Le génocide de 1994 ne concernait que les Batutsi ni le Rwanda, il concernait l’humanité toute entière. En introduisant sans repentance les loups dans l’enclos, la France n’est pas épargnée des maux qu’ils véhiculent. La Rédaction




L’implication  de la France dans la politique rwandaise en soutenant le régime génocidaire de Habyarimana, a obligé ce pays, patrie des Droits de l’Homme à s’impliquer jusqu’au coup dans la protection politique, diplomatique et militaire de ce régime. Grâce à la cohabitation, toutes les grandes institutions de la France sont impliquées dans le génocide contre les Batutsi : la gauche politique, la droite politique et l’Armée. L’Eglise catholique de France n’était pas de reste, elle a protégé et continue à le faire, aussi bien les prêtres que des laïcs génocidaires qui sont venus chez elle chercher refuges. Ils ont reçu toutes les facilités nécessaires pour se faire une virginité.

Après le génocide au Rwanda, réarmés par la France, les génocidaires se sont reppliés en RDC, ils ont continué à semer la désolation au Congo, en pillant, en violant les femmes et en massacrant la population. Ni la France patrie de Droits de l’Homme, ni la Sainte Mère l’Eglise Catholique n’ont trouvé à redire. Au contraire elles ont tourné les yeux ailleurs en accusant les autres pour mieux innocenter leurs protégés.
Mais un jour, le loup fera des dégâts dans la bergerie.   

Il est important de lire cette enquête bien fouillées de Theo Englebert, paru dans le jour Le Poulpe sur les anciens génocidaires rwandais et membres d’un groupe armé, anciens génocidaires rwandais et membres d’un groupe armé, qui à partir de Roue, exercent leur influence sur la diaspora en toute impunité depuis 20 ans.

ROUEN ET LA SEINE-MARITIME, DISCRETES BASES ARRIERE DES EXTREMISTES RWANDAIS CES VINGT DERNIERES ANNEES

À Rouen, anciens génocidaires rwandais et membres d’un groupe armé exercent leur influence sur la diaspora en toute impunité depuis 20 ans. Dans les années 2000, ils phagocytaient le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile. Ces sinistres individus s’impliquent aujourd’hui activement dans le soutien à l’opposante rwandaise Victoire Ingabire.

Entre avril et juillet 1994, les extrémistes massacrent près d’un million de personnes au cours du génocide des Batutsi du Rwanda. Le drame rwandais puis les guerres successives qui ravagent le Congo voisin poussent des millions de personnes sur les routes. Un certain nombre de génocidaires rwandais prennent le chemin de la France. À l’aube des années 2000, la Seine-Maritime voit s’installer une importante communauté rwandaise constituée majoritairement de Bahutu au passé trouble. Rouen acquiert rapidement une réputation de bastion des extrémistes.

« Quand vous rencontriez des Rwandais de n’importe quel coin de la France, de Belgique, d’Allemagne ou d’Angleterre, ils avaient surnommé Rouen : la capitale européenne des génocidaires», se rappelle Jérôme*, un proche de la diaspora rwandaise dont la belle famille fut décimée au printemps 1994. Trois plaintes visent actuellement des Rwandais vivant en Seine-Maritime pour leur participation au génocide dans la préfecture de Kibuye, dans l’ouest du Rwanda. Deux d’entre eux sont mis en examen.

Si elles témoignent de la présence de génocidaires à Rouen,  ces procédures judiciaires  qui s’éternisent sont loin de refléter l’ampleur de celle-ci. Le Poulpe a enquêté sur une organisation sophistiquée dont les ramifications s’étendent de la Seine-Maritime aux maquis du Congo.

Rouen, capitale européenne des génocidaires

Les premiers à poser leurs valises en Normandie sont des intellectuels Bahutu proches du défunt régime et hostiles au nouveau pouvoir de Kigali. Ils créent leur propre structure régionale, basée à Rouen. Les statuts de l’Association des Rwandais de Normandie (ARN) sont rédigés le 24 mai 2003 et déposés en préfecture le 25 juin de la même année.
À sa tête, des Rwandais originaires de la région de Kigali et du nord du Rwanda.

L’agglomération voit alors s’installer de hautes personnalités de l’ancien régime clientéliste et autoritaire rwandais. Entre 2001 et 2004, Marie-Merci Habyarimana, fille cadette de Juvénal  Habyarimana – le dictateur rwandais dont l’assassinat en 1994 sonnera le point de départ du génocide – suivra ses études d’ingénieur à Rouen. Quelques années plus tard, Joséphine Mukazitoni, l’épouse de Félicien Kabuga, grand argentier du génocide de 1994, y résidera également.

