Face à la mutinerie d’un groupe de militaires issus du CNDP (Conseil national pour la défense du peuple), qui réclament le retour aux accords conclu le 23 mars 2009, d’où le nom de leur mouvement M23, Kinshasa  a choisi la manière forte : des chars, des hélicoptères de combat et les troupes de la force de réaction rapide sont engagés  face aux mutins. Ces derniers se sont retranchés dans le parc des Volcans, le long de la frontière rwandaise.On ignore encore si les hommes du colonel Sultani Makenga (qui aurait du succéder à Bosco Ntaganda) soutiennent leur ancien chef, visé par la Cour pénale internationale,  mais il est probable que ni les mutins d’hier, (les compagnons de Bosco qui a voulu échapper à son arrestation et son transfert à La Haye) ni ceux d’aujourd’hui (Sultani Makenga qui commandait naguère la « Brigade Bravo » coupable de nombreux crimes à Rutshuru) pas plus que les rebelles du passé (qui appuyèrent Laurent Nkunda jusqu’à ce que ce dernier soit mis à l’écart en 2009) ne souhaitent que leur ancien chef et compagnon de route comparaisse devant la Cour pénale internationale. Non seulement il s’agirait d’une humiliation infligée à un chef de guerre qui, voici quelques semaines encore « tenait » tout le Nord Kivu et menait des opérations militaires contre les FDLR (combattants hutus rwandais) mais surtout, une comparution devant la justice internationale serait l’occasion d’interroger « Terminator » sur les complicités et les soutiens dont il a bénéficié au cours des deux dernières décennies.  D’éventuels aveux mettraient en cause plusieurs présidents de la région (Kagame, Museveni sinon Kabila lui-même) et dévoileraient des appuis extérieurs, liés au commerce de l’or et des minerais ou impliqués dans la géopolitique régionale . Bref, si les défenseurs des droits de l’homme et l’opinion publique congolaise réclament, à juste titre, que soient extradés et jugés des hommes comme Laurent Nkunda, Bosco Ntaganda et tant d’autres, la raison d’Etat pourrait, elle aussi, imposer ses arguments.  Tel est peut-être le sens qu’il faut donner à l’offre de médiation rwandaise : elle pourrait à la fois éviter l’écrasement des mutins et maintenir leurs revendications à l’ordre du jour (mais s’agît il uniquement de soldes et de promotions ?) et contribuer au rétablissement rapide de la paix dans la région. Mais si telle était l’issue de la crise, elle pourrait coûter cher au président Kabila qui apparaîtrait comme affaibli et cédant, une fois de plus, aux exigences de son voisin, sans parler des critiques internationales qui ne manqueraient pas d’être formulées.

Au sujet de la « communauté internationale » une remarque s’impose cependant : en 2009, lorsqu’avaient été décidées les opérations militaires conjointes entre le Rwanda et le Congo,  dans le but de démanteler les bastions des Hutus rwandais, qui abritaient encore bon nombre de « génocidaires »,   condamnations et mises en garde n’avaient pas manqué, sous prétexte que les populations civiles allaient être les premières victimes de cette intervention militaire.  Or cette fois, les mêmes milieux ont exercé de vives pressions sur Kinshasa, afin que, sans attendre, les autorités congolaises se saisissent de Bosco Ntaganda et  le transfèrent à la CPI. Or il était de notoriété publique que cette traque ne pouvait qu’être le résultat d’une épreuve militaire, qu’elle risquait de déstabiliser une région en équilibre précaire et qu’elle allait immanquablement susciter un nouveau flot de déplacés et de victimes. Omniprésent voici quatre ans, l’argument des victimes civiles n’a donc pas pesé cette fois ci et le Kivu redoute d’être entraîné dans une nouvelle guerre. Sauf si la médiation rwandaise réussit, au prix de nouvelles concessions dans le chef du président Kabila, décidément placé entre le marteau et l’enclume…

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Posté par rwandaises.com