le monde entier a regardé sans bouger. La lutte dont nous parlons aujourd’hui, c’est celle pour devenir quelqu’un. Nous devons nous battre pour notre humanité, peu importe le coût. »

Et dans cette longue mais vitale entreprise nationale, aucune place à l’erreur :

« Le Rwanda ne peut plus se permettre de faire des erreurs. Nous avons une très faible marge d’erreur. Chaque petite erreur a des conséquences énormes pour nous. Nous ne pouvons pas être complaisants. Nous pouvons célébrer notre succès, mais nous devons toujours demeurer prêts pour la suite ».

L’objectif du programme est donc de recourir à l’Ubuntu (« l’humanité ») afin de rebâtir la nation et, grâce à un dialogue ouvert, favoriser la réconciliation et l’unité du peuple rwandais : dépasser les divisions ethniques en s’affirmant comme «  umunyarwanda  » et fier de l’être. Et non plus comme hutu ou tutsi ou twa.

Il s’agit de réaffirmer les valeurs que les Banyarwanda ont en partage, leur Culture commune. Il s’agit de réaffirmer l’Ubuntu, vertu inclusive par excellence. En effet, le pays de Gihanga est le pays du partage et de la solidarité, des solidarités « horizontales » : des solidarités de proximité (en famille, entre voisins) aux solidarités entre les frères humains (Abantu).

Lié à l’Ubuntu, l’Agaciro (littéralement : « valeur », du verbe gucira au sens de « donner un prix ; estimer la valeur de ») ou la dignité liée à l’umuntu « être humain » (celui qui possède l’Ubuntu au sens philosophique du mot, c’est-à-dire « l’humanité »), autrement dit, « la dignité humaine ».

A ce propos, une phrase est devenue culte au Rwanda : Agaciro ni wowe ukiha (« la valeur, c’est toi qui te la donnes »). Par ton Ubuntu. Et par la fierté d’appartenir à un grand peuple : une autre phrase devenue aujourd’hui presque une devise est Rwanda, a small country but a great people (« un petit pays mais un grand peuple »).

Comme le rappelle en termes bien choisis Aimé Césaire (Discours sur le colonialisme), la colonisation est une aliénation, une « chosification » :

« des sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées ».

Cette aliénation, même si elle ne suffit pas à l’expliquer, est une des causes du génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda en 1994 : l’unité culturelle (linguistique, religieuse, artistique…) n’a pas pu suffisamment résister à la volonté du colonisateur de diviser les enfants de Gihanga en « racialisant » ce qui n’étaient que des classes sociales (tutsi, hutu, twa).

C’est ce racisme, devenu racisme d’État, qui va laisser le pays exsangue, un siècle après l’arrivée des Occidentaux (Allemands puis Belges). Dans l’indifférence totale de la « Communauté internationale » c’est-à-dire des mêmes Occidentaux responsables et, pour certains, complices, du « dernier génocide du XXème siècle ».

Ce traumatisme collectif permet de mieux comprendre que le Rwanda a fait le choix de retrouver son âme, de se tourner vers sa culture pour y puiser ses propres solutions.

À travers l’Ubuntu et son corollaire, l’Agaciro, le modèle participatif est dans l’ADN du peuple rwandais : l’Ubuntu sous-tend les solutions « localement conçues ».

La mise en place des « solutions localement
conçues » et la choix de la démocratie participative


Les solutions localement conçues (SLC)

Le recours aux solutions endogènes est inscrit dans la Constitution de 2003, révisée en 2015 dans son article 11 (« La culture rwandaise comme source de solutions endogènes ») :

« En vue du développement national, de la promotion de la culture nationale et de la restauration de la dignité, les Rwandais, se basant sur leurs valeurs, mettent en place des mécanismes de solutions endogènes en vue d’aborder des questions qui les concernent. Des lois peuvent créer différents mécanismes visant des solutions endogènes. »

On connaît les juridictions populaires, dites Gacaca. Beaucoup moins connue, mais très importante, la SLC Imihigo (« contrats de performance ») institutionnalisée en 2000 : chaque début d’année (fiscale), les dirigeants de toutes les institutions à tous les niveaux s’engagent devant le chef de l’État et la population mais aussi les uns vis-à-vis des autres à fournir un certain nombre de résultats dans le cadre des programmes de développement.