Rouen devient un lieu de villégiature pour la parentèle des accusés du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). La femme de l’ancien ministre du Plan, condamné à perpétuité pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, vit dans l’agglomération. C’est aussi le cas de la famille de l’ancien ministre des Transports et des Communications du régime génocidaire.

La ville constitue également un refuge pour certains des architectes du génocide. À l’image d’Issa Nyabyenda qui fut le rédacteur en chef de l’édition internationale du magazine Kangura, l’un des principaux médias génocidaires. Le journal a pour ambition d’étendre et d’attiser la haine anti-Batutsi à toute la région des Grands Lacs. Son ancien patron vit toujours en France sous un nom d’emprunt.

À partir de 1997, cette élite va rapidement être rejointe par d’autres Bhutu extrémistes originaires des préfectures de Kibuye et Gitarama, dans l’ouest du Rwanda. « Il s’agissait d’anciens fonctionnaires ou d’anciens militaires, plus proches du terrain, qui avaient passé plusieurs années dans les camps du Congo. Ceux-là étaient des militants actifs », se remémore Jérôme.

C’est précisément à cette époque qu’un ingénieur-chimiste originaire de Gitarama, organise une filière d’immigration clandestine en région parisienne comme l’a révélé Mediapart. « Assez rapidement, il les a envoyés à Rouen et c’est comme ça que s’est créée cette communauté spéciale », explique Gérard Sadik, vétéran de la CIMADE, une association de soutien aux migrants.

Le passeur a de bonnes raisons d’orienter ses amis rwandais vers Rouen. Le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile s’avère être une véritable passoire que les génocidaires ont réussie à infiltrer de bout en bout.

À Rouen, Audace Munyakayanza, l’épouse d’un officier des anciennes forces armées rwandaises, attend les réfugiés. Elle est parvenue à se faire embaucher par France Terre d’Asile (FTDA), une association spécialisée dans l’accompagnement des demandeurs d’asile. Une information confirmée par plusieurs Rwandais que Le Poulpe a interrogés.

En 2002, FTDA décroche la gestion des 142 places du Centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) qui ouvre à Rouen. Contactée par Le Poulpe, l’association n’a pas souhaité communiquer au sujet de son ancienne employée.

Un grand nombre de Rwandais fraîchement installés à Rouen va rapidement afficher sa sympathie pour les groupes paramilitaires issus des anciennes forces armées rwandaises (FAR). Dans la ville aux cent clochers, les représentants de l’un de ces groupes vont agir au grand jour durant de nombreuses années.

Un groupe armé de la région du Kivu s’implante à Rouen

Immédiatement après le génocide, plusieurs dizaines de milliers d’anciens militaires et miliciens rwandais se réorganisent dans les camps de réfugiés du Zaïre (actuelle République démocratique du Congo) et essaiment ensuite dans les pays voisins. Ils fusionnent finalement en 2000 sous le nom de Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et resteront principalement actifs dans la région du Kivu, frontalière du Rwanda.

La liste des exactions commises par les FDLR dans l’est du Congo est longue : pillages, actes de violence graves dirigés contre les civils, esclavage sexuel, enlèvements, déplacements forcés de populations et utilisation de centaines d’enfants-soldats. Ce sont ces anciens génocidaires rwandais, aujourd’hui membres des FDLR, qui importent au Congo l’utilisation du viol de masse comme arme de guerre.

Emmanuel Ruzindana, un vétérinaire de formation installé dans l’agglomération de Rouen, est responsable des affaires politiques au sein de la commission exécutive des FDLR. « Tout le monde sait que Ruzindana est un FDLR. Il le dit lui-même depuis des années », rigole Phileas*, un Hutu rwandais qui vit dans le département. D’après Phileas, l’organisation bénéficie de la sympathie d’une partie de la communauté rwandaise locale. « À Rouen ils ont toujours eu de la force. D’ailleurs, il y avait beaucoup de gens qui cotisaient au FDLR », explique-t-il. Plusieurs sources au sein de la diaspora rwandaise confirment ces propos. Emmanuel Ruzindana serait ainsi un personnage-clé dans le fonctionnement de l’organisation. C’est également ce que seront amenés à soupçonner les experts de l’ONU. En décembre 2005, le conseil de sécurité décide de sanctionner les responsables des groupes armés actifs au Congo en demandant aux États membres d’interdire leurs déplacements et de geler leurs fonds. Les FDLR qui opèrent sur le sol européen se retrouvent dans le viseur des Nations-Unies.

