Le discours de haine et d’incitation à la violence contre les tutsis congolais sont devenus les formes les plus répandues d’intolérance et d’exclusion en RDC.
Lorsque l’inacceptable est acceptée, encouragée, devient la norme, alors la société est déchirée.
Le gouvernement congolais a signé plusieurs accords avec le M23 sans les mettre en application. Il y a celui avec le CNDP du 23 mars 2009, celui avec le M23 du 12 décembre 2013 et 2019 restés lettres mortes.
En novembre 2021, le M23 a repris les armes. Cette reprise des hostilités entre le M23 et les FARDC a entrainé la remise au goût du jour du discours de haine, de violence ethnique ciblant les Batutsi congolais.
Ces attaques tribalistes et ethniques proviennent des personnalités et militants de partis politiques, des leaders communautaires, des acteurs de la société civile et des membres de la diaspora congolaise.
La résurgence du M23 depuis novembre 2021, les actions hostiles des FARDC et groupes armes sur la population, l’éventuelle alliance entre les FARDC et les FDRL viennent aggraver encore plus une situation sécuritaire très fragile.
Ajouter à cela les accusations mutuelles entre la RDC et le Rwanda. Le premier accusant le second de soutenir militairement le M23.
Tandis que le second reproche au premier de tirer des roquettes sur son territoire blessant des civils et endommageant des biens.
De kidnapper deux de ses militaires en patrouilles à la frontière et de s’allier au groupe terroriste des FDRL.
Le M23 défait en 2013 a refait surface en novembre 2021. Et en mars 2022 il a pris les villes de Runyoni et Tchanzu dans le Rutshuru.
Le 27 mai 2022, le gouvernement congolais a déclaré « mouvement terroriste » le M23 l’excluant ainsi du processus de Nairobi.
Depuis le 22 mai 2022, les combats se sont intensifies avec les FARDC et depuis quelques jours le M23 occupe la ville frontalière avec l’Ouganda de Bunagana.
Faute d’avoir une armée pouvant ramener une victoire militaire, la classe politique congolaise, les médias, la société civile recyclent depuis le discours de haine et incite ouvertement au lynchage des tutsis congolais.
La propagation rapide des discours haineux en RDC à travers les réseaux sociaux, les radios locales, les manifestations publiques, la presse écrite est un sujet de préoccupation majeure.
Il touche au cœur même de la protection et la défense des droits humains et de la population en particulier le groupe cible.
Ces discours portent sur la citoyenneté congolaise et présente le tutsi comme étranger, infiltré voire complice du M23 et donc traitre a la nation.
Et il est couvert par l’impunité.
Ces messages sont à l’origine de violence qui causent de morts, des pillages, des destructions de biens, des atteintes à l’intégrité physique y compris des violences sexuelles sur les congolais préalablement identifiés comme tutsis.
Ces actes sont susceptibles d’être constitutifs de crimes contre l’humanité.
La Cour Pénale Internationale entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque :
« Meurtre, emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international, persécution de tout groupe ou toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national (nationalité douteuse), ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3 ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissible en droit international ».
Mais les réseaux sociaux permettent d’identifier comme avérés d’incitation à la haine les discours de certaines autorités tant civiles que militaires et policières.
A l’exemple du Président de la jeunesse de l’UDPS, parti du Président Tshisekedi, qui lisait la liste des maisons des tutsis congolais devant le siège du parti devant des militants surexcités.
Mais aussi de ce chef adjoint de la police de la province du Nord Kivu, François Xavier Aba Van Ang, qui incitait la population de Goma et ses environs de saisir les machettes.
Ce vocable de machette de sinistre mémoire au Rwanda, utilise par les interahamwe pour massacrer les tutsis.
Dans des situations extrêmes comme celle de la RTLM, la radio qui incitait au génocide, des journalistes ont été reconnus coupables de crimes contre l’humanité par le TPIR.
Dans l’affaire des médias, le TPIR a réprimé les discours de haine comme étant des actes de persécution.
Le 14 juin 2022 à Kisangani le Lieutenant-Colonel Bageni des FARDC est pris à parti et molester par les militaires et policiers pour délit de faciès accusé d’être rwandais.
