Joseph Kabila Kabange, reste un général en chef en embuscade derrière ses troupes majoritaires au Parlement, dans l’hypothèse de son retour à la tête du plus grand pays d’Afrique sub-saharienne. Par Bienvenu-Marie BAKUMANYA, Samir TOUNSI/ AFP
Joseph Kabila dans son ranch de Kingakati, près de Kinshasa, le 10 décembre 2018
Officiellement, il a quitté le pouvoir il y a 18 mois. Mais l’ex-président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila Kabange, reste un général en chef en embuscade derrière ses troupes majoritaires au Parlement, dans l’hypothèse de son retour à la tête du plus grand pays d’Afrique sub-saharienne.
« Kabila, reviens vite pour qu’on remette de l’ordre », chantaient jeudi ses partisans qui ont défilé à Kinshasa, en pleine crise au sein de la coalition au pouvoir.
Discret par nature, Joseph Kabila est invisible depuis qu’il a transmis le pouvoir au nouveau président, Félix Tshisekedi, le 24 janvier 2019, au prix d’un accord de coalition: la présidence pour l’opposant Tshisekedi, le Parlement pour les fidèles du sortant Kabila.
L’ex-leader congolais, 49 ans, profite de la vie dans sa ferme de Kingakati à 80 km de la capitale, au milieu des d’animaux (lions, antilopes…) qu’il a fait venir d’autres pays d’Afrique.
Dans la partie du zoo ouverte au public, moyennant le paiement d’un ticket d’entrée (le parc de la Nsele a été inauguré par sa femme en mai 2018), « Gentleman farmer » Kabila se prête au jeu des selfies avec les visiteurs qu’il croise parfois le dimanche. Il n’est entouré que de « deux ou trois gardes du corps », selon un de ses proches.
Ses apparitions publiques sont quasi-inexistantes, même quand il rencontre son successeur Tshisekedi pour tenter d’apaiser les tensions au sein de leur cohabitation inédite. Rien n’a filtré de leur dernière entrevue début juillet.
Le « président honoraire » ne s’est jamais exprimé publiquement depuis 18 mois, un exercice qu’il a toujours pratiqué avec modération pendant ses 18 ans au pouvoir (2001-2019).
Mais cette traversée du désert très volontaire n’est pas le signe d’un deuil du pouvoir, préviennent ses proches.
M. Kabila reste la principale autorité du Front commun pour le Congo (FCC), la machine de guerre qu’il a pris soin de mettre sur pied avant de quitter le pouvoir, et qui contrôle le Parlement.
M. Kabila en a délégué la gestion à un homme de confiance, son ex-directeur de cabinet Néhémie Mwilanya Wilondja, originaire comme lui de l’Est swahilophone du pays.
Ce gardien de la « Kabilie » reconnaît que le « chef » reçoit des cadres du FCC dans son ranch de Kingakati. « Il y a des visites de courtoisie, et des visites pour solliciter des conseils ».
« Il gère sa famille politique au jour le jour », assure à l’AFP un ancien conseiller du président.
« Aucune restriction »
Ce jeune retraité n’a jamais écarté un retour aux affaires. « Dans la vie comme en politique, je n’exclus rien », avait-il glissé à la presse étrangère dès décembre 2018, juste avant son retrait.
M. Kabila avait quitté le pouvoir deux ans après la fin de son deuxième et dernier mandat autorisé par la Constitution, sous la pression de la rue et des partenaires étrangers de la RDC, à commencer par les Etats-Unis et l’Union europénne.
Ses nombreux adversaires, qui ont bravé des répressions meurtrières, redoutaient son passage en force vers un troisième mandat. Des élections ont finalement eu lieu le 30 décembre 2018, après trois reports.
Kabila peut revenir, affirme ses amis. « La Constitution interdit trois mandats consécutifs, mais elle est muette sur un possible retour après une parenthèse de cinq ans », selon son ancien conseiller.
Juriste de formation, son bras droit Néhémie Mwinanya est encore plus catégorique: « Les règles du jeu constitutionnelles sont claires, elles ne lui imposent pas de restrictions, jusque là ».
En attendant, le défi pour les amis de M. Kabila consiste à contenir l’influence de l’actuel chef de l’Etat Félix Tshisekedi, au nom de l’ « équilibre des pouvoirs ».
Ils ont manifesté jeudi pour le « respect de la Constitution », très remontés contre le nouveau chef de l’Etat qui vient d’écarter deux piliers de l’ancien régime Kabila.
De son côté, le président Tshisekedi a le soutien des Etats-Unis, qui appuient sans réserve sa volonté de lutter contre la corruption et d’écarter des personnalités sous sanctions.
« Les agents du FBI et les procureurs américains sont prêts à collaborer sur des affaires à l’échelle internationale », a écrit mardi sur Twitter le très actif ambassadeur américain à Kinshasa, Mike Hammer, après avoir reçu la nouvelle direction de l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption.
Les prochaines élections sont prévues en 2023.