Dès le 22 mai 2006, via un télégramme confidentiel, l’ONU transmet aux états africains une liste de cibles établie par le Royaume-Uni. Le nom d’Emmanuel Ruzindana figure en troisième position. Le 23 août 2008, un télégramme confidentiel du secrétaire d’État américain presse la France de fournir les informations au sujet d’Emmanuel Ruzindana.
Ce qu’elle ne fera pas. Emmanuel Ruzindana échappera aux sanctions.

Si Emmanuel Ruzindana agit au grand jour, le colonel Augustin Munyakayanza, membre du haut commandement militaire de l’organisation, s’installe plus secrètement dans l’agglomération. Il n’a jamais eu affaire à la Justice et mène une vie très discrète en SeineMaritime avec son épouse. Cette dernière n’est autre qu’Audace Munyakayanza. Elle a quitté l’association FTDA pour un emploi au CHU de Rouen.

Comment le colonel Munyakayanza peut-il passer une paisible retraite en France ? La réponse réside peut-être dans son engagement au cours des années qui ont suivi le génocide. Après la débâcle du régime génocidaire, ce capitaine de gendarmerie reste mobilisé au sein de l’ancienne armée rwandaise à Bukavu, dans le sud du Zaïre, avant de se rendre au Congo-Brazzaville où il prend la tête d’une force armée et le surnom de « colonel Roméo ». Les paramilitaires Rwandais stationnés au Congo-Brazzaville seront impliqués dans la guerre civile au côté de Denis Sassou Nguesso, lui-même soutenu par la France et financé par Elf.

Un autre officier des FDLR, plus trouble encore, trouve refuge en Seine-Maritime. Le lieutenant-colonel Christophe Hakizabera, originaire de Gitarama, est l’un des fondateurs et dirigeants de l’organisation. Son exil l’a conduit à Rouen où il est d’abord hébergé par FTDA en 2009. Aujourd’hui, il vit dans un foyer de l’association Émergences. Le nom de Christophe Hakizabera figure sur la liste initiale des cibles envisagées pour les sanctions des Nations-Unies. Mais il disparaît dans les échanges diplomatiques suivants.

Dans les années 2000, Christophe Hakizabera est l’un des principaux témoins dans l’enquête du juge d’instruction français Jean-Louis Bruguière. Entre 1998 et 2006, le magistrat français mène des investigations à charge contre le nouveau pouvoir de Kigali au sujet de l’attentat contre l’avion de Juvénal Habyarimana.

Christophe Hakizabera fournira des témoins au juge Bruguière et l’aidera à échafauder un scénario incriminant les rebelles Tutsis ainsi que des proches de Paul Kagamé, actuel président du Rwanda. Ces échanges ont lieu en 2003 sur fond de tractations autour de l’engagement militaire français dans le cadre de l’opération Artémis dans l’Est du Congo. La présence des FDLR et de leurs amis n’est pas sans conséquence sur la vie de la diaspora. Les réfugiés vont retrouver, à Rouen, les méthodes qui avaient cours sur les collines du Rwanda.

Les extrémistes mettent la diaspora en coupe réglée

Emmanuel Ruzindana est à la tête un Muhutu originaires de l’ouest du Rwanda. Ces derniers vont littéralement prendre le contrôle de la diaspora locale. « Ils ont quadrillé la communauté rwandaise comme la société était quadrillée par le régime unipartiste au Rwanda », constate Jérôme qui les a vu s’imposer. Ruzindana et ses acolytes instaurent une hiérarchie pyramidale dont ils occupent le sommet.

Au milieu des années 2000, les FDLR changent de stratégie dans l’hexagone. La réputation sulfureuse du mouvement armé pousse ses représentants à dissimuler leur allégeance. Plus question d’agir au grand jour. « Ils ont abandonné tout ça pour s’investir dans des associations. Ça leur a servi à camoufler cette image », observe Phileas.

