Les médias internationaux louent le caractère osé du Rapport Duclert commandé par le Gouvernement français qui conclut aux « accablantes et … responsabilités de la France dans le génocide perpétré contre les Batutsi » mais aussi de « l’aveuglement » de ce même Gouvernement qui n’a pas vu venir le génocide contre les Batutsi.
Pourtant le Rapport Muse commencé (2017) deux ans avant celui de Duclert (2019), lui ne va pas par quatre chemins. Il accuse les dirigeants français d’alors de s’être impliqués corps et âme dans la préparation et l’accompagnement ce génocide en armes, logistique et appui militaire technique.

Dans son résumé des conclusions, le rapport Muse avance sans ambages que « l’État français porte une lourde responsabilité pour avoir rendu possible un génocide prévisible”.

Très clairement, il est conduit lentement et sûrement. Aucun témoin ou document n’est négligé. Ayant qualifié les jeunes combattants INKOTANYI de Tutsi puis d’envahisseurs étrangers venus d’Uganda pour l’expansion de l’anglophonie sur l’Afrique Centrale, il montre que dans sa volonté de barrer la route à la forte et éprouvée rébellion du FPR des années 1992, 1993 ; Mitterrand a renforcé une coopération militaire avec le régime Habyarimana qui visiblement préparait le génocide contre les Batutsi. Les 30 jeunes militaires français du DAMI (Détachement d’Assistance Militaire et d’Instruction) prennent en charge depuis mars 1991, l’entraînement militaire de la jeunesse INTERAHAMWE du parti alors au pouvoir, le MRND/Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement qui deviendra une véritable machine organisée à l’échelle nationale pour tuer systématiquement toutes les familles Batutsi préalablement fichées, ciblées et listées.

Rien qu’à voir ces jeunes militaires français sur les barrages montés sur les chaussées passantes entrain de faire débarquer les Batutsi et les donner à tuer aux jeunes Interahamwe, on se demande quelle autre lourde responsabilité criminelle française au Rwanda on peut demander.

Rien que cet indice du crime documenté pourrait être un élément constitutif d’un crime parfaitement pénal commis par la France au Rwanda.

Une fuite en avant de Duclert et compagnie pour amortir le choc de Muse

Le cabinet d’avocats Muse a-t-il été pris de court par le Prof Duclert et son équipe qui avaient pleinement accès aux archives françaises ? Le Président français et son équipe étaient bien au courant de l’imminence de la publication du Rapport Muse pour lequel les juristes chercheurs ont investigué partout dans le diplomatique, le documentaire,… pour, à la fin, établir des responsabilités pénales des personnalités publiques françaises citées dans le Rapport MUCYO du 5 août 2008.

La rapidité avec laquelle est rédigé le Rapport Duclert qui conclut sur des « lourdes et accablantes responsabilités de la France au cours du génocide perpétré contre les Batutsi de 1994 » n’étonne pas. Les observateurs y trouvent la magie de la France dont elle a le secret en Afrique de savoir anticiper les événements pour un non lieu.
Dans le rapport Muse sont étalés et décrits tous les faits criminels posés par des officiels et militaires français de 1991 à 1996. La seule question est de savoir à quand et par qui l’injonction a été donnée aux investigateurs du cabinet américain Muse pour ôter du Rapport des responsabilités individuelles établies de chacune des hautes personnalités politiques élyséennes et diplomatiques (en poste à Kigali) et autres hauts gradés militaires dans leurs états-majors ou sur terre étrangère rwandaise pour faire couler le sang des Batutsi et pour offrir un corridor sécurisé aux génocidaires, organisateurs et exécutants confondus, pour leur relocation sur les bords du Kivu dans l’ex-Zaire.
Tout est clair que beaucoup de tarabiscotages ont été opérés dans le rapport au nom d’intérêts des Etats.

Quand le politique ; tu nous tiens !!!  !
Interprète qui veut, mais ce rapport Muse montre qu’il a établi toutes les responsabilités possibles pouvant traîner en justice les personnalités politiques et militaires qui ont « rendu possible un génocide prévisible ».

« La commission Duclert, tout en parlant de « responsabilités lourdes et accablantes » et faisant leur examen avec des considérations abstraites de responsabilités « politiques, institutionnelles et intellectuelles, mais aussi éthiques, cognitives et morales », ne se prononce pas sur la responsabilité réelle de l’État français. Elle ne précise pas ce dont il est responsable. En particulier, elle n’attribue pas à l’État français une lourde responsabilité pour avoir rendu possible un génocide prévisible. Nous le faisons dans le présent rapport. (…) De sa connaissance des massacres de civils perpétrés par le régime du président Habyarimana et ses alliés à la déshumanisation quotidienne des Bautsi en passant par les télégrammes diplomatiques et autres informations remontant depuis le Rwanda, l’État français était en mesure de constater qu’un génocide se préparait. L’État français n’était ni aveugle ni inconscient au sujet d’un génocide prévisible… », lit-on dans le Résumé du Rapport Muse présenté comme un condensé du volumineux rapport pour une lecture rapide.

Ici tout est dit. La fuite en avant du Gouvernement français qui- en 2019, soit deux ans après le lancement des travaux Muse – a diligenté à la va-vite une commission d’historiens dirigés par Duclert, est pressentie comme une façon d’amortir le choc des révélations qu’allait établir le Bureau américain Muse. Il ne serait pas étonnant de voir que l’Elysée ait conféré avec Kigali pour escamoter certains passages du Rapport Muse afin que la France garde une image avenante en Afrique et que Kigali enterre cette quête de la vérité sur chacune des personnalités françaises qui ont alimenté la furie de ce génocide contre les Batutsi le plus rapide de l’histoire humaine et des faits concrets qu’elles ont posés, des faits susceptibles de poursuites judiciaires. Les faits sont-ils vraiment têtus ? Ou on peut les jeter dans une trappe lointaine profonde de l’histoire ?

Redigé par Jovin Ndayishimiye Le 22 avril 2021

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