Ainsi, dans chaque district, le nombre de kilomètres de route à construire, d’hectares de plantations à développer ou d’enfants à scolariser… sont clairement définis. Cet ensemble d’indicateurs forme alors la base du contrat de performance que le maire va signer avec le président et, donc, avec tout le pays.

Et, à la fin de l’année, il faut rendre des comptes, sanctionnés par un classement rendu public dans une cérémonie officielle en présence du Président et des plus hautes autorités du pays, mais aussi des représentants du secteur privé et du corps diplomatique. Une culture du résultat et de la « comptabilité » mais aussi de la transparence est aujourd’hui devenue la norme.

Les « Solutions localement conçues » (SLC) sont recensées et décrites dans « Rwandapedia ». Lancé très officiellement le 30 octobre 2013, ce site internet bilingue (kinyarwanda-anglais) est détenu, développé, géré par le Rwanda afin de proposer lui-même son Histoire et les perspectives de son développement.

Voici, dans l’ordre chronologique de leur modernisation et réintroduction officielle à différents niveaux de décentralisation du pays, les 8 autres SLC : Ingando (« Programme d’éducation pour la paix et l’unité », 1997) ; Umuganda (« Travaux communautaires », 1998) ; Ubudehe (« Travail collectif pour la réduction de la pauvreté », de 2001 à 2012) ; Umushyikirano (« Dialogue national », 2003) ; Umwiherero (« Retraite gouvernementale élargie », 10-17 janvier 2004) ; Abunzi (« Réconciliateurs », « médiateurs », 2004) ; Girinka (« Une vache par famille, 2006) ; Itorero (« École civique », 2007).

La mise en place progressive de ces valeurs et de ces solutions « endogènes » est un des principaux facteurs du « miracle rwandais » : elles structurent en profondeur toute la vie politique du Rwanda nouveau et caractérisent la démocratie (à dominante) participative.

Le choix de la démocratie (à dominante) participative

La démocratie, « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », n’est pas « un luxe pour l’Afrique ». Elle doit, tout simplement, être une (autre) forme de démocratie, endogène.

Il existe, en effet, plus d’une forme de démocratie ou plutôt plusieurs « dominantes » dans les pratiques démocratiques, tous les systèmes étant mixtes dans la réalité. Selon le degré de délégation des pouvoirs, l’on distingue quatre formes de démocratie, dont trois sont très bien connues : la démocratie à (dominante) « directe » ; la démocratie à (dominante) « représentative » ; la démocratie (à dominante) « populaire ». La démocratie à (dominante) « participative » est l’ensemble des dispositifs et des procédures qui permettent d’augmenter l’implication des citoyens – tous et toutes – dans la vie politique et d’accroître leur rôle dans les prises de décision.

Le Rwanda est sans doute le seul pays à pratiquer la démocratie (à dominante) participative, à l’inscrire dans sa Constitution à l’article 48 :

« […] tous les citoyens ont le devoir de contribuer au développement du pays par leur travail, en sauvegardant la paix, la démocratie, l’égalité et la justice sociale et de participer à la défense de leur pays. »

Depuis la mise en place de la « Vision 2020 » (prononcer : « vingt-vingt »), bien des pratiques traditionnelles de démocratie participative ont été remises à l’honneur, en même temps qu’une politique de décentralisation avancée était enclenchée, dans le but d’inclure et de faire participer le plus possible les populations à leur propre développement. Y compris, la Diaspora, la « 6ème Province » du Rwanda.

Décentralisation dans le cadre de la vision 2020

La « Vision 2020 » est, elle aussi, le résultat du processus consultatif national qui a été initié entre 1997 et 2000. Voici comment la présente le Président Paul Kagame lui-même :

« La Vision 2020 reflète les aspirations et la détermination des Rwandais à la construction d’une identité rwandaise d’unité, de démocratie et d’inclusion, après de longues années marquées par des régimes autoritaires et exclusivistes. À travers cette Vision, nous visons à transformer notre pays en un pays à revenu intermédiaire où les Rwandais jouissent d’une meilleure santé, éduqués et plus prospères de façon générale […]. ».

La « Vision 2020 » lie donc clairement développement et démocratie participative. Et la décentralisation est le gage de l’efficacité de cette ambition nationale. Elle crée, en effet, un espace politique le plus ouvert possible, donne à la population à tous les niveaux les capacités de participer activement à la transformation politique, économique et sociale du pays dans les secteurs qui ont été décentralisés : Agriculture, Éducation, Bonne Gouvernance, Santé, Infrastructures, Justice, Protection sociale.