La frange la plus dure des extrémistes originaires de Kibuye et Gitarama, s’empare de l’association des Rwandais de Normandie. En 2006, l’ARN est rebaptisé Association pour la promotion culturelle rwandaise (APCR) et change de président. Emmanuel Mushimiyimana, un ancien militaire rwandais, prend les commandes. « On s’occupait de nos compatriotes qui arrivaient. On les orientait aussi vers des associations comme France-Terre-d’Asile », explique-t-il.

Un ancien avocat de Gitarama, Joseph Mushyandy va devenir le principal porte-voix de l’APCR. Il en prendra par la suite la vice-présidence en 2011. « Mushyandi est quelqu’un d’important », appuie Phileas. « C’est lui qui les défend publiquement ». L’homme en question traîne un lourd passé.

Membre du MRND avant le génocide, Joseph Mushyandi dirige alors une association fantoche qui mène des opérations de désinformation pour le compte du régime. En novembre 1993, il est ainsi impliqué dans une tentative de manipulation destinée à tromper le secrétaire général de l’ONU. Objectif, maquiller le massacre d’une trentaine de Bahutu modérés et de leurs familles. On retrouve sa trace quelques années plus tard lorsqu’il intègre l’équipe de défense d’un responsable du génocide au TPIR.

Parallèlement à cet entrisme dans la vie associative, Emmanuel Ruzindana tisse sa toile dans l’agglomération rouennaise. En 2006, il ouvre Protechs, une boutique de produits africains et exotiques sur la rive gauche de la Seine. Trois ans plus tard, il lance Impara, un restaurant situé à deux pâtés de maisons. Pour créer son établissement, Emmanuel Ruzindana s’associe à Jean-Baptiste Kabanda, un chauffeur de bus, également membre de l’APCR et qui en devient le président en 2013.

Jean-Baptiste Kabanda est intimement lié à un acteur majeur du génocide. Son grand frère, lieutenant-colonel en 1994, est l’officier en poste à 5h00 du matin le premier jour du génocide, lorsque la Première ministre modérée est assassinée par l’armée. Directeur des services financiers du ministère de la Défense, il parcourt ensuite le monde pour approvisionner les génocidaires en armes avant de trouver définitivement refuge en France.

L’établissement du duo Ruzindana-Kabanda est rapidement devenu le quartier général des extrémistes à Rouen. Mais sur le papier, les deux comparses n’ont plus de liens avec cette entreprise. Un couple de Rwandais gère désormais le restaurant. Quant à l’épicerie Protech, rebaptisée Le Tropical, elle est aujourd’hui gérée par un autre Rwandais.

Eugénie Ruzindana, l’épouse d’Emmanuel Ruzindana, se fait embaucher chez France Terre d’Asile. Elle prend la suite d’Audace. « Elle profitait de cette position et elle était assez active », affirme Jérôme. Les Rwandais que le Poulpe a interrogés sont unanimes. Ils décrivent Eugénie comme aussi extrémiste que son mari.

Aujourd’hui, Eugénie intervient toujours comme travailleuse sociale au sein du Centre provisoire d’hébergement (CPH) de Rouen géré par FTDA. Sollicitée par Le Poulpe, l’association n’a pas souhaité faire de commentaire.

Depuis 2013, les époux Ruzindana s’investissent dans une nouvelle association baptisée Collectif rwandais pour l’échange interculturel Igicumbi (C.R.E.I-I) dont Eugénie est la viceprésidente. Étrange coïncidence, le président de l’association, un assistant social du département de Seine-Maritime, est aujourd’hui le nouveau patron de l’épicerie ouverte par Emmanuel Ruzindana

Victoire Ingabire, le cheval de Troie des extrémistes depuis 2009

À la fin des années 2000, génocidaires et membres des FDLR vont trouver une nouvelle cause à défendre en la personne de Victoire Ingabire, opposante au président rwandais.

Cette dernière veut se lancer à l’assaut des urnes rwandaises avec son nouveau parti, les Forces démocratiques unifiées (FDU-Inkingi).

Elle-même issue d’une famille de génocidaires réfugiés en Hollande, Victoire Ingabire a de sérieux atouts pour plaire aux extrémistes. Elle adhère au Rassemblement républicain pour la démocratie au Rwanda (RDR) en 1997 avant d’en prendre la tête en 2000. Fondé par les extrémistes Bahutu en fuite au lendemain du génocide, le parti a compté dans ces rangs certains des principaux responsables de l’hécatombe rwandaise comme le colonel Bagosora.

