Le défi logistique que représentent les élections législatives et présidentielle qui doivent, en principe, se tenir au Congo le 28 novembre prochain est à la mesure des dimensions du pays : 180.000 urnes d’un mètre de haut sont en cours de fabrication en Chine et doivent encore être acheminées et distribuées, 64 millions de bulletins de vote sont imprimés en Afrique du Sud. Via des « hubs » et des « sous hubs » ils seront répartis dans 62.000 bureaux de vote afin que 32 millions d’électeurs puissent faire leur choix entre 11 candidats à l’élection présidentielle et 18.000 prétendants au siège de député. Le pasteur Ngoy Mulunda, à la tête de la Commission nationale indépendante, ne nie pas la difficulté, mais assure que « s’il le faut, le matériel électoral sera transporté sur la tête de la population », répétant que le scrutin aura bien lieu à la date prévue. Cependant, son adjoint Jacques Djoli a fait écho aux inquiétudes croissantes en assurant qu’il « ne fallait pas momifier la date du scrutin… »
Les pressions se multiplient en effet pour que le Congo, compte tenu des retards dans les préparatifs matériels, ajourne de quelques semaines ou de quelques mois la date des élections. Des « think thanks » influents, comme International Crisis Group ou le Centre Carter qui a dépêché sur le terrain 40 observateurs, plaident dans ce sens, relayés par certaines voix congolaises comme celle de Jérôme Bonso, membre d’une société civile très soutenue par les bailleurs occidentaux. électoral. Comme le mandat de cinq ans du président Kabila expire le 6 décembre prochain, il serait préconisé, pour éviter un dangereux vide juridique, de conclure un accord entre adversaires politiques et de mettre sur pied une sorte de gouvernement de transition, un « remake » de la formule de partage du pouvoir « un plus quatre », très impopulaire, qui avait régi le Congo entre 2002 et 2006.
Un tel « arrangement » satisferait la classe politique, qui dans sa grande majorité redoute le verdict des urnes. Il apparaît en effet que les électeurs déçus par l’absence de retombées sociales de la nouvelle démocratie risquent de sanctionner les élus sortants et de mener à l’Assemblée une majorité de nouveaux venus, inexpérimentés peut-être mais peu avares de promesses…
Par contre, le président Kabila, lors d’une conférence de presse de trois heures, a clairement repoussé l’idée d’un report des élections, déclarant « si la CENI confirme que nous sommes prêts à organiser les élections à la date prévue, on les organise et on y va… » Il a accusé les partis d’opposition, et en particulier l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social) d’Etienne Tshisekedi, d’ « avoir peur d’aller aux élections » et de multiplier les manifestations.
L’UDPS paie en effet le fait d’avoir boycotté le scrutin de 2006 : non seulement le parti a des problèmes de financement, mais, n’ayant pas envoyé de parlementaires à l’Assemblée, il ne participe pas à la surveillance du processus électoral et n’a pas accès au serveur central. C’est pourquoi, dénonçant les fraudes, les militants manifestent chaque jeudi, défiant les forces de l’ordre et provoquant des incidents qui se sont déjà traduits par morts et blessés.
Cependant un accord vient d’être conclu avec la CENI donnant à l’UDPS un accès au serveur central ce qui devrait permettre au parti de Tshisekedi d’enfin signer l’accord prévoyant des élections démocratiques et apaisées.
Cependant, ne doutant pas de sa victoire, Etienne Tshisekedi a jusqu’à présent refusé tout accord préélectoral avec les autres candidats au scrutin présidentiel. Or l’élection présidentielle ayant été réduite à un seul tour, la seule chance de « déboulonner » Kabila aurait été l’union de l’opposition sur une candidature unique.
Dans diverses capitales occidentales (Bruxelles, Paris, Montréal, Washington) des tractations ont eu lieu sur ce point entre les principaux challengers, Kengo wa Dondo aujourd’hui président du Sénat, Vital Kamerhe ex président de l’Assemblée nationale et Tshisekedi lui-même. Elles n’ ont toujours pas débouché sur une candidature commune alors qu’au pays, Kabila a mis ses fonctions à profit pour multiplier les visites sur le terrain et inaugurer les « chantiers de la reconstruction ».
Repoussant les suggestions occidentales d’un report du scrutin, il apparaît que le Congo « s’approprie » de plus en plus cet exercice démocratique avec le soutien de nouveaux partenaires (la Chine, l’Afrique du Sud, la Russie,l’Ouganda qui va lui prêter des avions…) tandis que l’implication des partenaires traditionnels, la Belgique mise à part, a diminué. Cette appropriation n’est pas seulement théorique : l’Etat congolais prendra à sa charge 80% des 800 millions que coûtera cet exercice électoral et d’aucuns se demandent déjà d’où sortiront des sommes aussi importantes…
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