Et le Rwanda est sans doute un des pays les plus décentralisés du monde. La loi organique du 31 décembre 2005 organise le territoire national en 5 niveaux de gouvernement. Avant, le pays était divisé en 12 « préfectures » divisées en 106 « communes ». La dernière loi de décentralisation a rendu les entités existantes plus « viables » en baissant considérablement leur nombre et elle a poursuivi le processus de décentralisation en créant un cinquième échelon de base, le village («  umudugudu  ») et donc plus d’espace pour la participation citoyenne : Province ou Intara (passés de 12 à 4 Provinces et la Ville de Kigali) ; District ou Akarere (de 106 Communes à 30 Districts) ; Secteur ou Umurenge (de 1.545 à 416 Secteurs) ; Cellule ou Akagari (de 9.165 à 2.150 Cellules) ; Village ou Umudugudu (14.837 Villages).

Et si la « Vision 2020 » a porté ses fruits, c’est parce que le processus de décentralisation et la mise en place les solutions « endogènes » vont de pair comme le souligne la Banque mondiale [1].

Mais c’est aussi grâce à la mise en place d’un pouvoir partagé.

Le partage du pouvoir

Au pays de l’Ubuntu, le pouvoir est « partagé » (et non « départagé »). Le « partage équitable » du pouvoir et le consensus sont inscrits dans la Constitution de 2003 révisée en 2015 dans le Préambule ainsi que dans l’article 10, consacré aux « Principes fondamentaux ».

Contrairement aux pays comme la France où l’affrontement est érigé en règle d’or, au pays du partage, le gouvernement d’union nationale et le front républicain vont de soi : ils sont institutionnalisés et inscrits dans le texte fondamental au chapitre VI (articles 54 à 60) consacré aux « Formations politiques ».

Le multipartisme est reconnu (article 54).

La seule interdiction qui frappe les formations politiques est celle de s’identifier à une race, une ethnie, une tribu, un clan, une région, un sexe, une religion ou à tout autre élément pouvant servir de base de discrimination (article 57).

Et pour cause. Les partis reconnus (11) se regroupent en un front républicain, « le Forum national de Concertation des Formations Politiques [qui] rassemble les formations politiques pour des raisons de dialogue politique, et de construire le consensus et la cohésion nationale » (Article 59).

Le partage du pouvoir concerne aussi tout naturellement les institutions de l’État.

Cela est inscrit dans le chapitre 7 (articles 61 à 63) consacré aux « Pouvoirs de l’État ». Les « trois pouvoirs sont séparés et indépendants l’un de l’autre mais sont complémentaires » (article 61).

Selon l’article 62, le partage du pouvoir est respecté dans les institutions de l’État conformément aux principes fondamentaux prévus par l’article 10. Ainsi, le Président de la République et le Président de la Chambre des Députés ne peuvent pas provenir d’une même formation politique.

Et, dans la pratique, il en est de même du premier ministre et du Président de la République ; les membres du Gouvernement sont choisis au sein des formations politiques en tenant compte de la répartition des sièges à la Chambre des députés et la formation politique majoritaire ne peut pas avoir plus de cinquante pour cent (50 %) des membres du Gouvernement ;

Au Parlement, le principe de représentation des différentes catégories est respecté.

Aujourd’hui, la moitié des 11 partis politiques officiellement enregistrés y sont représentés. Et, au pays du partage, le gouvernement, les partis politiques, les agences onusiennes, les organisations internationales et locales, les ONG, le secteur privé, les communautés locales, tous se doivent de travailler de façon solidaire et cohérente pour faire face aux défis, à la recherche des solutions efficaces, loin de toute opposition frontale et systématique.

Dans une démocratie (à dominante) participative et donc dans un espace politique ouvert à tous, il faut organiser et garantir le partage : c’est donc d’abord un problème de « bonne gouvernance ». Dans le cadre très décentralisé, le rôle de « garde-fous » est assuré par des structures institutionnalisées, au premier rang desquelles se trouvent deux organismes eux-mêmes décentralisés :

L’Office of Ombudsman (le Défenseur des droits) : son rôle est de combattre la corruption par l’éducation, la prévention et l’application de la loi : stages de sensibilisation ; alourdissement des peines encourues ; identités des coupable rendues publiques… En 2016, Transparency International classe le Rwanda au 44ème rang mondial et au 4ème en Afrique et 1er au niveau de la Communauté de l’Afrique de l’Est.