Quand elle lance sa campagne électorale, Victoire Ingabire connaît déjà les extrémistes de Rouen. En juin 2006, elle participe à une réunion avec les FDLR et leurs divers alliés à Barcelone. Emmanuel Ruzindana et Christophe Hakizabera figurent parmi les vingt personnes assises autour de la table. En juillet 2009, Victoire Ingabire choisit naturellement Rouen pour donner un dernier meeting avant de s’envoler pour le Rwanda. « Elle est venue dire au revoir aux Rwandais. J’étais là, on ne se cachait pas », se rappelle Emmanuel Mushimiyimana alors président de l’APCR.

Ce sont les militants de l’APCR qui organisent l’événement et la liste des invités s’avère pour le moins troublante. On y retrouve en effet de sinistres individus impliqués dans le génocide des Batutsi en 1994 et la guérilla des FDLR. C’est l’une des rares apparitions publiques d’Augustin Munyakayanza, le « colonel Roméo » des FDLR. Il partage la vedette avec un membre encore méconnu de l’APCR, le Dr Charles Twagira. Aujourd’hui, le médecin est mis en examen pour génocide et crime contre l’humanité. Accusé d’être à la tête d’une milice dans la région de Kibuye, il aurait notamment organisé le massacre des patients de l’hôpital dont il était le directeur. « Tout Rwandais pouvait venir », bredouille Emmanuel Mushimiyimana qui dit ne pas se souvenir des invités.

Un ex-ponte du régime génocidaire, originaire de Gitarama, figure également en tête d’affiche. Ancien député et préfet de Kibuye, Pierre Kayondo était un membre notoire du MRND. « Le MRND était un parti unique. Même ceux qui s’opposent maintenant à tout ça étaient dedans à leur naissance », proteste vigoureusement l’intéressé quand nous évoquons avec lui son engagement. Mais l’homme n’était pas un simple élu du MRND.

Dès novembre 1993, Pierre Kayondo est mentionné dans l’organigramme de la Radio télévision libre des mille collines (RTLM), la station à partir de laquelle fut coordonné le génocide. Il a par ailleurs investi 10 000 francs rwandais dans la création de la RTLM. Au téléphone, Pierre Kayondo assure ne pas avoir de liens avec la radio génocidaire. Les pièces à conviction du TPIR indiquent le contraire. Mais l’ancien édile de Kibuye y voit l’œuvre d’individus « méchants » appartenant à des « lobbys » téléguidés par les autorités de Kigali.

Devant les tribunaux gacaca (tribunaux populaires rwandais chargés de juger les génocidaires) puis le TPIR, différents témoins désignent Pierre Kayondo comme ayant animé des réunions incitant aux tueries, mais aussi livré et distribué des armes aux miliciens d’une commune du sud du Rwanda pour qu’ils massacrent leurs voisins Batutsi. Il témoignera anonymement pour la défense de deux accusés devant le TPIR. Pierre Kayondo n’a jamais été inquiété et vit désormais au Havre.

Après le départ de Victoire Ingabire pour le Rwanda, les extrémistes de Rouen organisent son soutien et s’investissent dans le parti. Joseph Mushyandi adhère au FDU en 2011 et apparaît quelques années plus tard dans l’organigramme du parti comme responsable des Affaires juridiques. Il rejoint ensuite l’association Victoire pour la paix (AVP) fondée en 2013 par Gaspard Harerimana, un autre ami de Ruzindana originaire de Kibuye et membre de l’APCR. Ce dernier prend la tête du Comité politique local (CPL) des FDU à Rouen.

À l’exception de Pierre Koyondo et Emmanuel Mushimiyimana, aucune des personnes mises en cause dans cette enquête n’a souhaité nous répondre malgré de nombreuses sollicitations. Le Poulpe n’est pas parvenu à contacter les époux Ruzindana et Munyakayanza.

Victoire Ingabire est arrêtée au Rwanda en 2010 et condamnée à 15 ans de prison pour « conspiration contre les autorités par le terrorisme et la guerre » et « minimisation du génocide de 1994 ». À six mille kilomètres de Kigali, les extrémistes de Rouen continuent de nourrir l’espoir délirant d’un retour au Rwanda pour restaurer l’ancien ordre social. Celui dont les élites organisèrent l’assassinat d’un million de personnes entre avril et juillet 1994.

*Pour préserver l’anonymat et la sécurité de nos sources, certains prénoms ont été modifiés.

https://www.rwanda-podium.org