Tandis qu’a Kalehe, on signalait l’arrestation arbitraire du chef du village de Numbi Sekagirimana Bosco et Kanyamugire tous deux tutsis congolais.
Mercredi 15 juin 2022 des étudiants tutsis congolais qui devaient passés leurs examens à l’Université de Goma ont été pris à partis par des jeunes surchauffés.
Ces messages ont diverses origines. Ils proviennent des responsables politiques, des membres des partis politiques, de la société civile et même de la diaspora congolaise.
Ils prennent pour cible le tutsi congolais.
Mercredi 15 juin 2022 à l’appel de la coordination urbaine de la société civile de Goma, des milliers de personnes ont manifester pour soutenir les FARDC et dénoncer « l’agression du Rwanda ».
On a assisté à des scènes de pillages de magasins appartenant aux Batutsi congolais.
Sur certaines artères des manifestants arrêtaient des véhicules, les fouillaient et exigeaient de connaitre l’identité des occupants à la recherche des Batutsi.
Pendant ce temps, en pleine séance du parlement un Honorable député n’hésita pas à dire que dans l’hémicycle il y avait des rwandais et on les connait.
Ces exemples ne sont pas exhaustifs.
Dans une communication timide, le gouvernement congolais appelle à éviter les actes et propos de haine et incitation a la haine qui mettrait en péril la cohésion nationale.
Mais il sait pertinemment qu’il n’a aucun moyen de lutter contre ces agissements et même qu’il n’est pas suivi.
En RDC, l’incitation à la haine tribale est réprimée par l’ordonnance loi numéro 66-342 du 7 juin 1966 incriminant le racisme et le tribalisme.
Il existe aussi la loi numéro 20-017 du 25 novembre 2020 relatives aux télécommunications qui réprime la création, diffusion, téléchargement ou le fait de mettre à la disposition sous quelque forme que ce soit des écrits, messages, photos, dessins ou tout autre représentation d’idées ou de théories de nature raciste ou xénophobe par le biais d’un système de communication électronique.
Ces types de discours sont non seulement délictuels sur le plan interne mais ils sont contraires aux droits de l’homme.
La déclaration universelle des droits de l’homme proclame l’égalité entre tous les hommes en droit et en dignité.
Son art 7 reconnait une protection contre la discrimination.
Mais aussi l’article 20-2 du pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Ces discours sont favorisés par un contexte politique, économique et social fragile et exacerbés par des dérives liées a la compétition politique, la faiblesse du cadre institutionnel et la gestion pacifique des conflits intercommunautaires plus particulièrement dans les zones touchées par les conflits armés.
En plus de l’impunité pour les violations et atteintes aux droits humains, la méfiance réciproque entre groupes ethniques.
Le 6 juin 2022, une réunion importante s’est tenue à Addis Abeba au siège de l’Union africaine entre les nations unies, l’Union africaine, l’Union européenne, l’organisation internationale de la francophonie sur l’évolution de la situation en RDC.
Les quatre partenaires de la RDC opèrent dans le cadre de la paix et la sécurité en RDC et dans la région des grands lacs.
I y a l’appel du Président Kenyan et Président en exercice de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est qui doit présider une réunion des chefs d’états-majors des armés des pays de la région dimanche 19 juin 2022 à Nairobi.
Afin de rendre opérationnelle la force d’intervention qui devra être déployée à l’Est RDC comme décidé par les Chefs d’Etat de la Communauté.
Certains observateurs de la situation sécuritaire à l’Est RDC s’interrogent sur la compréhension qu’aurait le pouvoir de Kinshasa des causes réelles des crises récurrentes dans cette partie du pays. Ses acteurs apparents et ceux tapis dans l’ombre, les motivations des uns et des autres et les actions appropriées à mener.
La société civile Congolaise devrait être le fer de lance de la protection, la défense et la promotion des droits humains plutôt que d’être une caisse de résonnance des politiciens véreux.
Le gouvernement Congolais devrait s’inscrire résolument dans le processus de Nairobi, cadre de négociation avec les groupes armés et éviter les ambiguïtés ainsi que les ambivalences
Le gouvernement congolais doit mettre fin urgemment au discours de haine et l’incitation au meurtre et poursuivre tous ceux qui en sont les auteurs.