Le Rwanda Governance Board (RGB) : il est chargé de la mise en application des politiques publiques (décentralisation, certaines SLC…), l’enregistrement des partis politiques (11, dont la moitié au moins sont bien représentés au gouvernement et presque tous au Parlement bicaméral), des ONG (1.400 ONG, dont 500 de confessions religieuses…), des associations professionnelles (pharmaciens, avocats, taxis…), des coopératives etc… En termes de bonne gouvernance, le World Economic Forum(2014-2015) a classé le Rwanda au 1er rang en Afrique, le 7ème dans le monde devant des nations comme la Suisse (9ème) ou le Luxembourg (10ème).

Le RGB est chargé aussi de l’évaluation régulière des médias et de leur développement (Baromètre Rwanda Media). Mais le Code d’Éthique et de Déontologie des médias rwandais a été adopté en 2004 après consultations entre le Haut Conseil de la Presse d’une part, les professionnels et partenaires des médias au Rwanda d’autre part.

En vingt-deux ans, le nombre des stations de télévision est passé de 1 à 6, le nombre de stations radio de 1 à 29. Et il existe actuellement plus de 45 titres de journaux (la plupart en kinyarwanda) et 80 sites web d’information. Et ceux qui lisent les journaux et écoutent les radios privées peuvent constater que l’on peut critiquer le pouvoir.

Les limites, fixées par la loi : provocation aux crimes ou aux délits (meurtre, pillage, incendie, etc.) ; diffamation ; racisme ; l’incitation à la haine ; le racisme et, bien sûr, l’apologie du génocide.

Dans tous les cas, c’est le partage du pouvoir et le gouvernement d’union nationale qui ont facilité la mise en place et la réalisation de politiques à long terme : la « Vision 2020 » entrée dans sa dernière phase et bientôt la « Vision 2050 », en gestation depuis le Dialogue national (Umushyikirano) de décembre 2015.

Les succès sont au rendez-vous : mutuelle de santé pour tous, espérance de vie ayant passé de 45 à 65 ans ; plus de 90 % de scolarisation des enfants de moins de 12 ans ; 7 % de croissance…

Mais le Rwanda est surtout reconnu comme exemplaire en matière d’égalité femmes/hommes.

Dans le classement de la parité au Parlement, il est 1er de la liste avec 63,8 % de femmes parlementaires et 6ème sur la base de plusieurs critères : l’accès aux soins de santé, l’accès à l’éducation, la participation économique (salaires, participation au marché du travail, fonctions dirigeantes) et la représentation politique. Ce succès est lié au choix et à la promotion de la démocratie participative.

Pour mener vers un réel et rapide changement, ces choix politiques doivent être combinés avec un leadership fort, avec la volonté et l’action d’un grand leader qui a des idées claires sur ce qu’il souhaite pour son pays.

Et le propre d’un véritable grand homme d’État n’est pas d’être un simple gestionnaire garant d’un programme politique électoral(iste) mais de proposer une vision et d’ouvrir des perspectives à son pays :

ttps://www.rwanda-podium.org

«

[le président Paul Kagame rêve]

d’un Rwanda réellement stable, sur tous les plans. Un Rwanda prospère, dont le niveau a rattrapé celui des pays qui le tiennent pour acquis. Un Rwanda qui n’a plus besoin d’être le bénéficiaire de la générosité d’autrui. [Il] souhaite que le Rwanda soit en mesure de donner plutôt que recevoir, qu’il puisse aider d’autres à devenir autonomes et à être les acteurs de leur prospérité. […] Un Rwanda prospère et stable ; des Rwandais heureux et fiers d’être Rwandais. » (L’Homme de fer, Conversations avec Paul Kagame, idm, 2015, p.117)…


Tradition et modernité

Vingt-deux ans après le génocide, le Rwanda peut être considéré comme porteur d’un double message : un pays peut renaître de ses cendres à condition de renouer avec ses propres racines. Mais le retour aux sources n’est pas un retour dans le passé : c’est un processus de modernisation – au sens étymologique du mot – qui tienne compte du contexte spatio-temporel, historique et culturel.

Vingt-cinq ans, c’est très court dans l’Histoire d’un pays.

Le processus de reconstruction de la nation et de consolidation des progrès accomplis demande encore du temps.